" Tu aimeras ton prochain comme toi-même " (Matthieu 19 : 19)
Très souvent le Sauveur prenait pour texte de ses discours les préceptes de la loi morale.
Plusieurs de ses sermons (et quels sermons pourraient se comparer aux siens ?) ne contiennent absolument rien de cet assemblage de vérités capitales que de nos jours l’on désigne communément sous le nom d’Evangile.
Chaque fois qu’il se levait pour prêcher à la multitude, il ne revenait point sur les doctrines de l’élection, de l’expiation, du salut gratuit ou de la persévérance finale.
Non, il parlait tout aussi fréquemment des grands devoirs de la vie humaine, de ces précieux fruits de l’Esprit que la grâce de Dieu peut nous faire produire.
Ce que j’avance là vous étonne peut-être, mes chers auditeurs ; mais relisez avec attention les quatre Evangiles, et jugez vous-mêmes si je me hasarde trop en affirmant qu’une très grande partie du ministère de notre Sauveur fut employée à dire clairement aux hommes comment ils devaient se conduire les uns envers les autres.
Il est même tel discours de Jésus, qui, fût-il prononcé aujourd’hui pour la première fois, risquerait fort de ne point être classé par certains critiques de notre époque au nombre des discours " pleins de saveur et d’onction ", non pas toutefois qu’aucune parole de Jésus manque de saveur ; mais on comprend que sa morale sévère ne convienne que médiocrement à ce christianisme fade et sentimental qui n’embrasse la religion que par son côté abstrait, et fait bon marché de son côté pratique.
Mes bien-aimés, à l’exemple de leur Maître, les ministres de l’Evangile sont tenus d’avertir les hommes de leurs devoirs, non moins que de proclamer le salut qui est en Christ.
S’ils négligent de prêcher le devoir, je ne pense pas que le Seigneur leur accorde jamais la grâce d’amener des âmes à reconnaître la suprême beauté de la doctrine de l’expiation ; et, s’ils ne font jamais retentir aux oreilles de leurs auditeurs les tonnerres de la loi, réclamant pour leur Maître l’obéissance qui lui est due, je doute qu’ils puissent parvenir à convaincre les hommes de leur état de péché - du moins de cette conviction profonde et sérieuse qui mène à la conversion.
Je sais d’avance que mon discours d’aujourd’hui sera condamné comme manquant de saveur et de vie par ceux d’entre vous qui voudraient que le prédicateur tournât éternellement dans le même cercle de doctrines ; mais peu m’importe.
Ce méchant monde a quelquefois besoin d’être repris, et quand l’occasion s’en présente, nous ne devons pas lui épargner les censures.
D’ailleurs, si jamais il y eut un temps où le ministre de l’Evangile ait eu besoin de rappeler le précepte contenu dans mon texte, sans contredit ce temps est bien le nôtre.
A quelle époque, en effet, a-t-on plus souvent oublié, plus rarement pratiqué cette parole de Jésus-Christ : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ?
Nous examinerons, en premier lieu, le commandement positif que nous donne mon texte.
Puis j’essaierai de vous indiquer quelques-uns des motifs qui doivent vous porter à y obéir ; enfin, je terminerai en appelant votre attention sur quelques importantes vérités qui ressortent de mon texte.
Avant tout, occupons-nous du commandement.
Jésus-Christ l’a appelé, vous le savez, le second commandement.
" Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force. "
Ce qui revient à dire : " Tu aimeras ton Dieu plus que toi-même "; voilà le premier commandement.
Et voici le second dont les exigences sont, à la vérité, un peu moindres, mais qui n’en est pas moins d’une prodigieuse élévation : " Tu aimeras ton prochain comme toi-même ".
Et d’abord, qui dois-je aimer ?
Mon prochain.
Par le mot prochain, nous devons entendre premièrement toute personne qui vit près de nous, et, par extension, tout membre, quel qu’il soit, de la grande famille humaine.
Dans son sens propre, ce mot signifie voisin ou proche, en sorte que celui-là est essentiellement mon prochain, qui vit, demeure ou se trouve près de moi.
Ainsi, par exemple, le pauvre blessé, gisant à demi-mort sur le chemin de Jéricho, était le prochain du bon samaritain et avait droit à sa compassion, par le seul fait qu’il se trouvait sur sa route. Aime donc ton prochain, ô mon frère.
Peut-être est-il riche, tandis que tu es pauvre.
Ne convoite pas ses richesses, et ne nourris dans ton cœur aucune pensée amère à son égard.
Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, il y aura toujours inégalité de fortune parmi les hommes.
Sois content de ton sort, si tu ne peux l’améliorer ; surtout ne regarde pas ton prochain d’un œil d’envie ; ne souhaite pas de le voir réduit, comme toi, à la pauvreté.
Aime ton prochain, et alors tu ne saurais lui porter envie.
Et toi, riche de ce monde, ne méprise point ton voisin parce qu’il est d’une condition autre que la tienne.
Ne rougis point de l’appeler ton prochain ; ne rougis point de reconnaître que tout pauvre qu’il est, il a droit à ton amour.
Le monde l’appelle ton inférieur ; mais, je te prie, en quoi consiste cette infériorité ?
S’il n’est pas ton égal en position, il l’est en réalité. Dieu a fait naître d’un seul sang tout le genre humain (Actes 17 : 26).
Tu n’as pas plus de valeur que lui ! Il est homme ; et toi, qu’es-tu de plus ?
