" Kaboo " fut le premier nom de Sammy Morris.

Il naquit au sein d'une petite tribu de l'Ouest de l'Afrique dont son père était le chef.

Encore enfant, Kaboo fut fait prisonnier dans une rencontre avec une peuplade voisine et les villages sur lesquels dominait son père furent presque tous rasés.

Vendu comme esclave, la situation de Kaboo devint sensiblement analogue à celle d'un objet déposé au mont-de-piété. Son père put le racheter et le garda avec lui jusqu'à l'âge de 12 ans, époque à laquelle il fut de nouveau enlevé et de nouveau mis en vente.

De son second esclavage, Sammy Morris garda toujours un souvenir très précis.

Une fois, m'a-t-il raconté, son père voulut encore le racheter et dans ce but apporta de l'ivoire, des noix de palme et du caoutchouc, choses qui étaient alors et qui sont encore la monnaie courante du pays.

Mais le possesseur de Sammy jugea les marchandises insuffisantes et refusa de le relâcher.

Le père offrit alors de donner, par-dessus le marché, la sœur de Sammy ; mais Sammy protesta avec indignation et l'adjura de ne pas traiter, disant qu'il était plus âgé que sa sœur et qu'il pouvait supporter beaucoup mieux qu'elle les souffrances de la captivité !

Les deux chefs n'arrivèrent donc pas à s'entendre et Sammy fut laissé en esclavage.

Depuis ce jour, l'existence du pauvre petit ne fut qu'un long martyre.

Le chef qui le retenait captif avait juré de le vendre à un bon prix et, dans ce but, il lui infligeait les plus mauvais traitements, et cela au vu et au su de son père.

" Il me faisait fouetter tous les jours, racontait plus tard Sammy Morris, et chaque fois les coups de fouet devenaient plus douloureux ".

- " Et avec quoi te fouettait-il ", lui demandais-je ? "

- " Avec une sorte de verge, très flexible, semblable à une corde ".

 - " Et je suppose qu'il te faisait déshabiller, avant de te donner le fouet ? "

 - " Oh ! Monsieur, répondit-il en souriant, et en découvrant sa double rangée de dents blanches, me faire déshabiller ! "

 " Ne savez-vous pas que chez moi on ne porte ni habit, ni veste, ni chemise, rien ! "

Ainsi, les coups de fouet étaient appliqués sur la chair nue de ce pauvre garçon par la robuste main d'un sauvage inaccessible à tout sentiment de pitié et qui ne désirait qu'une chose : apitoyer le père sur le sort de son enfant et faire un bon marché !

A la fin, n'y tenant plus, Sammy ne songea qu'à fuir. Une occasion favorable se présenta.

Profitant un jour de l'absence de son maître, il prit ses petites jambes à son cou et s'en fut se cacher dans la grande forêt, ne sachant ce qu'il allait devenir. Puis il se remit à marcher, à courir pendant un jour, pendant deux jours, pendant plusieurs jours, à travers les obstacles et les dangers de la brousse.

Quelle distance parcourut-il ?

Combien de fois échappa-t-il à la mort ?

Qui pourrait le dire ?

Ce qui est certain, c'est que la divine Providence qui nourrit les passereaux, nourrit aussi le petit Noir.

La même puissance qui jadis conduisit les Mages à Bethléem, lui fit trouver le chemin de la côte - et aussi le chemin qui conduit à Jésus.

Arrivé à la côte, il réussit à trouver du travail dans une plantation de café. Il put ainsi gagner sa nourriture et se vêtir d'un pagne.

C'est à partir de ce moment que commence la carrière spirituelle de Sammy Morris. Je n'en connais pas de plus admirable.

Elle fut courte et humble, il est vrai, mais sublime dans sa simplicité.

Dans la plantation où il travaillait, Sammy avait fait la connaissance dès son arrivée, d'un jeune garçon de son âge et de sa tribu qui était devenu chrétien par la prédication des missionnaires.

Celui-ci lui parla de Jésus et le mena un dimanche à l'Eglise.

Mais hélas ! Sammy ne comprenait pas un mot d'anglais.

D'autre part, il n'avait pas la moindre notion de ce que pouvait être une Eglise, une Bible, un missionnaire et bien d'autres choses encore qui le frappèrent profondément.

