La joie de Noël
Qu’elle soit bienvenue cette sainte nuit de Noël où le Sauveur des hommes naquit dans une crèche !
Qu’elle soit pour tous une heure joyeuse et pure, cette heure où le Fils de Dieu s’abaissa jusqu’à nous et vint partager nos misères.
Jamais heure semblable n’avait sonné jusqu’alors ; jamais une aussi solennelle ne reviendra, avant que le Fils de l’homme paraisse dans sa gloire pour juger le monde et établir ici-bas son royaume.
C’est pourquoi, ouvrez vos cœurs à la joie.
Ne voyez-vous pas au milieu de la nuit cette lumière éclatante, la gloire du Seigneur qui resplendit, ce prodige de la nature qui s’émeut et l’armée des anges qui chantent : " Gloire soit à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes ? "
Ils chantent la délivrance de l’homme, l’amour ineffable du Père, le sacrifice du Fils, la tête du serpent écrasée, la semence de la femme bénie, la mort vaincue et l’immortalité.
Ils chantent la lumière qui luit dans les ténèbres, le Rédempteur venant chercher ce qui était perdu, le désiré des nations, l’agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde.
Ils chantent la terre réconciliée avec Dieu, la fin des souffrances, de la lutte et de la discorde, le règne de l’amour et de la fraternité.
Ils chantent ce jour annoncé par les prophètes, " où le désert et le lieu aride se réjouiront, où la solitude fleurira comme une rose. "
Oh ! qu’on l’a impatiemment attendu, ce jour de Noël !
Que de prophètes, que de croyants, que de saints, ont soupiré après cette heure de la délivrance !
Combien de justes se sont endormis dans la tombe en disant : Le Christ ne viendra-t-il point ?
Aussi, voyez-vous comme ils sont joyeux ces hommes de désir, ces vieillards et ces saints, Siméon, Zacharie, Anne, Elisabeth !
Ils sont transportés et ravis au ciel, tellement que la parole ordinaire ne saurait plus rendre les pensées dont leur cœur est rempli.
Ils prient, ils chantent, ils prophétisent.
L’un s’écrie : " Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple.
Et le vieux Siméon demande de mourir : " Maintenant, ô Seigneur, dit-il, laisse aller ton serviteur en paix, car mes yeux ont vu ton salut. "
Pourquoi cette joie si grande et ces transports de reconnaissance ?
C’est que, dans cet humble enfant, dans cette crèche, dans cet abaissement, dans cette misère humaine, ils ont reconnu le Roi des rois, le Prince de la vie ; ils ont contemplé le Sauveur !
Laissons donc aussi pénétrer la joie dans nos âmes.
Affligés, pauvres captifs, persécutés, vous tous qui souffrez et qui soupirez après la délivrance, soyez joyeux.
Noël vous dit : " Vous êtes de ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves. " C’est pourquoi je dispose du Royaume en votre faveur comme mon Père en a disposé pour moi. "
Soyez joyeux, pécheurs qui languissez dans les souillures du monde et qui soupirez après le pardon et la paix.
Noël vous dit : " Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est aisé et mon fardeau est léger. "
Soyez joyeux, hommes de franche volonté, hommes de peine, de fatigue, pour qui la vie est un devoir sérieux : travailleurs, ouvriers, vous tous qui gagnez le pain de chaque jour à la sueur de votre front.
Laissez pour un instant le souci du lendemain.
Noël vous dit : " Fortifiez les mains languissantes et affermissez les genoux tremblants.
Dites à ceux qui ont le cœur troublé : Prenez courage et ne craignez plus ; voici votre Dieu.
Soyez joyeux, vous à qui Dieu a donné quelques biens de ce monde en partage.
Noël vous dit : " L’Eternel appauvrit et enrichit ; il abaisse et il élève. "
Soyez joyeux pendant qu’autour de vous se répandent les bienfaits de la charité ; un chaud vêtement au pauvre que glace le froid de décembre, une bonne parole à l’affligé, et le cœur ouvert pour tous les malheureux.