Il peut être un homme en haillons, mais un homme en haillons est toujours un homme, c’est-à-dire un être créé à l’image de Dieu ; et quand même tu serais un homme vêtu de pourpre, encore ne serais-tu, après tout, qu’un homme.
Ne manque donc pas d’aimer ton prochain, ô mon frère, et garde-toi de le mépriser, fût-il même tombé au dernier degré de l’échelle sociale.
Aime aussi ton prochain, quelles que puissent être ses convictions religieuses.
Tu crois que la fraction de l’Eglise à laquelle tu appartiens est la plus près de la vérité, et tu ne doutes ni de ton salut, ni de celui de tes amis qui pensent comme toi.
Ton prochain, lui, pense différemment. Sa religion, selon toi, est erronée et mensongère : aime-le malgré cela.
Que les divergences qui séparent vos opinions ne séparent point vos cœurs.
Peut-être a-t-il tort, peut-être a-t-il raison, je ne prétends point décider entre vous ; quoi qu’il en soit, je sais une chose ; c’est que celui-là pratique le mieux l’Evangile, qui aime le plus son prochain.
Mais il se peut que tu aies affaire à un homme qui n’ait pas de religion du tout.
Il insulte ton Dieu, il est sceptique et il s’en fait gloire.
N’importe ; tu dois l’aimer. Des paroles hautaines ne pourraient que l’éloigner davantage de la piété ; une conduite dure à son égard ne le disposerait pas à devenir chrétien. Aime-le, malgré son impiété.
Aussi bien, son péché n’est pas contre toi ; il est contre ton Dieu.
Or, ce Dieu, tu le sais, se charge lui-même de tirer vengeance des péchés commis contre lui : Laisse donc ton prochain entre les mains du juste juge ; mais, en attendant, si tu peux lui rendre service, lui témoigner de l’intérêt ou de la bienveillance, fais-le sans hésiter, fais-le de nuit ou de jour.
Et si tu établis quelque distinction entre lui et un autre, qu’elle soit plutôt en sa faveur qu’à son préjudice.
Que ta conduite toute entière lui dise clairement : " Parce que tu n’es pas de ma religion, parce que mon Dieu n’est pas ton Dieu, je veux chercher d’autant plus à t’être agréable, afin de te gagner, si je le puis, à la bonne cause.
Quoique tu sois un Samaritain hérétique et moi un Israélite orthodoxe, je te considère pourtant comme mon prochain, et je veux t’aimer, dans l’espérance que bientôt tu ne monteras plus à ton faux temple du Garizim, mais que tu viendras adorer Dieu avec moi dans son sanctuaire à Jérusalem. "
Oui, mon cher auditeur, aime ton prochain, je le répète, quoique sa religion soit autre que la tienne.
Tu dois l’aimer également, quoiqu’il te fasse concurrence et que ses intérêts soient opposés aux tiens.
C’est là une maxime qu’il serait difficile, je le sais, d’introduire à la Bourse ou dans les affaires ; néanmoins, c’est une maxime, industriels et commerçants, qu’il est de mon devoir de vous faire entendre.
Un jeune homme vient peut-être de se lancer dans une entreprise et vous craignez que, s’il réussit, il ne vous cause du dommage.
Gardez-vous surtout de rien faire ou de rien dire qui puisse porter atteinte à son honneur ou à son crédit.
Votre devoir est de l’aimer ; car bien qu’il soit votre compétiteur en affaires, il n’en est pas moins votre prochain.
Peut-être aussi un de vos confrères est-il votre débiteur. Si vous exigez le paiement de sa dette, vous le ruinez du coup ; si, au contraire, vous lui laissez la somme qu’il a entre ses mains, il pourra faire face à l’orage et sortir heureusement de la crise qu’il traverse.
Quel est votre devoir envers lui ?
Vous devez l’aimer comme vous vous aimez vous-même et agir envers lui comme vous voudriez qu’on agisse envers vous, si vous étiez placé dans les mêmes circonstances.
Quel que soit celui avec lequel tu entretiens des relations commerciales, souviens-toi donc, ô homme, qu’il est ton prochain.
La loi chrétienne ne t’exhorte pas simplement à ne le point haïr ; elle t’ordonne de l’aimer ; et quand même il entraverait tes projets, quand même il t’enlèverait ta clientèle, ton crédit, ou, ce qui est mille fois pire, ta réputation, - encore serais-tu obligé de l’aimer comme toi-même.
Cette loi n’admet point d’exception : Tu aimeras ton prochain.
Tu dois encore aimer ton prochain, ô mon frère, quoiqu’il t’afflige par son péché.
Souvent, n’est-il pas vrai ? Nos esprits se soulèvent, nos cœurs se serrent au-dedans de nous, en voyant les iniquités qui s’accomplissent dans les rues de nos grandes villes.
Nous voudrions pouvoir mettre au ban de la société, comme des malédictions vivantes, le pécheur scandaleux, le débauché, la femme de mauvaise vie…
Ce sentiment n’est pas bon, il n’est pas chrétien. Nous devons aimer les plus grands pécheurs, et loin d’en bannir aucun de la douce région de l’espérance, nous devons faire tous nos efforts pour les ramener au bien.
Mon prochain est-il un brigand, un menteur, un scélérat ?
Me baissant vers lui, je puis espérer de le relever en quelque mesure et de réveiller dans son âme ne fût-ce qu’une faible lueur de dignité morale ; je pèche si je ne le fais point, car le Seigneur m’ordonne de l’aimer comme je m’aime moi-même.
Oh ! Plût à Dieu que ce grand principe fût pleinement mis en pratique !
