" Jésus leur dit : Jetez le filet du côté droit de la barque et vous en trouverez. " (Jean 21 : 6)
On fait grand état, de nos jours, du prétendu programme social de Jésus.
Ce programme, dit-on, comporte une application pratique des principes du christianisme à la vie quotidienne.
Ses avocats s’efforcent d’alléger le fardeau de l’existence, spécialement pour la classe communément appelée des " travailleurs ".
Cette proposition sonne bien et ne présente en elle-même aucun trait qui appelle des objections. Cependant, le fait est que ceux qui la préconisent laissent Jésus lui-même passablement en dehors de ce qu’ils présentent comme son programme.
Ils ont le leur, dont voici les grands traits : Améliorer les conditions de logement, établir des lieux de récréation en plein air, aménager des bains publics, des parcs populaires, limiter et régler les heures de travail des hommes, des femmes, des enfants ; accorder l’attention qu’elles méritent aux conditions sanitaires des édifices publics, de la voie publique et de chaque intérieur ; légiférer contre l’abus des boissons enivrantes, contre les mauvais lieux, le vol, le jeu et le reste.
Si l’on nous disait que ces différents objets doivent faire partie du programme de l’état, des législations, ou des administrations civiles, nous serions entièrement d’accord, et comme citoyens nous serions prêts à apporter notre collaboration empressée.
Mais si l’on veut faire de ce programme celui de l’Eglise, et qu’on l’attribue au Sauveur, nous protestons.
Le but et le devoir de l’Eglise, c’est de sauver des âmes, d’édifier un royaume spirituel ; non pas de faire de ce monde un paradis, mais de faire du pécheur un sujet propre au paradis céleste.
Le soi-disant programme social de Jésus, tel que nous venons de l’esquisser, ne tend qu’au bien-être extérieur et temporel de l’individu ; et même dans ce domaine, il échoue largement ; mais il ne sauvera jamais une âme.
Pour accomplir cette œuvre-là, Dieu n’a donné à son Eglise qu’un seul moyen, la diffusion de l’Evangile : annoncer au pécheur, qui au moyen de la loi est arrivé à reconnaître son péché, que " Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. "
Tout autre moyen, plan ou combinaison pour sauver le pécheur est voué à l’échec ; l’expérience l’a amplement prouvé.
Il va de soi que l’Evangile demande à être appliqué effectivement.
Et, de fait, la prédication publique vise à des résultats pratiques.
L’Evangile devrait opérer et, s’il est fidèlement prêché, il opérera infailliblement dans l’existence du peuple comme une force vivifiante et transformatrice.
Le vrai programme social du Christ est celui dans lequel il se présente lui-même comme " le Chemin, la Vérité et la Vie. "
Ce que Jésus propose et, par conséquent, ce qu’il présente à l’activité de l’Eglise, le voici :
Convertissez le pécheur de ses mauvaises voies au Dieu vivant par la foi en Christ le Sauveur, en sorte qu’il ne se livre point à la boisson, au mensonge, au vol, au meurtre ; en sorte qu’en qualité d’employeur chrétien, il ne surmène pas ses travailleurs pour les payer au-dessous du taux raisonnable ; en sorte qu’en qualité d’employé chrétien il rende de loyaux services, non comme aux hommes mais comme à Dieu ; en sorte qu’en qualité de citoyen chrétien, il recherche les vrais intérêts de son pays.
C’est là que gît le devoir et aussi la puissance de l’Eglise chrétienne.
Il ne lui appartient pas de fournir elle-même les pains et les poissons, mais bien la nourriture spirituelle de l’âme, car c’est là ce dont l’homme a le plus pressant besoin ; sachant qu’à ceux qui assimilent cette nourriture spirituelle, les pains et les poissons ne sont pas refusés.
De cette manière et de mille autres elle travaillera non seulement au salut éternel, mais aussi au bien-être temporel des humains.
" Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice et toutes ces choses, - nourriture, vêtement, abri, maison, - vous seront données par-dessus. "
C’est en ces paroles que le Christ lui-même a esquissé son programme.
Conséquemment nous trouvons le Christ, le Sauveur aimant, présent parmi ses disciples dans leur vie de tous les jours, les bénissant, allégeant leur fardeau et éclairant leur vie.
