31/10/1866 - 21/06/1930

Une femme de foi appelée au service de Dieu malgré des circonstances défavorables

L’histoire de la vie de Sœur Eva est l’histoire d’une source, puis d’un ruisseau et ensuite d’une rivière profonde.

On ne peut s’empêcher de désirer que beaucoup connaissent cette vie et puissent réaliser que ces mêmes sources sont ouvertes à tous puisque le fleuve de Dieu est plein d’eau.

Pourquoi nos vies seraient-elles inutiles comme le sable du désert alors qu’Il peut les embellir et les rendre fertiles quelles que soient nos circonstances ? ….

Qui aurait jamais pensé qu’une jeune fille, élevée austèrement dans la solitude d’un vieux château sur les confins de la Pologne, barricadée par les conventions et les traditions de l’époque et sans le moindre encouragement à vivre pour les autres, renverserait toutes les barrières élevées par l’esprit de caste et de race pour devenir une véritable mère pour des milliers d’enfants sans foyer, une aide pour les aveugles, pour les mourants, dirigeant avec courage et amour des centaines de collaboratrices et devenant par leur moyen une pionnière des missions en pays païens ?

Des milliers de convertis parmi les provinces de Chine occidentale doivent aujourd’hui leur vie nouvelle en Christ, à ses prières et à son amour !

Des milliers d’enfants grandissent autour d’elle, tandis que des milliers d’âmes, dans le monde entier, sont enrichies et fortifiées par son témoignage à la fidélité de Dieu.

On peut dire que chaque vie est " une histoire sans fin ".

Mais la vie de Sœur Eva est comme un fleuve qui coule toujours plus large et plus profond ! ….

Soeur Eva

Il n’y a rien qui inspire plus de respect, même à notre époque, que la véritable sainteté.

Notre époque de réalités a, peut-être tout autant que les autres, le goût des miracles.

Peut-être que nous, protestants, ne mettons pas assez l’accent sur le surnaturel de la vie de nos saints.

Car nous avons des saints authentiques !

Les Hudson Taylon, les Georges Muller, les Eva de Tiele-Wincker, et tant d’autres, en sont la preuve.

Eva de Tiele-Wincker, morte le 21 juin 1930, appartenait à une famille de la haute aristocratie allemande.

" Une grande maison, un parc, des champs et des bois, tel fut le pays de mon enfance " écrit Eva elle-même, au commencement d’un livre qui est en quelque sorte une autobiographie, à laquelle elle a donné le titre qui semble être la devise de sa vie : " Rien d’impossible ! "

Sa mère, cherchant la vérité, assoiffée de Dieu, mourut lorsque la jeune fille n’avait que treize ans.

Son père, l’image de la force et d’une indomptable énergie, se remaria bientôt, car il avait beaucoup d’enfants.

La seconde mère établit dans la maison un culte formaliste.

Rien pour l’âme.

Le dimanche, elle lisait un sermon quelconque.

Lorsque Eva fut parvenue à l’âge de sa première communion, elle refusa tout net.

" La personne du Christ était pour moi une énigme absolue. Je ne voulais pas qu’on m’obligeât à une confession de foi qui ne serait pas sortie de mon cœur, et le fruit de mon expérience. Fière et fermée, j’allais mon chemin… "

Cependant, elle accepta les premières leçons de religion.

On lui mit entre les mains, pour la première fois, un Nouveau Testament.

Elle devait y chercher des versets pour répondre aux questions du catéchisme.

C’est en feuilletant distraitement l’Evangile de Jean que ses yeux tombèrent sur ce passage :

" Mes brebis entendent ma voix, je les connais et elles me suivent ; je leur donne la vie éternelle, et nul ne les ravira de ma main " (Jean 10 : 27 et 28).

" Ce fut, écrit Eva, l’instant de l’éveil de mon âme. Pour la première fois, je vis, comme éclairée d’une lumière soudaine, à travers les paroles du salut, la personne de Jésus, le bon Berger, qui est venu chercher ce qui était perdu… Terrassée et subjuguée, je me jetai à ses pieds.

" Seigneur, m’écriai-je, s’il est vrai que tu es le bon Berger, je veux, moi aussi, faire partie de ton troupeau ! "

" Une certitude profonde m’envahit, il se fit en mon cœur une paix soudaine, comme le calme après la lutte des éléments déchaînés.