Il y avait un point cependant sur lequel il était fixé : c'est que Dieu lui paraissait habiter en tout cela et qu'en présence de cet Être saint et majestueux, lui, le pauvre Noir, était pécheur, condamné et perdu !

Sammy revint de ce premier service, l'âme triste et l'esprit préoccupé.

Pareil à l'eunuque Ethiopien, cherchant comme lui la vérité, il avait besoin d'un Philippe pour le guider. (Voir le livre des Actes des Apôtres 8 : 38 et 39).

Une fois, il entendit son camarade prier et lui demanda ce qu'il faisait :

- " Je parle à Dieu " répondit-il.

- " Et qui est Dieu ? " continua Sammy

- " Dieu est mon père ! "

- " Alors, observa Sammy, dans le parler simple et naïf qui lui était familier, alors tu parles à ton Père ! "

Depuis ce jour, Sammy appela toujours la prière : " Une conversation avec son Père " et comme il commençait à se sentir un grand pécheur, il voulut lui aussi " parler à son Père ".

Et chez lui, le sentiment du péché n'avait rien de ce caractère superficiel et intermittent, distinctif de tant de milieux soi-disant chrétiens.

Non, ce sentiment était chez le petit Noir une douleur, une angoisse qui ne le quittait pas ; la même douleur et la même angoisse qui ont toujours été à la base des grands réveils religieux.

Toutes les nuits, on entendait sur la station les prières de Sammy, entrecoupées de soupirs et de sanglots.

Le sommeil de ses camarades en était fort gêné et on lui fit observer un jour que s'il ne se tenait pas tranquille, il devrait quitter la station.

Sammy se le tint pour dit et, désormais, quand il voulut " parler à son Père ", il alla dans la grande forêt où personne ne pouvait l'entendre.

C'est là qu'il passa des nuits entières à lutter avec l'Ange, comme Jacob à Péniel.

Une nuit qu'il était resté longtemps à genoux, malade, oppressé, brisé de fatigue, il rentra dans son humble case et essaya de dormir un peu.

Mais le sommeil n'arrivait pas.

Tout à coup sa case se remplit d'une douce lumière. Il crut un moment que le soleil se levait, et pourtant dehors, il faisait nuit noire et tous ses camarades dormaient à poings fermés ! La lumière devint de plus en plus brillante et la pauvre petite case fut toute pleine d'une glorieuse clarté !

Alors Sammy sentit à ce moment-là comme un fardeau qui tombait de son âme. Son être tout entier tressaillit d'allégresse.

Son corps lui-même lui paraissait léger comme une plume. " J'aurais pu m'envoler ! " me disait-il.

Alors il commença à danser et à sauter comme le paralytique dans le temple. (Livre des Actes des Apôtres 3 : 6 à 8).

Et sa joie était tellement intense qu'il ne put résister au désir de réveiller tout le monde, dans la plantation, pour annoncer son triomphe. Cette nuit-là, personne ne put se rendormir !

Quelques-uns pensaient que Sammy était devenu fou ; d'autres disaient qu'un démon s'était emparé de lui.

Or, Sammy avait tout simplement trouvé le salut qui est en Christ ! Simple, positive et puissante, telle avait été sa conversion.

Du reste, Sammy n'aurait pu être satisfait à moins.

Ordinairement ce garçon n'était pas démonstratif. Il passait même pour être très réservé et presque renfermé. Eh bien ! chaque fois qu'il parlait de sa conversion, ses yeux brillaient d'un éclat extraordinaire et tout son petit corps tremblait de joie émue.

Je ne sais combien de temps Sammy resta dans cette plantation de café ; en tout cas, il le mit à profit pour apprendre à parler anglais et même à le lire et à l'écrire un peu.

Il partit ensuite pour la ville voisine, située le long de la côte. Il y apprit le métier de peintre en bâtiments.

Il parait avoir exercé cette occupation durant deux années.

Tout ce temps-là, du reste, il fut un habitué fidèle des services religieux présidés par les missionnaires de l'endroit et, pendant cette période de sa vie, il se sentit appelé à annoncer à ses compatriotes le Christ béni et glorieux qui l'avait sauvé.

Il s'ouvrit de ce projet à son missionnaire le Rév. C. E. Smirl.

