Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. (Matthieu 18 : 20)
Nous avons parlé dernièrement de la gérance et du partage de ce que nous avons reçu.
Aujourd’hui, nous parlerons de ce qui en résulte : La communion fraternelle.
Ceux qui furent jadis amenés à Jésus formèrent le cercle des disciples, c'est-à-dire un groupe.
Si aujourd’hui nous menons des hommes à Jésus, le résultat est le même ; il se forme un groupe de ceux qu’unit l’Esprit du Christ, de ceux qui ont la communion du Saint-Esprit.
Cette expression nous est connue et familière ; mais je me demande si nous savons tous ce que c’est, si nous avons déjà senti cette communion.
Qu’est-ce donc ? Demanderons-nous.
Ou plutôt, nous devrions préciser la question, car nous voulons parler non de la communion d’un chrétien avec son Dieu et avec son Sauveur, mais de la communion des enfants de Dieu entre eux, telle qu’elle est possible par Jésus-Christ.
Je dirai tout d’abord que lorsque, à cette communion qui s’est formée entre un homme et Dieu, s’ajoute une autre âme, il se forme quelque chose de nouveau.
Une nouvelle dimension s’y ajoute.
Prenons un exemple dans la géométrie : Si nous relions deux points l’un à l’autre, nous avons une ligne ; si nous relions les uns aux autres trois points dont l’un n’est pas dans l’alignement des deux autres, nous avons une surface.
Si je suis lié à Dieu, j’ai trouvé la bonne direction ; la ligne est là.
Mais cette ligne est ténue comme un fil ; je ne peux pas me tenir dessus, encore moins y bâtir quelque chose.
Il me faut pour cela une surface plane.
Et je la trouve seulement si un autre entre avec moi en contact avec Dieu ; cet autre, c’est le frère, c’est toi.
Christ, moi, toi, là où ces trois sont en relation l’un avec l’autre, nous avons une surface, il y a dans notre christianisme une nouvelle dimension qui lui donne une base, un fondement.
Il est merveilleux de constater combien les promesses de Jésus s’accordent avec ce que nous venons d’établir.
Tout d’abord celle de notre texte : " Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. "
Celui qui sait voir constatera que Jésus reconnaît la valeur du groupe.
Il ne veut pas être seulement un Sauveur individuel.
Il envoie ses disciples par groupes pour leur premier voyage missionnaire.
A plusieurs reprises, il choisit quelques apôtres dans le cercle de ses disciples ; il forme des groupes de trois ou de quatre ; il le fait pour la dernière fois à Gethsémané.
Il envoie l’Esprit de la Pentecôte à ceux qui sont " ensemble dans un même lieu. "
Il veut évidemment se révéler à tous ensemble.
Cette expérience a un caractère, un sens différent de celle que je fais quand je le rencontre, moi seul.
Cela vient peut-être de ce qu’une rencontre ne devient pas fructueuse si elle se limite à deux personnes.
Jésus ne veut pas notre amour pour lui seul ; il a toujours en vue le Royaume de Dieu.
Quand il nous trouve, c’est pour nous appeler dans la vigne de son Père ; cette vigne, c’est l’humanité.
C’est là que nous devons travailler.
Nous ne pouvons rester unis à Jésus, si nous cherchons à esquiver ce travail.
L’intérêt de Jésus est dirigé exclusivement, intensément sur le Royaume de son Père, et nous n’avons de valeur à ses yeux que si nous somme utiles dans ce Royaume.
Il est comme un homme riche, qui a tout, et qui dit : " La seule chose que vous puissiez faire pour me témoigner votre reconnaissance, c’est de me donner quelque chose pour mes pauvres. "
La seule joie que nous puissions lui procurer, c’est de travailler pour le bien de ses pauvres frères humains.
" Les choses que vous avez faites à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. "
Paul l’avait bien compris : " Et quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et toute la connaissance, quand j’aurais même toute la foi jusqu’à transporter des montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. "
L’amour est le fruit, la force qui naît de la communion.
Donc, les relations avec Christ ne deviennent fécondes que si elles aboutissent à la communion.
Il n’y a, au fond, pas d’autre moyen de montrer notre reconnaissance pour les dons reçus que de les partager avec les frères.
Mais comment faire cela ?
Impossible d’y arriver par la parole seule.
Et peut-être est-ce là la raison, - disons une des raisons, - pour laquelle l’Eglise de Christ prospère si peu.
Nous sommes devenus trop exclusivement une Eglise de prédicateurs.
Les paroles seules, même les plus belles, déçoivent, si elles n’accompagnent pas l’expérience.
A quoi sert de parler de la communion des Saints, si nous n’avons pas l’occasion d’y prendre part, d’en sentir la chaleur vivifiante ?
On n’accepte la parole que lorsqu’elle est la garantie de l’acte.
Expliquons cela par un exemple : J’ai un ami. Je lui parle en termes éloquents de ma vie de famille.