" Il est ! Il vit ! Je suis à Lui !

" Ma connaissance s’arrêta là. Pour le commencement, c’était assez.

" J’étais passée de la mort à la vie !

" En même temps que cette révélation se faisait en moi, mon cœur fut rempli d’un amour encore inconnu, pour tout ce qui était pauvre, souffrant, abandonné et misérable.

" Souvent, je m’étais demandé : Quel est le sens de la vie et le but de mon existence ?

" Et voilà que la réponse chantait en moi : Une vie d’amour, pour les autres, voilà mon but ! "

L’idée de soulager la misère profonde des populations polonaises qui entouraient le château de son père, s’empara fortement de la jeune fille.

Avec l’aide de sa femme de chambre polonaise, qui l’avait accompagnée à Berlin, elle se mit en secret à apprendre le polonais.

Une longue maladie força Eva à l’inaction, et lui donna, dans la solitude, l’occasion de lire et d’étudier sa Bible.

Une vérité après l’autre lui fut révélée, et surtout la nécessité d’appartenir sans partage à Jésus-Christ.

" Celui qui ne renonce pas à tout ce qu’il a ne peut-être mon disciple. "

" Je voulais être un disciple, je devais le devenir, je ne pouvais plus reculer, par conséquent je renonçai à tout pour Le suivre. "

Dès qu’elle fut rentrée à Michovits, la résidence d’été de la Haute Silésie, Eva voulut assister aux distributions de soupe qui avaient lieu chaque jour à midi, dans les communs du château, pour les plus pauvres du village.

" C’est alors, raconte Eva, que je fis la connaissance du premier enfant auquel je donnai mon cœur.

" Norbert, le pâle fils de l’ivrogne, en haillons, affamé, sale et misérable, devint l’objet de mon plus ardent intérêt sur la terre.

" L’aider, vivre pour lui, le sauver, quelle tâche ! Je voulais le mettre en pension chez une paysanne, payer pour lui, le vêtir…

" A cet effet, je coupai dans une de mes robes de jardin une petite culotte que je cousis de mon mieux.

" Puis le problème de la veste me rendit perplexe.

Mais ce doux rêve printanier prit fin brutalement.

Je fus découverte.

D’une main ferme, mon père coupa court à toute mon activité.

Plus de visites aux communs, plus de travail pour Norbert.

" Je n’avais que dix-sept ans. Il fallait obéir.

" Avec des larmes amères, j’enfouis mon bonheur, sous forme de la petite culotte verte, au plus profond d’un sac de raccommodages, dans la lingerie.

" Attendre, vivre comme la fille d’un châtelain sur ses terres, ce fut dur, et pourtant bienfaisant ; car c’est alors que j’appris la première leçon de cette grande parole : " Rien n’est impossible à Dieu. "

Par la lecture de la Bible, Eva apprit à se décharger sur Dieu de la direction de sa vie.

Le grand mystique du XIIIème siècle, Tauler, lui apprit la mort à soi-même et à ses désirs personnels.

" Les obstacles extérieurs, écrit-elle, ne firent que fortifier la force de la volonté de Dieu en moi ; et ma foi exercée s’écria joyeusement : " Pourtant, rien n’est impossible ! "

Tandis qu’une nuit, par ma fenêtre ouverte, j’entendais monter les chants avinés et lamentables des hommes du village, je vis en esprit, dans l’avenir lointain, le moment où je pourrais montrer aux ivrognes le chemin de la délivrance… Cela semblait impossible…

Et pourtant tout est possible à Dieu ! "

Au bout de deux ans d’attente et de prières, Eva fut envoyée par son père chez le pasteur Bodelschwing, directeur des centaines d’asiles chrétiens de Bielefeld, une sorte de " Laforce " en beaucoup plus grand.

Eva y resta cinq mois, et vit de près, en y travaillant, ces admirables refuges de toutes les misères humaines.

" Temps béni, écrit Eva. Je n’avais pas encore soupçonné jusque-là combien la vie est belle ! "

Elle dut retourner à Berlin.

On essaya en vain de l’attirer dans le monde. Elle put se faire dispenser d’aller au théâtre, et obtint l’autorisation d’aller voir les malades à l’hôpital.