Celui-ci le félicita de ce noble désir, mais lui dit que, pour prêcher l'Evangile à ses compatriotes, il lui fallait recevoir un certain enseignement ; que pour recevoir cet enseignement, il était nécessaire d'aller en Amérique ; et que, pour aller en Amérique, il faudrait au moins cent dollars.

Sammy ne répondit rien, mais se dirigea du côté de la forêt qui était devenue son lieu favori de méditation et de prière.

Quand il fut arrivé, il s'agenouilla et parla à son Père de l'affaire qui lui tenait tant à cœur : " Père Céleste, dit-il, tu veux que je prêche l'Evangile à mon peuple, mais le missionnaire vient de me dire que je ne saurais prêcher sans avoir reçu un certain enseignement et que pour cela il faut que j'aille en Amérique, et que pour aller en Amérique, il me faut cent dollars.

Or, tu sais que je ne possède absolument rien. Oh ! je te prie, veuille tout arranger pour que ce voyage se fasse ! "

Quand Sammy se releva, il ne douta pas un instant de l'exaucement divin. Et même, après cette prière si simple et si touchante, il considéra son départ comme décidé et se mit tout de suite en quête du vaisseau qui devait l'emporter.

C'est vers cette époque qu'il rencontra une jeune femme qui était partie de New-York comme missionnaire et qui lui parla de Stephen Merritt et de la puissance spirituelle qui habitait dans cet homme.

Voici en quels termes Stephen Merritt lui-même a retracé son impression de Sammy.

" Sammy Morris, dit-il, était un des plus purs types de la race noire de l'ouest de l'Afrique.

Lorsque je le vis pour la première fois, il pouvait bien avoir une vingtaine d'années.

Il résidait alors à Liberia où il travaillait comme peintre en bâtiments, au milieu de la population qui parle anglais, dans cette ville.

C'est à Liberia qu'il fit la connaissance d'une jeune femme partie de New-York comme missionnaire et avec laquelle j'eus, avant son départ, une conversation que je n'oublierai jamais.

Nous parlâmes ensemble du Saint-Esprit et je lui faisais remarquer combien serait vaine son œuvre au milieu des Noirs, si elle ne possédait pas cette puissance.

Et j'ajoutai : " Souvenez-vous que la seule force capable de vous encourager, de vous soutenir, de vous guider et de vous donner l'accès des âmes, est celle du Saint Esprit.

Avez-vous reçu le Saint-Esprit ? "

Mes paroles avaient porté juste.

Cette jeune femme s'agenouilla, pria, implora la force divine et finalement elle la reçut.

Quelques jours après elle s'embarqua pleine de confiance et le cœur débordant de joie. Elle était revêtue de la puissance d'en-haut.

Or, il se trouva que Sammy Morris entendit parler de la future arrivée au Libéria de la jeune femme.

Il l'attendit avec anxiété et dès qu'il la vit il lui demanda de lui parler de Jésus.

La jeune missionnaire ne demandait pas mieux que d'instruire le Noir ; aussi, lui raconta-t-elle tout ce qu'elle savait sur l'Esprit de Dieu et sur les miracles qu'il peut accomplir dans les cœurs.

Sammy fut enthousiasme et après chaque conversation répétait toujours : " Encore ! "

Et toujours la jeune femme lui répondait : " Si vous voulez en savoir plus long, allez trouver Stephen Merritt de New-York.

Tout ce que je sais sur le Saint Esprit, c'est lui qui me l'a enseigné ! " - " Mais je veux aller le voir, s'écria-t-il, et tout de suite ! Où demeure-t-il ? " - " A New-York ! " répondit-elle en riant, car elle était loin de se douter que le jeune noir allait mettre son projet à exécution.

Ce fut leur dernier entretien.

Sammy revint à la côte et aperçut au large un grand navire qui venait de jeter l'ancre.

Sur le rivage, un canot contenant plusieurs hommes et le capitaine était amarré.

Sammy s'approcha et supplia qu'on le prît sur le bateau pour le transporter à New-York.

Mais comme réponse, il ne reçut que des jurons et un coup de pied, à quoi le jeune homme répliqua : " Oui, il faudra bien que vous me preniez ! " - Il dormit cette nuit-là sur le sable.

Le matin suivant, il adressa au capitaine la même requête mais obtint un refus.