C’est cette leçon que nous enseigne notre texte.
Nous y voyons :
Que le disciple du Sauveur doit se livrer au travail.
Que son Sauveur se tient auprès de lui pendant qu’il accomplit sa tâche quotidienne.
Que le Sauveur bénit abondamment le travail de son racheté.
Que le chrétien doit savoir reconnaître la présence du Sauveur et son action bénissante, et lui en rendre grâce.
Notre texte place devant nos yeux une scène du lac de Tibériade.
Sept disciples se tiennent sur le rivage.
L’un d’eux, Simon Pierre, dit : " Je vais pêcher. " Et ses camarades de répondre : " Nous y allons aussi. "
Il ne s’agissait pas d’un passe-temps, mais de l’exercice de leur vocation.
Tandis que, après la mort et la résurrection du Seigneur, ils attendaient de recevoir les dons spéciaux du Saint-Esprit, et d’être envoyés dans le monde comme pêcheurs d’hommes, ils s’adonnaient à leur métier pour gagner leur subsistance.
Nous sommes de même appelés à pêcher ! … par où j’entends que le fait de devenir disciple ne nous soustrait pas à notre vocation terrestre.
Lorsque l’ouvrier se convertit, il ne doit pas pour cela abandonner ses outils, non plus que l’employé son pupitre, ou l’homme de profession libérale sa carrière.
Le chrétien est tenu d’accomplir sa tâche journalière pour gagner sa vie. Ainsi l’affirme l’apôtre Paul :
" Si quelqu’un ne veut pas travailler, il ne doit pas non plus manger. "
Je ne sais trouver dans la Bible aucune exception à cette règle.
Nous appartenons tous à la classe des travailleurs, le millionnaire non moins que le chauffeur, la femme du millionnaire aussi bien que la fille de la cuisine.
Le Sauveur est présent tandis que le chrétien se livre à son labeur.
" Le matin étant venu, Jésus se trouva sur le rivage. "
Le Sauveur ressuscité n’avait ni oublié ni abandonné ses apôtres.
Il désirait qu’ils le sachent, c’est pourquoi il leur apparut.
C’était déjà la troisième fois que Jésus se montrait à eux après être ressuscité des morts.
Au début, ils ne savaient pas que ce fût lui ; ce fait n’en rendait pas sa présence moins réelle.
De même, il assiste à notre travail, que nous le sachions ou non.
Tandis que l’épouse, la mère chrétienne s’acquitte de ses devoirs d’intérieur : préparant les repas, mettant la table, lavant la vaisselle, brossant les tapis, faisant la lessive ou le repassage, cousant, habillant les bébés ou conduisant les aînés à l’école, le Sauveur se tient à son côté.
Tandis que l’époux, le père chrétien gagne la vie de sa famille, il est là également : avec le manœuvre sur la rue, avec l’ouvrier à l’atelier, avec le commis à son bureau, avec le légiste dans son étude, avec le docteur au chevet des malades, avec l’instituteur ou le professeur dans sa chaire.
Nous nous figurons peut-être être seuls….
Erreur !
" Voici je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. "
Telle est la promesse précieuse qu’il a faite au moment de monter au ciel.
Si le Sauveur regarde en silence, il n’est pas pour cela indifférent.
Son intention est de bénir.
Il savait bien que les pêcheurs n’avaient rien pris de la nuit.
Affectueusement, et comme quelqu’un qui a à cœur leur bien-être matériel, il demande :
" Enfants, n’avez-vous rien à manger ? "
Ils lui répondirent : non ; alors il leur dit : " Jetez le filet du côté droit de la barque et vous en trouverez. Ils le jetèrent donc, mais ils ne pouvaient plus le tirer à cause de la grande quantité de poissons…. Simon Pierre remonta dans la barque et tira le filet à terre-plein de 153 grands poissons ; et quoiqu’il y en eût tant, le filet ne se rompit point. "
Notre travail sans la bénédiction du Seigneur est stérile.
Ce n’est pas le labeur en lui-même qui est créateur de la richesse.
– Le cultivateur a besoin de soleil et de pluie, d’être préservé de la grêle et de la tempête, de l’incendie, de l’inondation, faute de quoi il ne saurait recueillir de récolte. Rien de tout cela n’est à son commandement.