Enfin, de retour en Silésie, on lui donne la permission d’exercer son irrésistible vocation.

" Dieu est grand ! écrit Eva. Il incline les cœurs comme des ruisseaux d’eau courante. "

Elle se lève à cinq heures du matin pour préparer elle-même à déjeuner aux mineurs qui, sans cela, auraient travaillé à jeun.

Enfin, en février 1888, première sortie, comme sœur de charité, dans le village.

Les portes et les fenêtres s’ouvrent de toutes parts.

" Freliczka, venez ici, il y a un malade, il y a un mourant ! …. "

" Y eut-il jamais d’être plus heureux sur terre ? " écrit Eva.

" Quand j’allais par le village avec ma marmite de soupe à la farine d’une main, et dans l’autre, mon panier à pansements et remèdes, ma joie était parfaite ! "

Plus elle pénètre dans ces milieux, plus elle voit l’étendue des besoins.

Elle est surtout émue par le sort des enfants abandonnés, orphelins, ou enfants de parents indignes.

Elle rêve déjà de leur ouvrir un asile.

Une épidémie de scarlatine et de diphtérie éclate, terrible.

L’unique docteur prend la fuite, emmenant ses enfants.

Eva reste en charge. Elle va de malade en malade, de mourant en mourant….

Elle coud de ses propres mains des linceuls pour les enfants qui meurent.

Elle soigne deux cents malades, avec l’aide d’une jeune fille de mineur, Thécla, qui la suivra pendant toute sa vie….

… Un jour de Noël, en 1888, sur la table où se trouvaient les cadeaux destinés à Eva, elle découvrit, à la lueur des bougies de l’arbre traditionnel, un plan !

" C’est le plan de la maison que j’ai l’intention de faire construire sur nos terres pour tes protégés, explique son père…. "

Le cœur d’Eva bondit de joie.

" Ici, continua son père, seront les dortoirs, le réfectoire, la cuisine. Ici, au premier, cette jolie pièce avec véranda sera pour toi, de là tu donneras tes ordres, ce sera le bureau de la Directrice….

" A côté, dans ce cabinet, on pourra mettre un lit de camp pour toi, quand nous serons en voyage. "

" Directrice, Mme la Directrice, ce n’est pas ce que j’avais rêvé, écrit Eva, je voulais être la mère, la servante de ces pauvres enfants ! "

Au bout d’un an et demi, la maison fut prête.

Elle pouvait contenir trente enfants.

On invita une centaine de pauvres.

Dans la petite chapelle, pour la première fois, se réunit une assemblée de chrétiens évangéliques.

A la fin du service de dédicace, la jeune directrice de vingt-trois ans reçut la consécration de sa vocation par ces paroles du prophète :

" Partage ton pain avec celui qui a faim, et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile " (Esaïe 57 : 7).

Eva commença dès lors une nouvelle existence !

Personne ne saura jamais les difficultés de cette première année dans cette première maison hospitalière de Friedenshort.

Elle n’avait pour l’aider, outre la fidèle Thécla, qu’une femme catholique qui faisait la cuisine.

Il y avait plusieurs bébés à soigner nuit et jour, ainsi que des femmes âgées et infirmes.

Il fallait enseigner le ménage aux jeunes filles de la maison, sans cesser pour cela d’aller visiter pauvres et malades du village.

En outre, chaque soir, une centaine d’enfants des écoles venaient faire leurs devoirs sous la surveillance de " Mutterliczka (Petite mère), comme les Polonais aimaient à appeler Eva.

Eva faisait elle-même le pain et la lessive de ce grand ménage.

Par moments, Eva était si fatiguée, qu’elle monta un jour au premier pour y dormir sans être dérangée.

La somme mise à la disposition d’Eva par son père lui suffisait tout juste, en se privant elle-même, de sorte qu’elle avait beaucoup maigri.

Son père quadrupla la somme.

Mais les besoins augmentant toujours, deux autres maisons furent construites : L’une pour les vieilles femmes, l’autre pour les enfants.

Peu à peu, des jeunes filles chrétiennes se joignirent à Eva pour l’aider.

Ce fut le commencement du noyau de la communauté de diaconesses de Friedenshort.