Enfin, dans le courant de la journée, il supplia encore le capitaine de le prendre. - " Et que peux-tu faire sur le vaisseau ? " demanda celui-ci - " N'importe quoi ", répondit-il –

Croyant qu'il avait affaire à un marin éprouvé et venant d'apprendre, d'autre part, que deux de ses hommes avaient abandonné, il dit à Sammy : - " Et que désires-tu ? " voulant parler de ses gages. - " Je désire, répondit Sammy, aller voir Stephen Merritt ! " - " Embarquez-moi cet homme ! " ordonna alors le capitaine aux marins qui étaient dans le canot.

Sammy monta donc sur le grand vaisseau et quand on leva l'ancre, il se vit dans une terrible situation. Jamais il n'avait voyagé sur un navire.

Jamais il n'avait été sur la mer.

On se riait de sa naïveté, et même les coups de poings, les coups de pieds, les blasphèmes, les jurons pleuvaient sur lui, du matin au soir. Mais son âme était inondée d'une paix et d'une assurance qui firent bientôt taire ses persécuteurs.

Sammy nettoyait tous les jours la cabine du capitaine.

Celui-ci fut convaincu de péché et se convertit à Dieu.

La conversion du capitaine fut comme l'étincelle qui alluma l'incendie. Plus de la moitié de l'équipage accepta Jésus.

 Le vaisseau devint un véritable Béthel où résonnaient tout le jour des cantiques et des cris d'allégresse - et encore cet étrange et maladroit petit Noir n'était pas satisfait !

Deux incidents de la traversée de Sammy sur l'Océan montrent combien grande était sa foi.

Lorsqu'il fut arrivé à bord, le capitaine lui demanda s'il avait jamais été sur un vaisseau.

Il répondit que non - " Mais alors, dit le capitaine, que viens-tu faire ici ? Tu ne me seras d'aucune utilité, car tu vas être malade pendant tout le voyage " - " Oh ! non, s'écria Sammy, je ne serai pas malade. Je parle à mon Père. Il ne permettra pas que je sois malade. Gardez-moi, je vous en supplie. Je vous promets de travailler tous les jours, sur le navire, jusqu'à ce que j'arrive en Amérique " –

Et le capitaine le garda à bord.

Au bout du troisième jour, Sammy commença à souffrir terriblement du mal de mer. Il fut malade comme il ne l'avait jamais été.

Alors il tomba sur ses deux genoux et dit à son Père : " Tu sais que j'ai promis au capitaine de travailler tous les jours, mais comment pourrais-je si je suis malade ? O mon Père, je t'en prie, rétablis-moi " –

Et aussitôt le mal de mer disparut comme par enchantement et Sammy put reprendre son travail.

Voici le second incident.

Sammy travaillait d'ordinaire à la mâture du navire, ce genre d'occupation n'était pas pour lui plaire. Un soir que le vent faisait rage, que la pluie lui cinglait la figure et que le bateau penchait comme s'il allait chavirer, il eut à grimper sur le grand mât.

Au milieu de la tempête et du haut de son mât, le pauvre Sammy absolument désemparé " parla encore à son Père "- " Père, lui-dit-il, je sais que tu me gardes, mais je n'aime pas à rester accroché à ce mât. Ne pourrais-tu pas faire que je ne sois plus obligé d'y remonter ? "

Le jour suivant, il y avait du travail à exécuter à la mâture et, comme à l'ordinaire Sammy se proposait de grimper à son poste lorsqu'un de ses camarades s'approcha de lui et lui dit :
" Sammy, je sais que tu n'aimes pas à travailler là-haut, moi, d'autre part, je déteste le travail dans les cabines. Prends ma place en bas et je prendrai la tienne en haut " - Voilà comment Sammy ne retourna plus jamais sur le mât !

Après une traversée de plusieurs semaines, le vaisseau aborda à New-York, au bas de Pike-Street, E.R.

Sammy prit alors congé de tous ses camarades et tenant à la main une valise pleine d'effets qui lui avaient été fournis par l'équipage (car lorsque le pauvre garçon s'était embarqué, il était pieds nus et ne portait sur lui qu'un caleçon et un mince pardessus), il se dirigea vers le quai de débarquement.

Dès qu'il se vit sur la terre ferme, il arrêta le premier passant qu'il rencontra et lui dit : " Dites-moi, je vous prie, où demeure Stephen Merritt ". Or, dans ce quartier, distant de quatre milles de celui où habitait Stephen Merritt, celui-ci était absolument inconnu !