Naturellement, cela éveille en lui le désir de la connaître.
Et si je le reçois dans ma maison, les paroles que j’ai dites au sujet de ma vie de famille deviennent vivantes ; il est superflu d’en parler encore.
L’expérience parle plus haut que la description la plus animée.
Bien plus : Si mon ami participe à ma vie de famille, il verra des aspects tout nouveaux de mon caractère ; celui qui veut vraiment apprendre à connaître un homme doit l’observer dans sa famille.
Il en est de même quand il s’agit de Christ : Tu ne le connais pas encore si tu l’as rencontré une fois dans la solitude, si tu t’es entretenu avec lui en tête à tête.
Tu ne le connaîtras bien que quand tu auras pu jeter un coup d’œil dans sa famille.
Là se montreront de nouveaux côtés de son être, là tu comprendras combien sa richesse est grande.
Mais qui est sa famille ?
Nous répondrons : La communion des Saints.
Sa famille est partout où des enfants de Dieu sont réunis en son nom, deux, trois, ou davantage.
Chacun de ces groupes animés de son Esprit est sa famille.
Chaque famille chrétienne devrait être une famille de Christ.
Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas.
Il est rare qu’on ose dire à un étranger qui voudrait voir Jésus : " Viens chez nous, à la maison, là tu apprendras à le connaître. "
Notre but doit être de pouvoir dire cela.
Nous devons créer de petits groupes où nous puissions, en bonne conscience, amener un étranger pour qu’il y sente quel esprit règne dans la famille de Jésus, pour qu’il apprenne à connaître ce Jésus vivant, là où il se trouve infailliblement.
Les enfants de Dieu vivant ensemble, dans la communion fraternelle, ont donc une responsabilité immense.
Vraiment, ce n’est pas peu de chose que de porter ce nom, d’être un enfant de Dieu, un chrétien.
Il n’y a que deux possibilités : Faire honneur ou faire honte au chef de la famille ; il n’y a rien entre deux.
D’autre part, cette responsabilité est quelque chose de grand, de bienfaisant, de fortifiant.
Plus nous en serons conscients, mieux nous saurons nous discipliner et mieux nous saurons la porter.
Naturellement il y a là des dangers, tout comme il y en a dans une usine, où des courants électriques à haute tension sont transformés.
Là où il n’y a rien à perdre, il n’y a généralement rien à gagner non plus.
Là où il n’y a pas de défaite, il n’y a pas de victoire.
Là où l’Esprit de Christ est avec les deux ou trois, les vingt ou les trente, le diable est certainement aux aguets pour chasser cet Esprit et mettre le sien à la place.
Là où des hommes sont en chemin pour trouver Dieu, Satan est posté comme aiguilleur pour faire dérailler le train.
Mais le danger n’est pas une raison pour se tenir à distance et pour dire : " Nous aimons mieux rester loin de cet Esprit, comme autrefois ; nous ne voulons pas entrer en contact avec ce courant à haute tension, nous pourrions nous y brûler. "
Il faut évidemment ici une discipline honnête, une vigilance toujours renouvelée, une véracité absolue.
Tels doivent être les premiers indices auxquels on reconnaîtra ceux qui appartiennent à la famille de Christ et qui permettent à d’autres de participer à leur vie de famille.
Là où on est réuni en son nom, ces indices sont visibles.
Et je trouve qu’il n’y a pas de moyen plus efficace, plus convaincant, plus naturel aussi, d’apprendre à connaître Christ comme le Vivant d’aujourd’hui que de prendre part à cette vie de famille, à cette vie des groupes chrétiens.
Là nous voyons comment Christ transforme les hommes : Il les rend vrais, disciplinés, humbles, purs, joyeux, libres, respectueux, confiants et spontanés.
Et là nous voyons aussi combien sa présence agit sur la vie en commun : Ce que l’un a vécu avec le Christ se répercute sur tout le groupe.
La rencontre avec le Christ est réelle dans la mesure où il en jaillit un amour joyeux et fort pour les frères.
C’est une expérience saisissante que de se trouver parmi des hommes qui s’entraident, qui sont vrais et cordiaux les uns avec les autres, dans un groupe où l’un pense à l’âme de l’autre aussi sérieusement qu’à la sienne.
Là les murs de séparation d’un monde égoïste s’écroulent ; là les hommes sont bons les uns envers les autres, non parce qu’il est dit quelque part : " Tu dois ", mais parce que c’est devenu possible et naturel.
La parole de Paul aux Galates se trouve réalisée : " Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. "
Là tout homme peut commencer à croire à la réalité du Saint-Esprit, à la présence de ce Christ dont il a entendu parler si souvent, mais qui lui est si rarement devenu visible et sensible.