A partir de 1905, à la suite du Réveil religieux du pays de Galles, dont les échos parvinrent à Friedenshort, via Keswick, l’œuvre reçut une grande impulsion.

Beaucoup de sœurs se joignirent à Friedenshort.

On ouvrit une nouvelle maison de diaconesses qu’on appela " La Paix de Sion. "

Il y avait à ce moment vingt-trois maisons à Friedenshort.

Cependant, les demandes d’hospitalisation affluaient de plus en plus, il fallait refuser des enfants, laisser des jeunes mères dans la rue.

Sœur Eva, dans la prière, entend une promesse de Dieu : " Heim fûr Heimatlose. – Des foyers pour les sans-foyers. "

Elle saisit cette promesse par la foi.

Pour construire le premier de ces " foyers ", elle n’a que cinq marks.

Elle les pose sur une chaise et demande au Dieu de la multiplication des pains, de multiplier par 100.000 son pauvre billet.

Bientôt sa foi triomphe, l’argent arrive.

Elle demande une maison.

Un homme de bien lui offre sa maison de campagne : C’est Warteberg, le premier des " Foyers pour les sans-foyers. "

Avec l’argent, on aménage la maison ; elle héberge bientôt trente personnes.

Au bout de quelques années, quarante autres " Foyers " ont été ouverts.

Jusqu’après l’armistice, la fortune immense que sœur Eva avait héritée de sa mère avait suffi, à peu près, aux besoins de l’œuvre.

Mais lors de l’effondrement du mark, cette grande somme se trouva réduite à rien… à peine de quoi payer un timbre-poste.

Ce fut la crise la plus difficile à traverser.

Mais la devise de sœur Eva triompha : " Rien n’est impossible à Dieu ! "

Il lui fallut compter sur Lui seul ; et, avec son admirable caractère entier et énergique, elle ne fit pas les choses à demi.

Elle établit la règle encore en vigueur à Friedenshort, non seulement de ne pas faire de collecte, ni demander d’argent aux hommes, mais de n’exposer ses besoins qu’à Dieu seul, et de n’en parler aux amis de l’œuvre que lorsque Dieu y aurait pourvu, et pour Le glorifier.

Dieu fit pour sa servante et ses aides le miracle quotidien de pourvoir à tous leurs besoins, et même de leur donner de quoi développer beaucoup l’œuvre.

Actuellement, Friedenshort compte plus de six cents diaconesses.

Une cinquantaine d’" Asiles pour les sans-foyers " ont été installés dans toute l’Allemagne.

Plus de deux mille êtres humains sont ainsi hébergés, par la foi.

Chaque maison doit vivre par la foi….

Sœur Eva mélangeait de poésie tout ce qu’elle faisait, car elle était poète.

Chaque famille d’enfants porte un nom de fleur ou d’oiseau.

L’énumération de ces noms est à elle seule comme un chant de joie et de santé.

La " Paix des Bois " est habitée par les Lis des bois, les Anémones et les Fleurs des bois.

Le " Pigeonnier " est habité par les Tourterelles.

Le " Jardin de Dieu " par les " Lis " et les " Roses ", la " Bénédiction de Frieda " est habitée par la famille " Aimez-moi ".

A la mer habitent les " Coraux ".

Un préventorium s’appelle " Terre du Soleil ", etc.….

L’activité rayonnante de sœur Eva et de Friedenshort s’étendit même hors des frontières de l’Allemagne.

D’une rencontre de sœur Eva, à Saint-Chrischona, avec Mme Howard Taylor, naquit une branche missionnaire de Friedenshort.

Des diaconesses, sous les auspices de la " China Inland Mission ", fondée par Hudson Taylor, par conséquent sur les mêmes bases de foi que Friedenshort, partirent pour la Chine, où elles fondèrent une station dans la tribu des Miao, province de Kweiyang.

Des milliers de ces chinois ont déjà été baptisés, après avoir été amenés à Jésus par les " sœurs de Friedenshort. "

Une jeune chinoise cultivée, Ruth, convertie, s’est jointe aux sœurs, comme missionnaire.

D’autres sœurs ont fondé des postes de secours aux enfants abandonnés, aux malades et aux vieillards, tout en faisant de l’évangélisation dans plusieurs endroits de la vaste Chine, ainsi qu’en Afrique, au Vénézuéla, au Groenland, en Russie.