Mais, je vous le demande, mers chers auditeurs, en est-il ainsi ?
Non, vous n’aimez pas votre prochain ; vous savez que vous ne l’aimez pas !
C’est à peine si vous aimez les personnes qui viennent tous les dimanches invoquer le Seigneur avec vous dans le même lieu de culte : comment donc pourriez-vous songer à aimer ceux qui ne partagent pas vos croyances ?
Que dis-je ? C’est à peine (ô humiliant aveux !), c’est à peine si vous aimez ceux qui vous sont unis par les liens du sang, qui ont sucé le même lait que vous, ont grandi sous le même toit, ont eu part aux mêmes tendresses.
Si donc vous n’aimez pas vos amis eux-mêmes, est-il surprenant que vous n’aimiez pas vos ennemis ?
Que de familles, en effet, sont déchirées par des divisions intestines !
Que de frères en guerre contre leurs frères, de proches contre leurs proches !
Peut-être y a-t-il un homme dans cet auditoire qui, ce matin, avant de venir dans la maison de Dieu, a échangé des paroles amères avec un des siens.
Ah ! Mes chers auditeurs, si vous n’aimez pas ceux de votre famille, vous êtes pires que des païens et des infidèles !
Comment donc, encore une fois, pourrait-on s’attendre à ce que vous pratiquiez dans toute son étendue ce grand et solennel commandement : Tu aimeras ton prochain ?...
Mais que vous le pratiquiez ou non, mon devoir est de le prêcher hautement sans ménager les oreilles susceptibles de cette génération rebelle et contredisante.
Aussi je tiens à le redire en termes aussi clairs que possible : Mon texte nous impose l’obligation, d’abord, d’honorer et d’aimer tous les hommes, simplement parce qu’ils sont hommes ; puis d’aimer d’une façon particulière nos voisins, nos connaissances, toute personne, en un mot avec laquelle nous sommes en rapport ; et cela, non point à cause de sa position sociale ou en raison de ses qualités, mais simplement parce qu’elle est notre prochain, et parce que Dieu nous a dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mais quoi ?
Est-il bien vrai que je doive aimer mon prochain ?
Oui, je dois l’aimer.
Le mot est fort, j’en conviens, mais c’est celui dont le Sauveur a fait usage ; par conséquent, on ne saurait le remplacer.
" Eh bien ! Dira quelqu’un, à tout prendre, je crois que j’obéis à ce commandement. Je ne parle de personne en termes malveillants. Je n’ai jamais nui, que je sache, à la réputation de qui que ce soit.
" J’évite soigneusement de faire du tort à mes voisins.
" Même dans les affaires d’intérêt, je veille à ce que l’esprit mercantile n’étouffe pas en moi l’esprit de charité.
" Je cherche à être juste et poli envers tout le monde. "
Mon cher auditeur, jusque-là, c’est très bien, mais ce n’est point assez.
Il ne suffit pas, quand tu le rencontres sur ton chemin, que tu t’abstiennes de lui courir sus, ou quand il est retiré dans sa maison pour la nuit, que tu respectes son repos.
Le commandement de mon texte n’est pas négatif : il est positif.
Il nous dit, non ce qu’il ne faut pas faire, mais ce qu’il faut faire.
Il va sans dire que tu ne dois nuire en aucune façon à ton prochain ; parce que tu as accompli cette partie de ton devoir, ne te persuade pas avoir tout fait.
Tu dois l’aimer : voilà ce que Dieu demande de toi.
" Mais, dit un autre, non seulement je ne fais pas de mal à mon prochain, mais je cherche à lui faire du bien.
Lorsque mes voisins sont malades, je leur donne des marques d’intérêt ; s’ils sont dénués de toute ressource, je donne mon argent, afin qu’ils soient convenablement soignés. "
Tu fais bien, mon cher auditeur ; on ne peut assurément qu’approuver ta conduite ; toutefois, sache-le, tu peux donner, et pourtant ne pas aimer.
Souvent, j’ai vu une aumône jetée à un malheureux, à peu près comme un os est jeté à un chien, sans un seul atome de charité.
J’ai vu de l’argent donné à un pauvre avec beaucoup moins de civilité qu’on n’en met d’ordinaire pour présenter du foin à un cheval. " Allons ! Prenez cela, et allez-vous-en.
" Je suis bien fâché que vous soyez venu chez moi. Pourquoi ne vous adressez-vous pas à d’autres ?
" Vraiment, je ne sais où cela finira ; je suis assailli par des mendiants ! "
Voilà de quelles paroles la plupart des aumônes sont accompagnées ; puis, on ajoute, à part soi : " Il faut bien que je lui donne, je suppose, sans quoi on dirait que je suis avare !...
" Oh ! Mes amis, je vous le demande, est-ce là aimer son prochain ?
Est-ce là le moyen de s’en faire aimer ?
Si vous lui aviez parlé avec bonté, tout en lui refusant votre argent, il vous en aurait su plus de gré que de votre aumône donnée d’une façon si blessante.
Ô toi qui nourris le pauvre et qui visites le malade, non, tu n’as point obéi au commandement de mon texte, à moins que ton cœur n’ait donné l’impulsion à ta main, et que ta générosité soit la fidèle expression de l’intime charité de ton âme. " Tu aimeras ton prochain ".
Mais ici je prévois une interruption d’un autre genre.
" Prédicateur, me dira-t-on, avec la meilleure volonté du monde, je ne puis pas aimer mon prochain.