Mais Dieu arrangea tout –

Le passant accosté par Sammy était membre du " Club des Travailleurs " et avait souvent entendu parler de cet homme - " Il demeure, continua-t-il, à la huitième avenue, de l'autre côté de la ville. Je vous y conduirai pour un dollar " - Sammy accepta quoiqu'il n'eût pas un sou en poche" Ils arrivèrent chez moi, raconte Stephen Merritt lui-même, au moment où je sortais pour une réunion de prières –

" Etes-vous Stephen Merritt ? " s'écria Sammy –

- " C'est moi-même " –

-" Je me nomme Samuel Morris et j'arrive à l'instant d'Afrique pour m'entretenir avec vous du Saint-Esprit "

- " Avez-vous quelque lettre d'introduction ? "

- " Non, j'étais tellement pressé de partir que je n'ai pas pensé à en demander. "

- " Eh bien ! répondis-je, je suis obligé de sortir, mais si vous voulez entrer ici dans cette salle de réunion populaire, je vous y trouverai tout à l'heure à mon retour et nous pourrons causer de ce qui vous préoccupe "

- " Et mon dollar ? " s'écria le guide.

- " C'est Stephen Merritt qui paie toutes mes dettes " répondit Sammy.

-" Il a raison ", ajoutai-je et je tendis un dollar à l'inconnu.

J'allais donc à ma réunion de prières et Sammy entra dans la salle de mission.

 Mais cette soirée, très occupée pour moi, me fit oublier mon Africain et ce ne fut qu'à 10 heures et demie du soir, au moment de rentrer chez moi, que le nom de Samuel Morris me revint en mémoire.

Vite j'entrai dans la salle où il m'attendait et quelle ne fut pas ma surprise en voyant ce Noir debout sur la plate-forme, et devant lui, dix-sept personnes agenouillées qui venaient de se convertir en l'entendant parler de Jésus !

Ce soir-là, je vis le Saint-Esprit se manifester par l'intermédiaire d'une figure noire comme l'ébène - et ce tableau, je l'ai encore devant les yeux –

Un Noir sans culture, sans éducation, sans théologie, qui, le premier soir de son arrivée en Amérique, gagne dix-sept âmes à Jésus-Christ !

N'est-ce pas là, en effet, un miracle du Saint-Esprit ?

Cela se passait le vendredi.

Le surlendemain dimanche, je lui dis : " Samuel, j'aimerais que tu viennes avec moi à mon Ecole du Dimanche et que tu parles à mes enfants "

 - " Je n'ai jamais été dans une Ecole du Dimanche, dit-il, mais n'importe ! "

- Je l'introduisis en souriant à mon jeune auditoire comme " Samuel Morris ", un jeune Noir venu du sud-ouest de l'Afrique pour parler du Saint Esprit avec le Directeur de leur Ecole.

Il y eut un rire général. Sammy se leva alors et dès les premiers mots de son allocution, je sentis que le Saint Esprit était au milieu de nous.

Jamais je ne vis attention plus soutenue chez mes élèves. Personne ne riait plus et tous commençaient à pleurer.

C'étaient les larmes de repentance qui coulaient. Beaucoup se mirent alors à sangloter. Nous fûmes tous témoins ce jour-là, d'une effusion extraordinaire de l'Esprit Saint.

Pour témoigner leur gratitude à leur ami, les élèves de mon Ecole se cotisèrent pour fonder " la Société de la Mission Samuel Morris " et fournirent de l'argent et des vêtements pour aider à l'évangélisation de ses compatriotes.

Quelques jours après, devant présider un service funèbre dans un quartier très éloigné de ma demeure, je demandai à Sammy de m'accompagner et nous prîmes ensemble la diligence.  

Comme nous avions à traverser presque toute la ville, je lui montrai les principaux monuments, les curiosités, l'Opéra, le Grand Parc, mais il m'interrompit tout à coup et me dit : " Vous arrive-t-il quelquefois de prier en voiture ? "

- " Oh ! oui, répondis-je, et ces moments ont toujours été bénis pour moi "

- Alors il mit sa main noire dans la mienne et me forçant presque à m'agenouiller, il me dit :
" Prions ! "

Et pour la première fois de ma vie, je me trouvais à genoux dans une diligence.