Cinq d’entre elles se préparent à partir pour les Indes.

Dans sa jeunesse, sœur Eva avait voulu être fidèle à toutes les œuvres de miséricorde prescrites par son Berger.

Elle voulut aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

Une parole retentissait à son oreille : " J’étais en prison, et vous m’avez visité. "

Il vaut la peine de raconter ici cette première visite à la prison, qui devait entraîner pour sœur Eva et Friedenshort, toute une nouvelle branche d’activité : Visite aux prisonniers, cultes dans les prisons, création de maisons de rééducation pour les prisonnières libérées.

Toute tremblante, sœur Eva alla sonner à la poterne de la prison de B…, la plus proche de Friedenshort.

Son nom, son costume de diaconesse et surtout les prières secrètes de son cœur lui valurent l’appui du Directeur.

Il lui permit de voir la plus méchante de ses pensionnaires, condamnée à la peine sévère du cachot, pour avoir, dans un accès de fureur, arraché avec ses dents une phalange du doigt de son gardien.

" On comprend " écrit sœur Eva, " mon émoi, à cette première visite, lorsque j’entendis se refermer sur moi la double porte du cachot. "

A travers les volets clos, tombait un mince rayon du soleil printanier, et c’est à peine si je pouvais distinguer la silhouette écrasée contre le sol, et resserrée entre les murs, de la pauvre prisonnière.

Je ne me rappelle plus comment j’entamai la conversation ; en tous les cas, je pris sa main et je lui dis que j’étais venue lui rendre visite.

A l’ouie de mon nom, qu’elle devait connaître, étant des environs de Friedenshort, sa surprise et sa joie furent grandes.

Nous nous assîmes l’une près de l’autre sur le banc de bois, seul meuble de la cellule.

Je l’entourai de mes bras et lui fis raconter son histoire.

Ah ! Quelle lamentable histoire !

J’eus l’impression qu’elle avait de grands besoins spirituels et qu’elle souffrait aussi beaucoup dans son corps : La solitude, l’obscurité, les nuits sans sommeils, sur le sol (on ne lui donnait un matelas que tous les trois jours).

Pour lui éviter la cécité, on lui ouvrait les volets, mais seulement tous les trois jours.

Cette peine sévère devait durer six semaines….

" Une pitié profonde envahit mon cœur au récit de ses infortunes et de ses terreurs dans l’obscurité.

Cette pitié se transforma tout naturellement en un amour personnel et profond pour la malheureuse femme.

Vraiment je n’eus plus qu’un désir : L’aider, adoucir sa peine, et lui montrer le chemin de la Vie véritable.

" Quand elle eut soulagé son cœur, je commençai à lui parler de l’amour du Sauveur, pour lequel aucun pécheur n’était trop mauvais, et qui, pour les sauver, s’était assis à leur table, avait bu et mangé avec eux, comme s’il était leur pareil.

" Bien que je n’aie jamais été une chanteuse émérite, je me mis à chanter de mon mieux le beau cantique :

Source féconde,

Salut du monde !

Le sang de Christ est répandu.

Ce divin frère,

Sur le Calvaire,

Est mort pour l’homme perdu.

" Je crois que ce chant si simple résonna aux oreilles de ma pauvre amie comme un chœur angélique.

" Elle s’effondra, versant des larmes abondantes, et lorsque je me levai pour partir, elle me dit d’un ton suppliant :

" Oh ! Restez avec moi, j’ai si peur toute seule ! "

" Le sombre cachot me parut tout à coup transformé en un coin du paradis. "

Eva ne réussit pas, par son influence, à faire abréger la peine de la pauvre femme.

Mais la prisonnière, ayant montré les signes d’un vrai repentir, fit des excuses à son geôlier, et on diminua sa peine de moitié.

Sœur Eva put amener à une véritable conversion, non seulement cette première prisonnière, mais d’autres encore.

Ses cultes dans la prison furent interdits par un aumônier régulier, mais elle en appela aux autorités supérieures et obtint, non seulement pour elle, mais pour les sœurs de Friedenshort, l’autorisation de visiter les prisonniers protestants dans toute l’Allemagne et de faire le culte dans les chapelles des prisons.