Peut-être pouvez-vous aimer le vôtre, parce qu’il est meilleur que le mien ; mais les personnes avec lesquelles j’ai affaire ont l’esprit si mal tourné, qu’en vérité on perd son temps à vouloir les aimer.
J’ai souvent essayé ; mais, à tous mes témoignages de bon vouloir et d’affection, elles n’ont répondu que par l’ingratitude, la froideur et l’insulte."
Eh bien !
Mon frère, ne te décourage pas ; aime-les toujours, et tu n’en seras que plus héroïque. Soldat faible, voudrais-tu donc n’avoir rien à souffrir dans la sainte guerre de l’amour ?
Sur ce terrain, sache-le, la victoire reste toujours au plus vaillant ; c’est pourquoi, quelque rudes que soient tes premiers pas dans la carrière, avance hardiment, avance sans te laisser rebuter par les obstacles, avance en aimant ton prochain envers et contre tout, en l’aimant, s’il le faut, malgré lui-même.
Amasse des charbons de feu sur sa tête.
Et, s’il est, par sa nature, difficile à contenter, ne t’en mets point en peine ; cherche, non à lui plaire, mais à plaire à ton Maître.
Et si ton affection est méprisée par les hommes, souviens-toi que ton Maître, lui, ne la méprise pas, mais que tout acte de charité et de dévouement, quoique méconnu par celui qui en est l’objet, n’en est pas moins agréable à ton miséricordieux Sauveur.
Tu aimeras ton prochain !
Le jour où ce commandement serait mis en pratique, toute colère, toute violence et toute animosité, disparaîtrait de la terre.
Qui n’est jamais en colère contre lui-même ?
Sans doute, dans un certain sens, tout homme sage l’est quelquefois ; pour ma part, j’avoue que je ferais bien peu de cas de celui qui, en présence, soit du mal qu’il sent dans son cœur, soit du mal qui se commet autour de lui, pourrait toujours conserver son sang-froid. Mais souviens-toi, ô homme ! Que tu n’as pas le droit de t’irriter contre ton frère plus que tu ne t’irrites contre toi-même.
Tu es parfois indigné de ta propre conduite, et tu peux t’indigner également de la sienne, s’il commet une mauvaise action.
Mais ta colère contre toi est de très courte durée, n’est-il pas vrai ?
Tu pardonnes bientôt, je n’en doute pas, à ta chère personne ; eh bien !
Tu dois, tout aussitôt, pardonner à ton prochain.
Si tu lui as dit quelques paroles trop vives, va et retire-les sur le champ, et si tu n’as fait que le reprendre selon la vérité, n’ajoute rien qui pourrait augmenter sa confusion.
Quand c’est nécessaire, proteste hardiment contre le péché, mais fais-le avec toute la charité possible. Ne sois pas plus raide qu’il ne faut.
Agis envers autrui comme tu agirais envers toi-même. Surtout, ne conserve aucune rancune.
Que le soleil ne se couche jamais sur ta colère.
Ce n’est qu’à ces conditions que tu pourras aimer ton prochain, car il est absolument impossible d’obéir aux paroles de mon texte en nourrissant dans son cœur la moindre pensée de ressentiment ou de vengeance.
Mais il y a plus.
Tu es tenu d’aimer ton prochain ; prends donc garde de ne pas le traiter avec indifférence.
Ne le néglige pas ; intéresse-toi à ce qui le concerne.
Peut-être est-il triste, ou malade, ou abattu ; une simple visite de ta part pourrait lui faire du bien ; mais, quoiqu’il habite près de chez toi, il ne t’envoie pas chercher, car, dit-il " Je ne veux importuner personne ".
C’est donc à toi, mon cher auditeur, qu’il appartient de rechercher la souffrance de ton frère.
Les personnes les plus dignes d’égards sont celles qui en sollicitent le moins.
La pauvreté la plus digne de respect est celle qui ne demande pas la pitié.
N’attends pas qu’on vienne s’informer de la détresse de tes voisins, mais sois le premier à la découvrir, et, autant qu’il te sera possible, viens en aide à chacun, selon ses besoins.
Et lorsque tu vas voir un pauvre, chez lui, ne prends pas, je t’en supplie, cet air de condescendance hautaine que revêt trop souvent la charité ; vas-y, non comme si tu étais quelque créature d’un ordre supérieur qui se prépare à octroyer un bienfait, mais comme un frère qui vient s’acquitter envers son frère d’une dette à laquelle la nature et l’Evangile lui donnent des droits sacrés.
Assieds-toi à son côté, parle-lui, témoigne-lui de l’affection.
Et si tu as affaire à un homme aux sentiments fiers et élevés, agis à son égard avec beaucoup de prudence ; garde-toi bien de lui donner ouvertement une aumône, mais assiste-le d’une manière détournée, de peur que tu n’affliges son esprit en voulant le soulager, et que tu ne le blesses avec la boîte même de parfum dont tu avais l’intention d’oindre sa tête.
Ne lui fais pas de la peine par ta maladresse ; respecte sa susceptibilité.
Laisse ton offrande sans rien dire, et il oubliera bientôt ce qu’il y a de pénible à recevoir, mais il se souviendra toujours de ta bonté et de ta sympathie.
Il me serait impossible, vous le comprenez, mes chers amis, d’entrer dans tous les développements qu’exigerait le vaste sujet qui nous occupe.
Je me bornerai donc à observer que l’amour du prochain réduit aussi à néant tout péché qui ressemble à la convoitise, à l’envie ou à la malveillance.