- Au forage et au minage du mineur doivent correspondre, dans le sein de la terre, l’or, l’argent, le cuivre ou la houille, faute de quoi il peinera en vain.
Or il ne les trouvera que là où le Créateur les a placés.
- Le charpentier, le maçon, le métallurgiste ne peuvent se passer, pour l’exercice de leur métier, de bois, de fer, de pierre ; or, en fin de compte, Dieu seul peut les fournir.
- Il faut à l’épicier, au boulanger, au boucher, à l’employé de banque, au commis d’assurance, au sténographe, les produits de la ferme, de la mine, des manufactures, sinon ils n’auront rien à acheter ni à vendre, point d’argent à manier, point d’immeubles à assurer, point de correspondance à faire.
Même l’incrédule ne possède rien que Dieu ne lui ait donné ;
" Dieu fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants ; il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. "
En comblant l’impie de ses bienfaits, il cherche à l’amener à la repentance.
Cependant l’enfant de Dieu jouit de sa bénédiction comme ne saurait le faire un incrédule.
C’est le péché de l’homme qui a contraint l’Eternel à dire : " Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage. "
C’est le péché qui a transformé le travail qui, au début, était une grâce, en dur labeur (Genèse 2 : 15).
Nombreux sont ceux qui préfèrent l’amusement au travail.
Nombreux aussi sont ceux qui travaillent sous l’impulsion de mobiles égoïstes.
L’enfant de Dieu, lui, s’acquitte joyeusement de son service envers son Père et envers les hommes.
Par Christ, qui a enlevé la malédiction, salaire du péché, le travail est redevenu pour lui une grâce et par conséquent un plaisir.
Ce que l’on aime faire on le fait avec aisance.
A celui qui est entré dans son royaume, Dieu a fait la promesse que tout ce qui est nécessaire pour l’entretien de sa vie corporelle lui sera donné par surcroît.
Et cette déclaration encore est pour lui : " Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez et cela vous sera accordé. "
Tandis que le non-croyant ne possède pas ces promesses positives, ces privilèges.
C’est pourquoi nous entendons le Psalmiste dire : " J’ai été jeune et je suis devenu vieux, mais je n’ai jamais vu le juste abandonné ni sa postérité mendiant son pain. "
C’est là une constatation de l’expérience.
La grande armée des mendiants qui circule dans nos rues et frappe à nos portes, faisant appel à la charité publique, n’est pas composée de " justes " ni de nos membres d’Eglises.
Les " justes " n’en sont pas réduits à tendre la main.
Ils peuvent être en proie à la gêne, mais le Seigneur pourvoit….
Peut-être comme il le fit pour Elie, en les envoyant au bord du torrent et en chargeant les corbeaux de leur fournir leur subsistance.
En définitive, si le Seigneur nous demandait, comme il fit à ses disciples : " Avez-vous manqué de quelque chose ? " ne répondrions-nous pas avec eux : " Seigneur, de rien ! "
C’est un filet tout plein que le Seigneur donne aux sept pêcheurs de Tibériade, une ample provision.
Ample provision, cela ne signifie pas que tout chrétien deviendra millionnaire, et cela ne serait du reste pas un bien, mais cela signifie que le Seigneur nous accordera ce qui répond à notre besoin actuel, si bien que nous puissions être rassasiés.
En règle générale, il donne davantage.
Il n’y aura pas seulement les " morceaux " qui restent, mais une provision supplémentaire, de manière que nous puissions, à notre tour, donner à celui qui est dans le besoin.
" Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. "
Les biens que le Seigneur répand sur nous, il veut que nous en jouissions.
" Quand ils furent descendus à terre, ils virent de la braise qui était là et du poisson mis dessus et du pain. "
Il avait commencé à préparer le repas, à eux d’y ajouter de leur pêche.
" Apportez de ces poissons que vous venez de prendre " ; puis vient l’invitation : " Venez et dînez, " … " Jouissez de mes bienfaits ".
Nourriture, boisson, vêtements, abri, foyer, argent, biens, toutes ces choses, Dieu les a dispensées à son enfant pour son avantage et sa satisfaction ; à lui d’en profiter avec joie, répondant à l’appel engageant : " Venez et dînez ".