Dans ces cultes, c’est toujours le cantique qu’elle avait chanté la première fois qu’elle chantait en s’accompagnant sur l’harmonium.

En mettant en évidence la puissance du sang de Jésus pour effacer les péchés et transformer le pécheur, elle amenait des larmes dans les yeux de beaucoup de criminels endurcis.

La vie de sœur Eva a été riche, de toutes manières.

Outre ses heures de prière intense, la surveillance de toutes ces maisons hospitalières, les voyages à l’étranger où elle aimait à se trouver dans la communion des enfants de Dieu de toutes les dénominations, comme à Keswick, sœur Eva publiait encore une feuille régulière mensuelle, " Au Service du Roi ", donnant des nouvelles de Friedenshort, de ses œuvres, des sœurs dispersées, et contenant toujours des encouragements et exhortations sortant du cœur de la " Mère ".

Elle a écrit, outre des vers qui forment un important volume : Soli Deo Gloria, d’autres livres, des livres pour la jeunesse, et des études spirituelles riches et profondes, comme celle sur le Saint-Esprit : " L’œuvre du Saint-Esprit dans la vie de tous les jours ", que nous nous proposons de traduire en français.

Peu avant la guerre, sœur Eva s’était adjointe une Anglaise, sœur Annie Whisler, missionnaire au Nord de l’Afrique.

Ces deux femmes travaillèrent ensemble, pendant la guerre, à soulager les maux augmentés par les hostilités.

On aime à penser à cette collaboration de deux femmes dont les pays étaient ennemis.

Les lettres si originales et attachantes de sœur Annie ont gagné à l’œuvre beaucoup d’amis anglo-saxons.

Destinées d’abord à un cercle d’intimes, elles ont été si demandées, que sœur Annie dut les faire multi copier.

On les lira, traduites en français par Mlle Clara Meylan, dans le livre : Sœur Eva, une histoire sans fin.

C’est à sœur Annie Whisler, aidée par quelques diaconesses de Friedenshort, qu’incombe la tâche de continuer l’œuvre fondée par sœur Eva.

Pour terminer cet article, nous dirons quelques mots des derniers moments de cette femme de Dieu, fondatrice d’une si grande et belle œuvre entièrement féminine.

Depuis plusieurs années déjà, on avait dû la forcer à se reposer de temps en temps.

Son cœur était surmené.

Elle fit une dernière cure à Bad Gastein, au Tyrol, au printemps dernier, sans grand succès.

Dans un état de grande faiblesse, on put la ramener à Friedenshort, dans le cher petit cottage qu’elle habitait si simplement.

Le jour avant sa mort, elle eut la joie de serrer sur son cœur deux de ses chères filles, dont Ruth la chinoise.

Elles avaient voyagé jour et nuit depuis leur débarquement à Hambourg, sachant leur " mère " si gravement malade.

Sœur Eva reposait calmement, les mains jointes, les yeux fermés, lorsqu’on lui annonça l’arrivée des deux sœurs.

Une joie indicible éclaira son visage.

" Dieu soit loué ! " s’écria-t-elle.

Puis elle éleva les mains sur leur tête pour les bénir.

" Notre vieux Michel, écrit sœur Annie, vint supplier d’une manière si touchante qu’on le laissât voir encore une fois, par la fenêtre, celle qui lui avait fait tant de bien.

" C’était émouvant de voir ce vieillard, à genoux sur le banc devant la fenêtre, pleurant en tendant ses mains jointes vers le ciel. Nous en étions brisées. Il semblait que les milliers de pauvres et de souffrants, soulagés par l’infatigable activité de sœur Eva, s’incarnaient dans ce vieillard, pour venir apporter à la mourante le tribut de leur respect et de leur reconnaissance. "

Elle ne vit rien. Même si elle avait vu, elle n’aurait pas accepté cet hommage.

" Tout est pure grâce ", aurait-elle dit, en déposant hommage et remerciements aux pieds de son Maître et Seigneur.

" Son dernier jour sur la terre, vers midi, les cloches de l’Eglise se mirent à tinter.