Il nous dispose en tout temps à rendre à nos semblables toute sortes de bons offices, à leur pardonner tout le mal qu’ils peuvent nous faire, et à consentir même à leur servir en quelque sorte de marchepied, si par là nous pouvons leur prouver que nous sommes de vrais disciples du Seigneur Jésus.
" Mais, en fin de compte, objectera peut-être quelqu’un, je ne vois pas que je sois tenu de toujours pardonner.
" Il y a chez toute créature vivante un irrésistible instinct qui la porte à se révolter contre celui qui l’opprime.
" Voyez le ver lui-même : Ne se redresse-t-il pas sous le pied qui l’écrase ?...
" Prends-tu donc un ver pour modèle, mon cher auditeur ?
" Oui, un ver se redresse, mais un chrétien supporte.
Amère dérision, en vérité, de me proposer un ver pour exemple, tandis que j’ai Christ pour modèle !
Jésus-Christ a supporté.
Quand on lui disait des insultes, il n’en rendait point.
Quand on le crucifia, quand on le cloua sur le bois maudit, il s’écria : " Père pardonne-leur ! "
Oh ! Chrétien, imite ton Sauveur dans son incomparable charité.
Qu’un amour invincible, un amour à toute épreuve, un amour si puissant que beaucoup d’eaux ne pourraient l’éteindre et que les fleuves mêmes ne pourraient le noyer (Cantiques des Cantiques 8 :7), qu’un tel amour habite dans ton cœur. Tu aimeras ton prochain.
Et maintenant, il nous reste à examiner quelle doit être la mesure de cet amour.
Plût au ciel que telle grande dame aime son prochain autant qu’elle aime son épagneul !
Plût au ciel que certains riches propriétaires s’intéressent autant à leurs semblables qu’à leurs chevaux ou à leur meute de chiens !
Très sérieusement, mes chers amis, je crois que l’amour fraternel serait en grand progrès parmi nous, si chacun voulait consentir à accorder à ses voisins une aussi grande part dans son affection que celle qu’il accorde à un animal favori.
Mais quoi ?
N’est-ce pas ravaler l’amour du prochain que de le réduire à un tel niveau ?
Oui, sans doute, et pourtant, je le crains fort, ce niveau est bien supérieur à celui que la plupart d’entre vous lui avez donné jusqu’ici.
N’est-il pas vrai que vous aimez vos frères beaucoup moins que vos champs, votre maison ou votre bourse ?
Qu’elle est donc élevée, qu’elle est donc sublime, la règle d’or de l’Evangile : " Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! "
Ici, une question se présente : Combien les hommes s’aiment-ils eux-mêmes ?
Je réponds : " Aucun, trop peu ; la plupart, trop.
" Tu peux t’aimer autant qu’il te plaira, mon cher auditeur, mais à la condition que tu aimes ton prochain dans la même mesure.
" Je suis assuré qu’il n’est nullement nécessaire de t’exhorter à t’aimer toi-même.
" Ton bien-être, tes affaires, ta santé, forment, je n’en doute pas, le principal objet de ta sollicitude. Tu ne négligeras rien, j’en suis parfaitement sûr, pour garnir ton nid d’un moelleux duvet, afin de le rendre aussi doux que possible.
" Il serait superflu, je le répète, de t’exhorter à chérir ta propre personne : tu n’as rien à apprendre à cet égard.
Comme donc tu t’aimes toi-même, ainsi aime ton prochain.
Et n’oublie pas que ce mot de prochain est d’une largeur infinie ; n’oublie pas qu’il embrasse tous les rangs de la société, qu’il comprend même ton ennemi, celui dont tu as le plus à te plaindre.
Oh ! Quelle révolution radicale s’accomplirait dans le monde si ce grand principe de l’amour fraternel avait force de loi parmi les hommes !
Quel puissant levier serait cette simple parole du Sauveur : Tu aimeras ton prochain comme toi-même, pour renverser de fond en comble une foule d’abus et de préjugés qui sont passés dans nos mœurs !
Dans nos sociétés civilisées, quoi qu’on en dise, il règne un esprit de caste presque aussi tranché qu’aux Indes.
Monseigneur regarde avec dédain quiconque n’est pas son égal en dignité, et celui qui le suit dans la hiérarchie sociale considère l’industriel ou le commerçant comme des êtres d’un ordre subalterne.
Le commerçant à son tour regarde le travailleur comme infiniment au-dessous de lui, et il n’est pas jusqu’aux diverses catégories d’ouvriers qui ne se piquent d’une certaine supériorité les uns sur les autres.
Oh ! Quand donc luira le jour où ces absurdes préjugés s’écrouleront tous ensemble ; où l’humanité, sentant enfin qu’un même sang circule dans ses veines, ne formera plus qu’une grande famille ; où chacun aimera son frère, et où toutes les classes de la société comprendront qu’elles sont dépendantes les unes des autres !
Mais, en attendant ce jour béni, travaillons chacun pour son propre compte à nous pénétrer de l’esprit de mon texte, et à nous dépouiller de plus en plus de ce misérable orgueil dont les meilleurs mêmes ne sont pas exempts.
Ô vous, ma sœur, si bien habillée, peut-être vous êtes-vous assise souvent, ici même, dans la maison de Dieu, à côté d’une pauvre femme, vêtue, il est vrai, sans aucun chic, mais qui n’en est pas moins une enfant de Dieu.
Lui avez-vous jamais parlé ? Non, jamais.
Et pourquoi cela ? Voulez-vous que je vous le dise ?