Il y avait trois voyageurs avec nous.

Sammy dit alors dans sa prière qu'il était venu d'Afrique pour converser avec moi du Saint Esprit, mais que je lui parlais de tout autre chose, lui montrant la ville, les gens, les monuments, lorsqu'il était si désireux de s'instruire sur le Saint Esprit et il termina en s'écriant : " Que Stephen Merritt soit tellement rempli du Saint-Esprit qu'il ne puisse plus me parler d'autre chose ! "

Ce moment fut unique dans ma vie.

Depuis lors, je n'ai pas écrit une ligne, ni prêché un sermon qui ne se rapportât au Saint Esprit.

Sammy entra au Collège au mois de décembre.

Voici le témoignage du Directeur M. Reade : Il fut, dès son arrivée, l'objet de la plus vive curiosité, à la fois des maîtres et des élèves.

Cet enfant d'Afrique portait sur lui tous les signes distinctifs de sa race et comme la garantie de son origine : peau noire comme un corbeau, lèvres épaisses, nez largement épaté.

Seul son accent avait quelque chose de spécial qui nous frappa. Sa prononciation de l'anglais différait beaucoup de celle des autres noirs ou étrangers que nous avions rencontré.

Il nous raconta son histoire et nous fûmes émerveillés au récit des circonstances qui l'amenèrent d'Afrique dans ce pays.

Mais nous ne savions pas encore quelle âme d'élite, quel " ange sous une peau noire " se cachait en cet homme.

Son étonnement était aussi grand que le nôtre.

Tout l'intéressait car tout lui était nouveau : les vêtements, la nourriture, la façon américaine de se tenir à table, etc.…, mais il se fit vite à nos habitudes.

Je n'oublierai jamais sa surprise la première fois qu'il vit le sol couvert de neige. Il était comme les Israélites devant la manne qui tombait du ciel.

" Qu'est-ce que cela ? " s'écria-t-il, et il en prit un peu dans sa main, mais la neige fondit aussitôt. Il se demandait " où pouvait aller cette neige, après lui avoir laissé de l'eau dans le creux de sa main. "

Je l'ai entendu prier bien des fois.

 Il conversait littéralement avec Dieu et parlait avec lui comme il l'aurait fait avec telle ou telle personne de son entourage.

De très bon matin, avant le réveil des étudiants, il était déjà debout et priait. Le soir, quand tout le monde s'était endormi, Sammy parlait encore à son Dieu.

Une fois, je le vis par la porte entre-baillée de sa chambre, il était à genoux, les yeux tournés vers le ciel et sur sa face je ne sais quel reflet céleste.

A ce moment-là, il n'était plus sur la terre mais au ciel.

Je ne saurais dire le bien que le séjour de Sammy dans notre école nous a fait à tous. Une puissance remarquable se dégageait de lui : nous en avons fait souvent l'expérience.

Un de ses camarades raconte qu'il allait parfois voir Sammy dans sa chambre.

Il lui arrivait de frapper plusieurs coups à sa porte, car Sammy n'entendait pas ou ne voulait pas entendre. Il était engagé dans un entretien avec son Père et ne tenait pas à être dérangé.

 Quand il avait fini, il se levait, allait ouvrir la porte et disait au visiteur : " Entrez, car pour cette fois j'ai fini mon entretien ".

Il avait un grand amour pour sa Bible. Non seulement il la lisait - très lentement bien entendu - mais encore il exigeait de toutes les personnes qui venaient le voir, la lecture à haute voix d'un chapitre du Saint Livre.

Un jour, il eut la visite d'un jeune homme incrédule et quand Sammy lui demanda de lui lire un chapitre, il refusa, prétextant qu'il ne croyait pas à la Bible.

- " Comment ! dit Sammy, vous ne croyez pas à la Bible ! Ne croyez-vous pas à votre Père quand il vous parle ? Ne croyez-vous pas votre Frère quand il vous parle ?

Ne croyez-vous pas à l'existence du soleil quand il brille ? Or, Dieu est votre Père, Christ votre Frère et le Saint Esprit votre soleil. Je prierai pour vous " - Et il pria et le jeune homme fut sauvé.

Sammy jeûnait un jour par semaine.

Du jeudi soir au samedi matin, il ne prenait absolument aucune nourriture ni ne buvait une goutte d'eau.