" C’est ainsi qu’elles sonnaient, cinquante ans auparavant, alors qu’une jeune fille, une adolescente, se glissait furtivement dans l’escalier du château pour aller assister à la distribution de soupe aux nécessiteux du village. "

On déposa à ses pieds une couronne de rose et de myrtes apportée par la fidèle Thécla.

Elle fut enterrée dans sa robe blanche de diaconesse, une palme à la main, dans un modeste cercueil, couvert de fleurs blanches.

Sœur Eva ne sera sans doute pas canonisée, elle ne l’aurait pas voulu.

Elle n’a pas demandé, comme certaines saintes célèbres, à opérer des miracles après sa mort.

Mais elle dicta sur son lit de mort un testament spirituel, dont nous détachons les clauses principales :

" En premier lieu, le désir intense de mon cœur, c’est que Friedenshort et tous ceux qui y sont attachés, depuis le plus jeune jusqu’au plus âgé, vivent dans une soumission si absolue à la volonté divine de notre Seigneur Jésus-Christ, que tout ce qui est humain, grand ou glorieux, tombe prosterné devant Sa majesté…. Si ceux qui dirigent et contrôlent l’œuvre de Friedenshort sont dans cette attitude, toute lutte stérile pour la gloire et l’honneur sera bannie, et toute gloire reviendra au Seigneur à qui tout appartient.

" Secondement, mon désir est que Friedenshort ait toujours la porte ouverte à toute espèce de misères.

Que tous ceux qui souffrent de besoins corporels, temporels, ou spirituels puissent y trouver asile… aucun esprit de froid calcul, ou de sagesse humaine, ne doit prendre la place de l’impulsion sacrée de l’amour chrétien.

" …. Que le Seigneur, dans sa grâce et sa bonté inexprimables, veuille bien continuer et approfondir cette œuvre à laquelle Il a pourvu pendant ces quarante années ; et qu’Il la rende de plus en plus dépendante de Sa volonté…

" Du plus profond de mon cœur, je remercie mes collaboratrices bien-aimées, sans lesquelles cette œuvre ne serait jamais devenue ce qu’elle est, par la grâce de Dieu.

" Je désire aussi vous remercier pour votre patience et votre support dans mes faiblesses et imperfections, et je demande sincèrement et affectueusement votre pardon pour les cas où, consciemment ou inconsciemment, j’ai blessé quelqu’une de vous… "

" Dans l’amour de Christ, nous restons unies pour l’Eternité. "

Voici des vers de sœur Eva qui résument bien toute sa vie.

Un jour je fus appelée

Par la majesté souveraine.

Tandis que j’étais prosternée

En prière devant les marches du trône,

Tremblante, je dis comme un amen :

" Seigneur, Ta servante écoute. "

Alors Il m’appela par mon nom :

Ancilla Domini ! (Servante du Seigneur).

M.W.S.

Ce qui importe

Ce qui importe, ce n’est pas d’être heureux, mais de rendre heureux les autres.

Ce qui importe, ce n’est pas d’être aimé, mais d’aimer et d’être en bénédiction à d’autres.

Ce qui importe, ce n’est pas de jouir mais de partager.

Ce qui importe, ce n’est pas de s’imposer, mais de renoncer à soi-même.

Ce qui importe, ce n’est pas de trouver la vie, mais de la perdre.

Ce qui importe, ce n’est pas que Dieu fasse notre volonté, mais que nous fassions la Sienne.

Ce qui importe, ce n’est pas que nous vivions longtemps, mais que notre vie ait trouvé son vrai sens.

Ce qui importe, ce n’est pas ce que nous faisons, mais comment et pourquoi nous le faisons.

Ce qui importe, ce n’est pas ce que pensent et disent les gens, mais ce que Dieu pense de nous.

Ce qui importe, ce n’est pas qui nous sommes, mais comment nous sommes.

Ce qui importe, ce n’est pas d’avoir beaucoup de connaissances, mais de mettre en pratique la connaissance que nous avons.

Ce qui importe, ce n’est pas ce que nous paraissons être, mais ce que nous sommes.

Ce qui importe, ce n’est pas que la souffrance nous épargne, mais que les souffrances atteignent en nous leur but.

Ce qui importe, ce n’est pas de savoir quand nous mourrons, mais si nous sommes prêts à rencontrer Dieu.

Eva TIELE – WINCLKER (1886-1930)

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