Parce qu’il se trouve que vous avez plus de francs à dépenser par jour qu’elle, la pauvre femme, n’a de centimes !...
Et vous, Monsieur le Comte, vous entrez dans cette église, la tête haute, vous attendant à ce que chacun vous témoigne le plus grand respect.
Et, en effet, vous avez droit à notre respect, car vous êtes un homme ; or, le même passage qui nous dit : " Honorez le roi ", nous dit aussi : " Honorez tout le monde. " (1 Pierre 2 : 17).
Nous sommes donc tenus de nous honorer mutuellement.
Mais quant à vous, tout en croyant que plus que personne vous êtes digne de la vénération publique, que Votre Seigneurie me permette de lui dire qu’elle serait bien plus grande aux yeux des autres, si elle l’était un peu moins à ses propres yeux.
Béni soit notre Père céleste, béni soit le Seigneur Jésus, de nous avoir donné ce commandement, car, je le répète, une ère de bonheur se lèvera sur le monde quand ces paroles seront accomplies à la lettre : " Tu aimeras ton prochain comme toi-même. "
Et maintenant, mes chers auditeurs, je désire vous indiquer quelques-uns des motifs qui doivent vous porter à obéir à ce commandement.
Le premier, le plus puissant des motifs, est celui-ci : nous devons aimer notre prochain, parce que Dieu nous le commande.
Pour le chrétien, il n’est pas d’argument aussi fort que ces simples mots : " Dieu l’a dit "
La volonté de Dieu est la loi du croyant. Il ne demande pas :
Que gagnerai-je en agissant ainsi ?
Que dira l’Eglise ?
Que dira le monde ?
Il se demande simplement : " Est-ce la volonté de mon Père ? "
Puis, cette question une fois résolue, il s’écrie : " Ô Esprit Saint ! Donne-moi d’obéir, non à cause des avantages qui peuvent résulter de mon obéissance, mais uniquement parce que tu as parlé ! "
Oui, c’est le privilège, c’est la gloire du chrétien, de faire la volonté de Dieu, en obéissant à la voix de sa Parole (Psaumes 103 : 20).
Mais, je le sais, ce motif, tout-puissant pour le chrétien, est de nulle valeur pour les gens du monde.
En voici un autre, d’une nature toute différente, qui aura probablement plus de poids auprès d’eux.
Nous devons aimer notre prochain dans notre propre intérêt. Au premier abord, il faut en convenir, ceci à l’air d’un paradoxe. Ne semble-t-il pas, en effet, qu’en nous encourageant à aimer les autres, l’égoïsme se donnerait, pour ainsi dire, la mort de ses propres mains ?
Et cependant, pour peu qu’il fût intelligent, je soutiens que l’égoïsme lui-même nous tiendrait ce langage : " Ego, aime ton prochain, car alors ton prochain t’aimera.
Ego, aide ton prochain, car alors ton prochain t’aidera. Fais-toi des amis, ô Ego, avec tes richesses iniques, afin que lorsque tu seras dans le besoin, ils te reçoivent dans les tabernacles éternels. (Allusion à Luc 16 : 19).
Ego, tu recherches tes aises : le meilleur moyen de te les procurer, c’est de bien traiter ceux avec qui tu as affaire.
Ego, tu recherches le plaisir, les jouissances : tu ne pourras jouir de rien si ceux qui t’entourent te haïssent.
Efforce-toi donc de te concilier leurs bonnes grâces, et ainsi, ô cher Ego, tu seras heureux." Egoïstes !
Profitez de ces sages conseils de votre maître, et puissiez-vous devenir assez logiquement, assez judicieusement égoïstes pour témoigner à vos voisins des égards et de la bonté.
Le plus court chemin pour arriver au bonheur, c’est de rendre les autres heureux.
Le monde est bien mauvais, mais il ne l’est pas assez pour être complètement insensible à la puissance de la bonté et de l’amour.
Pour ma part, si je désirais obtenir la plus grande somme de bonheur possible, je ne demanderais point à la terre son luxe et ses richesses, ni aux plaisirs des sens leurs joies et leurs voluptés :
Toute mon ambition consisterait à me sentir entouré d’êtres aimés et aimants, et à pouvoir me dire que partout où je vais, je répands l’allégresse.
Oui, c’est là le vrai moyen d’être heureux soi-même.
Ainsi donc, mon cher auditeur, tu vois que ton intérêt, bien entendu, doit te porter à aimer les autres, car, par le fait, en les aimant, tu travailles à ton propre bonheur ; tant il est vrai qu’entre ton prochain et toi, il existe une si étroite solidarité, que le courant d’affection, qui découle de ton cœur vers lui, refluera tôt ou tard vers toi.
Mais je ne me suis arrêté que trop longtemps à un motif aussi misérable que celui-là.
Il est indigne d’un chrétien, il est indigne même de tout homme généreux !
Aimez votre prochain, vous dirai-je encore, parce que c’est le moyen de faire du bien dans le monde.
Vous êtes philanthropes ; vous vous intéressez à tout ce qui se fait pour soulager ou améliorer l’humanité ; vous donnez de l’argent aux sociétés de missions, aux orphelinats et aux institutions charitables.
Sans doute, toutes ces œuvres sont excellentes : Dieu me garde de les déprécier en aucune manière !
Mais tout excellentes qu’elles sont, je me demande souvent si elles ne nuisent pas en quelque mesure aux efforts individuels des chrétiens, et si elles n’encouragent point notre paresse naturelle, dans ce sens que nous nous croyons autorisés à nous décharger sur elles moyennant une légère contribution, du devoir de faire du bien à nos semblables.