Il accomplissait pourtant sa tâche ordinaire avec un tel entrain et une telle joie que son jeûne aurait passé inaperçu si l'on n'avait remarqué, à la table, sa place vide.

Il était enthousiasmé par notre pays et avait une haute idée de notre civilisation. Souvent il comparait sa patrie à la nôtre et établissait des contrastes qui nous amusaient.

 Un jour, à un dîner de fête, on nous apporta la traditionnelle dinde rôtie et je demandai à Sammy quel pays était le meilleur, le sien ou le nôtre ? "

 - " Monsieur Reade, répondit-il immédiatement, qu'y-a-t-il de meilleur, une dinde rôtie ou un singe cru ? "

- " Sammy, que me dites-vous là, nous n'avez pourtant jamais mangé du singe ? "

- " Oh ! oui, Monsieur, j'en ai mangé beaucoup et ils étaient crus !"

Malgré sa grande admiration pour l'Amérique, il lui tardait d'avoir fini ses études et de pouvoir retourner auprès des siens pour leur prêcher l'Evangile.

Il disait que lorsqu'il serait là-bas, il se consacrerait tout entier aux fils de sa race. Il les réunirait en cercle autour de lui, sur le sable, et il leur parlerait de Jésus.

Puis quelques-uns d'entre eux s'en iraient dans la brousse pour gémir et sangloter sur leur péché et ils reviendraient à lui ensuite, remplis de joie !

N'avait-il pas fait, lui Sammy, cette expérience ?

Ses allocutions étaient toujours très suggestives.

Il disait une fois : " Le pain est une chose et la pierre en est une autre. Un jour, je vis une pierre qui renfermait de l'or et on me dit que cette pierre valait encore plus qu'un baril de farine.

Mais quand je suis affamé, est-ce cette pierre qui me nourrira ? Non, car mon âme ne peut se rassasier qu'en Christ, le pain de ma vie.

" Une autre fois, prenant une leçon de grammaire, il analysait le mot ciel et disait que ce devrait être un nom propre, " car il n'y avait qu'un ciel ! "

En face d'un problème difficile à résoudre, que de fois je l'ai entendu murmurer à voix basse : " O mon Dieu, aide-moi ! "

Bien des personnes lui écrivirent pour obtenir son portrait et j'eus toutes les peines du monde à le décider à poser devant un appareil de photographie. " Mon portrait est si laid, me disait-il. Oh ! si je pouvais leur envoyer celui de Jésus ! "

- Il répétait souvent dans la journée : " Mon Père m'a dit de faire ceci, mon Père m'a dit de faire cela " Comme s'il venait de recevoir les ordres d'un de ses maîtres, et après tout, n'était-ce pas le cas ?

Son regard si franc, sa face si sympathique, son cœur si simple et si droit, sa personne tout entière étaient une bénédiction et même une inspiration pour ceux qui l'instruisaient.

Hélas ! notre climat n'était pas fait pour le pauvre Sammy.

Il prit en janvier 1893 un très grave refroidissement et malgré tous nos soins, sa santé ne put se rétablir.

Nous espérions toujours sa guérison, mais lui, fut le premier à sentir " que son Maître
l'appelait ". Quand nous lui parlions de l'œuvre admirable qu'il avait si ardemment souhaité d'accomplir en Afrique, il paraissait si résigné ! - " D'autres, disait-il, le feront à ma place et mieux que moi.

Cette œuvre n'est pas la mienne. C'est celle de Christ et c'est lui qui choisit ses ouvriers ".

Il traversa la maladie avec une patience admirable et une joie qui nous édifiaient. Il ne parlait jamais de ses souffrances.

Pour lui, les nuits n'étaient jamais trop longues, ni la fièvre trop forte. Il n'avait sur les lèvres que des mots de reconnaissance envers son Sauveur " qui était auprès de lui. " Je lui demandai s'il n'avait pas peur de la mort" Oh ! Monsieur Reade, depuis que j'ai trouvé Jésus, la mort est mon meilleur ami ! "

Et c'est dans cette magnifique certitude que Sammy s'endormit un matin de mai. " Il marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu le prit avec Lui ".

Ainsi finit cette humble mais si remarquable existence.