Quand Dieu a béni notre travail, gardons-nous de nous en vanter et de dire ou de penser : " Ce sont mes mains, mon savoir-faire, qui m’ont acquis ces biens " ; mais plutôt sachons et proclamons joyeusement que c’est lui qui nous a bénis.
" Le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C’est le Seigneur … et aucun des disciples n’osait lui demander : Qui es-tu ? Sachant que c’était le Seigneur. "
Même parmi les hommes, on reconnaît un don par un simple merci.
Dieu nous bénit par pur amour paternel, par miséricorde, sans que rien puisse nous rendre dignes de ses faveurs.
N’est-ce donc pas notre devoir de remercier et de louer, de le servir avec une joyeuse obéissance ?
On nous a enseigné à prier en disant : " Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. "
C’est reconnaître que c’est de Lui que nous tenons tout ce qui nous est nécessaire.
Aux méchants aussi Dieu donne le pain quotidien ; nous, ses enfants, ne devons pas le recevoir de la même manière qu’eux, avec indifférence, ou comme chose due, mais avec actions de grâces.
Lorsqu’il a dressé la table pour nous, disons en y prenant place : " Viens, Seigneur Jésus, soit notre Hôte et que les biens que tu nous as dispensés soient sanctifiés par ta présence. "
Et lorsque nous avons été rassasiés, n’oublions pas le Donateur, mais faisons monter vers Lui notre hommage par Jésus.
Quand nous recevons notre salaire hebdomadaire ou mensuel, quand notre revenu augmente, quand nos terres ont bien rapporté, et quand la santé nous est donnée pour jouir de ces bénédictions temporelles, sachons proclamer comme Jean : " C’est le Seigneur ! "
Cependant les paroles ne suffisent pas.
Si elles sont l’expression de nos sentiments, elles se transformeront en actes.
De plus, la profondeur de notre gratitude ne se mesurera pas à la quantité de nos offrandes ou de notre service, mais bien à notre empressement à donner et à servir.
Telle " la promptitude de la bonne volonté. "
Tel doit être et tel en sera, en effet le fruit.
" Pourvu que la promptitude de la bonne volonté y soit, on est agréable à Dieu selon ce qu’on a et non selon ce qu’on n’a pas. "
Celui qui donne la pite de la veuve, non pas qui donne peu, mais qui donne dans le même esprit qu’elle.
Elle sacrifiait tout ce qu’elle possédait.
Le Seigneur n’exige pas cela de nous, mais il attend un service ou une libéralité proportionnée à ce qu’il nous a confié.
Paul écrivait aux chrétiens de Corinthe : " Que chacun de vous mette à part selon sa prospérité. "
Etant un homme béni, le chrétien doit devenir à son tour bénédiction, et c’est par le service que nous accomplissons en faveur de notre prochain que nous donnons la preuve de notre reconnaissance.
Résumons : Les grandes vérités évangéliques peuvent et doivent être appliquées à la vie quotidienne.
Si tel était le cas, les vies de millions d’humains seraient régulièrement adoucies et réjouies, et beaucoup de plaies sociales disparaîtraient du coup.
Le plus grand service que l’Eglise puisse rendre au monde – à vrai dire le service qu’elle est appelée à lui rendre – c’est de prêcher fidèlement l’Evangile du salut aux pêcheurs mortels.
L’authentique programme social de Jésus le comprend lui-même comme " Chemin, Vérité et Vie. "
Lui, qui a racheté notre âme de l’enfer en immolant sa propre vie sainte et précieuse sur l’autel de la croix, de telle sorte que par la grâce de Dieu, par la foi en Lui nous obtenions le pardon de nos péchés et la vie éternelle, il nous a aussi donné l’assurance qu’aussi longtemps que nous sommes ici-bas, nous sommes au bénéfice de ses soins aimants en ce qui regarde les exigences temporelles.
S’étant chargé du fardeau le plus lourd – nos péchés – il ne nous laissera pas succomber sous le poids beaucoup moins accablant de l’entretien de cette vie terrestre.
Celui qui a travaillé de ses mains à Nazareth est présent aujourd’hui à notre activité quotidienne et la bénit.
Il le fera jusqu’à ce que, notre œuvre finie, il vienne et nous recueille dans les demeures célestes, où pour toujours nous nous reposerons de nos travaux.
Rév. J. FRITZ