Encore une fois, qu’on ne se méprenne point sur le sens de mes paroles.
Je ne médis nullement de nos sociétés religieuses ; je vous exhorte, au contraire, à les soutenir autant qu’il vous sera possible ; seulement, voici ce que je vous dis, mes bien-aimés : Si vous désirez réellement le bien de l’humanité, ne vous contentez pas d’y concourir, en quelque sorte, par procuration, mais mettez vous-mêmes la main à l’œuvre.
N’ayez pas constamment recours à ces intermédiaires pour témoigner à votre prochain que vous l’aimez.
Soyez vous-mêmes les distributeurs de vos aumônes ; nourrissez ceux qui ont faim, visitez les malades, recueillez même l’orphelin dans votre maison.
De la sorte, n’en doutez pas, vous travaillerez efficacement au bien de la société.
Chers amis, souvenez-vous qu’il n’est pas de plus sûr moyen d’améliorer le monde, que d’être bon.
Etes-vous ministre de l’Evangile ?
Annoncez la vérité d’un ton bourru et grondeur : Vous aurez bientôt une Eglise où l’on haïra la religion.
Etes-vous moniteur dans une école du dimanche ?
Instruisez vos élèves en fronçant le sourcil : Vous verrez quel profit ils retireront de vos leçons.
Etes-vous chef de famille et célébrez-vous le culte chez vous ?
Mettez-vous en colère et, après cela, dites : " Prions Dieu ", quelle grande dévotion vous provoquerez dans le cœur de vos proches !
Vous avez de pauvres gens autour de vous ; vous voudriez les relever, les éclairer.
Allez les voir, et tancez-les vertement sur la malpropreté de leurs demeures, sur l’état d’abaissement moral dans lequel ils sont plongés : Bon moyen, en vérité, de les engager à profiter de vos conseils !
Essayez plutôt un tout autre système.
Laissez là, croyez-moi, le front dur et le regard sévère ; oignez votre visage de l’huile parfumée de la bienveillance, et, le sourire aux lèvres allez vers votre prochain en lui disant :
" Je vous aime. Je ne fais pas de grandes phrases sur la fraternité, mais vous pouvez compter sur moi, et, autant qu’il me sera possible, je vous prouverai mon affection. "
Voyons : Que puis-je faire pour vous ? Quel service puis-je vous rendre ?
Puis-je vous aider à franchir un mauvais pas ? Vous secourir dans un moment difficile ?
Vous encourager quand vous êtes abattu ?
Il me semble que je pourrais m’occuper de votre petite fille ou envoyer le médecin à votre femme qui est malade. "
Pratiqué sur une large échelle, un tel système de bienveillance et de bons procédés ferait plus, j’en suis convaincu, pour le relèvement moral des masses, que tout ce grand déploiement de rigueur par lequel on cherche à les contenir.
Vos gibets et vos échafauds n’ont point amélioré le monde.
Pendez les hommes autant qu’il vous plaira ; vous n’en serez pas plus avancés.
La corde n’a jamais moralisé personne, et ne le fera jamais. A mon avis, la peine de mort n’est point une nécessité.
Encore une fois, traitez votre prochain avec compassion, traitez-le avec amour, et, moyennant la bénédiction de Dieu, vous verrez qu’il n’est pas de loup, sous les traits d’un homme, dont le cœur ne s’attendrisse pas sous l’effet de la sainte chaleur de la charité.
Je vous le dis donc, mes bien-aimés, dans l’intérêt de l’humanité, aimez votre prochain. Aimez-le aussi, vous souvenant que par votre manque d’affection, vous pouvez augmenter sa part de souffrance.
Il est dans le monde bien des misères dont nous ne soupçonnons pas l’existence. Souvent, nous avons adressé de dures paroles à de pauvres âmes désolées ; nous ne l’aurions point fait si nous avions connu leur souffrance, mais notre ignorance ne nous excuse pas, car nous aurions dû la connaître.
Car qui est responsable de notre ignorance, si ce n’est nous-même ?
Notre devoir n’est-il pas, avant de prendre une décision, de questionner celui qui nous demande un service, et de prendre des renseignements sur son compte ?
" Ce n’est point ainsi que se traitent les affaires ", me répondez-vous.
C’est possible, mais c’est ainsi qu’un chrétien devrait les traiter.
Périssent vos affaires si elles vous obligent à vous conduire en enfant du diable et non enfant de Dieu !
Si vous faites profession de piété, cherchez à servir Dieu, même dans vos affaires, et n’oubliez pas qu’il vous a dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Oh ! Plût à Dieu que j’obéisse toujours moi-même à ce commandement, et que je puisse le faire pénétrer dans le cœur de tous ceux qui m’écoutent !
Le dernier argument dont je ferai usage s’applique exclusivement aux enfants de Dieu.
Chrétiens, mes frères, leur dirai-je, vous devez aimer votre prochain, parce que Christ vous a aimés.
Il vous a aimés le premier. Il vous a aimés quand il n’y avait rien en vous qui fût aimable.
Il vous a aimés quoique vous l’eussiez méconnu, méprisé, insulté.
Il vous a aimés avec persévérance, il vous aime d’un amour éternel.
Il vous a aimés dans vos chutes, il vous a aimés dans vos relèvements.
Il vous a aimés malgré vos péchés, vos ingratitudes et vos folies.
Son cœur aimant n’a jamais changé, et il a répandu tout le sang de ses veines pour vous prouver son amour.