Le deuil était dans des milliers de cœurs, et, devant son cercueil, nous nous demandions avec angoisse, pourquoi, dans ses desseins mystérieux, le Maître avait appelé à Lui un serviteur qui avait encore ici-bas une si belle tâche à accomplir ! Mais Ses voies ne sont pas les nôtres.

L'ensevelissement fut présidé par le pasteur de l'Eglise de Berry Street, paroisse à laquelle appartenait Sammy.

Le temple se trouva bondé et des centaines de personnes durent rester dehors, faute de place. Des larmes coulaient de tous les yeux et des sanglots secouaient bien des poitrines. Pourtant ce n'était qu'un pauvre Noir qu'on allait porter en terre.

Oui, mais ce Noir avait donné à plus d'un chrétien blanc des leçons vraiment merveilleuses de foi, de consécration, de puissance, de fidélité au service de Dieu !

Une jolie pierre fut placée sur sa tombe dans le vaste cimetière de Fort Wayre. Cette tombe est presque devenue un lieu de pèlerinage.

Aucune autre n'a plus de visiteurs que celle-là. Beaucoup viennent y pleurer. Pourquoi ? Parce que le Saint-Esprit habitait dans ce petit Noir.

Terminons par deux traits de la vie de Sammy, qui me reviennent en mémoire, pendant que j'écris ces lignes.

Lorsqu'il fut admis dans notre collège, je le fis venir dans mon cabinet et lui demandai quelle chambre il désirait avoir. " Oh ! Monsieur Reade, dit-il, n'importe laquelle ! S'il y a une chambre que personne ne veuille, donnez-la-moi. "

Les larmes me vinrent aux yeux et je me demandai si moi aussi j'étais prêt à prendre ce que les autres refuseraient.

Dans ma vie de directeur d'école j'ai eu à fournir des chambres à des milliers d'élèves, mais aucun ne m'a jamais dit : - " S'il y a une chambre que personne ne veuille, donnez-la-moi. "

L'autre trait, encore plus remarquable, montre à quel degré Sammy était " un sauveur d'âmes ".

L'excellent garçon vint un jour à mon cabinet, et me dit : " Monsieur Reade, puis-je quitter l'école et me mettre à travailler ! " - " Eh quoi ! Sammy, n'es-tu plus content avec nous ? " - "

Oh ! très content, je vous l'assure, mais je voudrais gagner de l'argent pour faire venir dans ce pays mon ami Henry O'Niel " - " Et qui est cet Henry O'Niel ? " - " Mon frère dans le Seigneur.

C'est moi qui l'ai conduit à Jésus. C'est un brave garçon, bien meilleur que moi. Il a marché fidèlement avec Dieu. Il faut qu'il vienne en Amérique pour s'instruire " - " Eh bien ! Sammy, si ton ami doit venir en Amérique, le Seigneur arrangera tout. Parles-en à ton Père ".

Presque immédiatement il se retira dans sa chambre pour prier.

Le même soir, j'écrivis à Mrs Dake, missionnaire dans l'Illinois, qui avec son noble mari, avait travaillé dans le sud-ouest de l'Afrique, précisément dans la région habitée par Henry O'Niel. Le lendemain, Sammy vint me dire, la figure illuminée : " Monsieur Reade, mon Père m'a fait connaître qu'Henry O'Niel viendrait dans ce pays "

 - Quelques jours après je recevais la réponse de Mrs Dake - Elle me disait que des mesures étaient déjà prises pour faire partir Henry.

Il vint en effet un peu plus tard et après avoir passé avec nous un an et demi environ, il retourna en Afrique comme missionnaire. La vocation d'Henry avait donc été un des premiers fruits de la foi de Sammy Morris.

Un soir Sammy me dit en souriant : " Ici-bas je vous aime tant, vous, Dr. Stephen, Miss Husted et tous ceux qui ont été mes maîtres, que je ne sais vraiment pas si je pourrai vous aimer davantage au ciel !

Il est pourtant une chose dont je suis sûr : c'est que là-haut, j'apprendrai plus vite. Je n'aurai pas l'esprit si lourd ni la langue si embarrassée ! "

Ah ! bienheureux Sammy, tu as appris des leçons que tes maîtres ne savent pas encore, car tu as vu le Roi dans toute sa beauté radieuse et tu as bu aux eaux vivifiantes du fleuve qui baigne la Cité de Dieu.

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