Pour que cette expérience soit possible, nous comprenons que le groupe des deux ou trois est nécessaire, parce que, dans ce groupe, le Saint-Esprit peut se manifester autrement que dans une conversation en tête à tête, ou dans un sermon prononcé devant un auditoire muet.
Il y a une différence entre un cantique exécuté à l’unisson et un chant polyphone.
Chacun des deux a sa raison d’être, mais l’un ne peut pas remplacer l’autre.
Rien n’est mieux fait pour nous rendre heureux, pour fortifier notre foi qu’une de ces rencontres où nous voyons comment le Saint-Esprit agit différemment dans chaque personnalité ; il est comme un rayon qui se décompose dans un prisme et nous permet de voir toutes les couleurs splendides du spectre solaire.
Il y a des familles où cette communion du Saint-Esprit existe.
Si un homme peut jeter un coup d’œil dans ces familles-là ou même y vivre, il éprouve une des joies les plus exquises qu’on puisse avoir.
Et souvent cette expérience fait naître en lui une foi positive et vivante.
Mais ces familles chrétiennes sont rares, et c’est pourquoi des hommes saisis par l’Esprit du Christ doivent se grouper et former de ces familles, c'est-à-dire de petites communautés, et ouvrir largement leur porte, pour que ceux qui cherchent Dieu voient ce que c’est que la communion du Saint-Esprit.
Il y a des choses qu’on ne peut pas décrire, qu’il faut vivre pour les comprendre.
Il en est ainsi de l’amour et de la communion du Saint-Esprit.
Aussi ne pouvons-nous pas nous passer des groupes où cette communion existe, où Jésus est présent.
J’ai lu dernièrement cette parole : " La cause de notre pauvreté, c’est que nous ne sommes pas liés les uns aux autres, c’est que nous ne nous servons pas les uns les autres. Chacun va son chemin sans se soucier de l’autre. "
Là où ceci n’est pas le cas, là où l’un est dépendant de l’autre, où l’un est le serviteur de l’autre, où la confiance existe, où l’on se réconforte, se console, se réchauffe mutuellement, là où tous, d’un commun accord, déclarent : " Nous faisons cela, nous le pouvons, parce que Christ est entré dans nos vies, parce que nous sommes sous son regard et que son Esprit nous conduit ", là ce Christ, si souvent nommé, si peu connu, devient réel, saisissable par la foi.
Il me semble que nous avons trop négligé cela dans notre Eglise.
Nous avons oublié que derrière le prochain, il y a Dieu qui nous parle à travers le prochain, comme il veut parler au prochain par nous.
Un homme avec Christ, ce n’est pas la même chose que deux avec Christ ; la communion n’est possible que là où deux se mettent ensemble en sa présence.
Et cette communion est un contrôle indispensable de notre expérience personnelle : Il nous préserve de toute exaltation, d’un mysticisme infructueux.
Ceux qui, après avoir rencontré le Christ, restent seuls, qui ne cherchent pas la communion fraternelle, qui ne deviennent pas des fondateurs de groupes, ceux-là ont un christianisme morbide.
Cela vient de ce qu’ils n’ont pas su exprimer leur reconnaissance pour leur rencontre avec Christ, cette reconnaissance qu’ils auraient dû prouver en s’approchant de leurs frères.
Nous célébrons aujourd’hui la Fête de la Réformation.
Nos regards se tournent en arrière, et nous remercions Dieu de tout ce qu’il nous a donné par la Réformation.
Mais nous pensons aussi à aujourd’hui et à demain, et nous comprenons ceci : Une Réformation qui ne reste pas vivante, qui ne continue pas à réformer, perd ce qu’elle a acquis autrefois.
Nous demanderons donc : Qu’est-ce qui doit se passer pour que notre foi, vivifiée par la Réforme, continue à vivre ?
Notre méditation d’aujourd’hui nous donne la réponse à cette question.
L’Eglise, à côté de la prédication, doit employer un nouveau moyen pour annoncer l’Evangile, un moyen grâce auquel la communion du Saint-Esprit devienne sensible et réelle.
Cela demande que nous passions de la première dimension à la seconde, que nous sortions de la ligne " moi et Dieu " pour entrer dans la surface " Dieu, moi et l’autre ".
La surface de ce triangle permettra seule au Saint-Esprit de déployer toute la richesse de ses rayons.
Nulle part l’efficacité de l’Esprit de Dieu ne se fait sentir d’une manière plus naturelle, plus convaincante que dans le cercle de ceux qui sont réunis au nom de Jésus et qui forment ainsi, selon sa volonté, son cercle de famille.
Car il a dit : " Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. "
En d’autres termes, ce que demande l’heure actuelle, la réforme nécessaire aujourd’hui dans l’Eglise chrétienne, c’est la formation de cellules vivantes dans son sein, les groupes des deux ou trois.
A ceux-ci est faite la promesse : " Je suis au milieu d’eux. "
Et combien il est urgent qu’il soit vraiment parmi nous !