Il vous donne ici-bas tout ce dont vous avez besoin, et vous prépare dans les cieux une habitation éternelle.
O chrétiens, la religion que vous professez exige que vous aimiez comme votre Maître a aimé.
Il vous a dit, vous le savez : Je vous laisse un exemple, afin que vous suiviez mes traces.
Or, comment pourriez-vous suivre ses traces, à moins que vous n’aimiez ?
Rachetés de Christ, si vous n’aimiez pas votre prochain, en vérité, je ne sais comment il serait possible que vous fussiez les vrais disciples de votre Seigneur.
Et, maintenant, il ne me reste plus qu’à vous faire remarquer, très sommairement, quelques-unes des importantes vérités qui ressortent de mon texte.
La première, c’est que nous sommes tous coupables.
En effet, mes bien-aimés, devant ce commandement, qui de nous ne se sent condamné par sa conscience ?
Puisque la loi de Dieu m’ordonne d’aimer mon prochain, du haut de cette chaire, moi, tout le premier, je dois confesser mon péché !
Hier soir, vous le dirai-je ? En méditant sur ce texte, j’ai versé des larmes amères au souvenir de tant de paroles dures qui se sont échappées de mes lèvres, de tant d’occasions de faire le bien dont je n’ai pas profité.
J’ai cherché à m’humilier sincèrement devant Dieu, et je suis assuré qu’il n’est personne dans cet auditoire qui ne sentît le besoin de s’humilier avec moi, si la parole de mon texte était appliquée à son âme, par la puissance de l’Esprit de Dieu.
Oui, nous sommes tous coupables !
O vous, les plus tendres des cœurs, les plus charitables des âmes, dites, n’êtes-vous pas forcés, chacun pour son propre compte, de vous joindre à ce triste aveu ?
Et ceci nous suggère naturellement une seconde remarque. Si tout le monde a violé ce commandement, qui peut espérer d’être sauvé par ses propres mérites ? Y a-t-il quelqu’un qui, pendant toute sa vie, ait aimé son prochain de tout son cœur ?
Si un tel homme existe, il sera certainement sauvé par ses œuvres, à condition toutefois qu’il n’ait pas enfreint non plus les autres commandements.
Mais si vous n’avez pas aimé vos semblables (et vous savez que vous ne l’avez point fait), écoutez la sentence de la loi : L’âme qui péchera sera celle qui mourra.
N’espérez donc pas être sauvé par les ordonnances de la loi. Quiconque se confie dans la loi périra par la loi.
Oh ! Combien ceci est propre à me faire aimer l’Evangile !
Si j’ai transgressé le commandement de mon texte, et je l’ai fait ; si, d’un autre côté, je ne puis entrer au ciel sans y avoir parfaitement obéi, précieux à mon âme est ce Sauveur plein d’amour qui peut laver tous mes péchés dans son sang !
Cher à mon cœur est celui qui veut bien me pardonner mon manque de charité, mon peu de dévouement, ma rudesse et mon égoïsme ; jeter un voile sur toutes mes paroles acerbes, sur mes médisances, sur mon étroitesse, sur ma dureté, et qui, malgré tous mes péchés, me donnera enfin une place dans le ciel, grâce à son sacrifice expiatoire !
Mes chers amis, vous êtes tous pécheurs ; si vous l’aviez ignoré jusqu’à ce jour, l’examen que nous venons de faire a sûrement dû vous convaincre de cette triste vérité.
C’est donc comme à des pécheurs que je viens vous annoncer l’Evangile.
Quiconque croira au Seigneur Jésus sera sauvé.
Et non seulement Dieu pardonnera le pécheur, mais il mettra en lui un nouveau cœur et un esprit droit, en sorte qu’il sera rendu capable à l’avenir d’observer mieux qu’avant la loi de son Père céleste, et qu’il recevra un jour dans la vie éternelle la couronne incorruptible de gloire.
Plus qu’un mot. Je ne sais si, dans quelques parties de mon discours, j’ai paru m’adresser personnellement à l’un de vous. Je l’espère.
En tout cas, c’était mon désir et mon intention.
Je sais qu’il y a beaucoup de gens dans le monde, qui à moins qu’on ne fasse des habits tout exprès pour eux, ne veulent pas les porter : j’ai donc essayé de leur en tailler exactement à leur mesure, afin qu’ils n’aient aucune excuse pour ne pas s’en vêtir.
Si, au lieu de vous écrier : " Comme ce sermon s’appliquait bien à mon voisin ! ", vous consentez à vous dire : " Comme il s’appliquait bien à moi ! ", j’espère qu’avec l’aide de Dieu, mes exhortations ne resteront pas sans fruit.
Et, si quelque personne disait avec dédain, en sortant de cette enceinte : " On ne nous a prêché aujourd’hui que le légalisme ! ", que cette personne reçoive l’assurance de mon affection, mais qu’elle me permette en même temps de lui dire que son opinion me touche peu.
Mon Sauveur a prêché la morale et je veux suivre son exemple. Je crois qu’il est bon de souvent rappeler aux chrétiens que leur foi doit se montrer par leurs œuvres, et, aux mondains, que les œuvres sont la conséquence de la foi.
Je crois que le ministre de Christ est tenu d’élever devant tous le plus parfait idéal de l’amour, de la bonté et de la sainteté, et de ne jamais souffrir que cet idéal soit rabaissé ou amoindri.
Que Dieu vous bénisse tous, mes bien-aimés, et qu’il soit avec vous, pour l’amour de Jésus. Amen.