Qu’ils soient joyeux ceux qui aiment et qui croient, depuis le vieillard qui s’en va jusqu’au petit enfant souriant dans son berceau.
Puissions-nous tous chanter avec allégresse : Gloire soit à Dieu dans les cieux ; paix sur la terre et bonne volonté envers les hommes !
Auprès de la crèche de Bethléhem
" Il s’est dépouillé lui-même, en prenant la forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes…. Il s’est humilié lui-même. " (Philippiens, chapitre 2, versets 7 et 8)
Qu’elle est humble la naissance de Jésus !
Rien qui rappelle le somptueux éclat dont on entoure le berceau d’un fils de roi.
Les cloches de Noël qui, maintenant, d’une extrémité à l’autre de l’univers, annoncent joyeusement la nuit du Christ, ne retentissaient pas alors ; nul ne chantait les joyeux chants qu’aujourd’hui jeunes et vieux entonnent dans ce jour de fête.
Dans un coin sombre de l’étable d’une auberge, une femme mit au monde un enfant ; une crèche tint lieu de berceau ; telle fut la naissance du Sauveur du monde, du Roi des rois.
Dieu soit loué de ce qu’il en fut ainsi !
Si le Christ était né là où les mages d’Orient le cherchèrent d’abord, dans le luxueux palais des rois de Jérusalem ; si une foule de domestiques l’avaient servi et entouré dès la première heure du confort et du superflu ; s’il n’avait fréquenté que les nobles et les savants de son peuple ; s’il avait porté la pourpre sur l’épaule et le sceptre en main, que serait-il advenu ?
Les chargés et les travaillés auraient-ils afflué vers lui ?
Les petits et les simples, les inquiets et les découragés auraient-ils osé s’en approcher ?
Non, son éclat aurait rejeté la misère dans son coin sombre, effrayé les timides et désespéré les pécheurs.
Le Sauveur aurait été le sauveur des riches et des grands ; le chant des anges n’eût pas trouvé d’écho dans le cœur de ceux qui avaient le plus grand besoin d’un salut venu du ciel.
L’étable et la crèche de Bethléem sont pour nous, dès l’enfance, un endroit aimé.
Mais avons-nous bien compris et pris à cœur ce que nous dit cette douce vision en son simple langage ?
Un sauveur est venu, plein de charité, de dévouement, d’humilité ; il partage les peines et les tentations ; il portera avec nous notre fardeau, s’associera à nos inquiétudes.
C’est un médecin qui connaît nos blessures, un grand prêtre qui sait avoir pitié de nos faiblesses, un ami fidèle, un frère bien-aimé.
N’est-ce pas là ce que tu nous dis, ô nuit de Noël joyeuse et bénie ?
Autre chose encore.
Au jugement de beaucoup d’hommes il manquait à ce pauvre enfant, couché dans la crèche, tous les moyens que l’on juge nécessaires pour accomplir quelque chose dans le monde.
Le Fils de David aurait dû surpasser tous ceux qui l’on précédé et qui l’ont suivi par l’abondance et la perfection des moyens d’actions mis à sa portée.
Tel était le rêve d’Israël ; c’eût été sans doute le nôtre, car la plupart des hommes n’ont de foi qu’en la force visible.
Dès son entrée dans le monde, Jésus confond cette sorte de foi.
L’étable de Bethléem proclame bien haut que le royaume du Christ n’est pas de ce monde.
L’enfant dans les langes avertit ceux qui cherchent sans trêve l’argent, les jouissances, la puissance, les honneurs, que sur cette voie, ils ne trouveront rien.
La crèche, puis la croix nos posent un ultimatum : " Où cherches-tu ton salut ?
Auprès de Dieu ou auprès des hommes ?
Que demandes-tu avant tout : la paix du cœur ou la richesse, le salut de ton âme ou le bien-être de ton corps ? "
Tant que nous n’avons pas trouvé la vraie réponse à ces questions, Christ ne nous est rien, ne peut rien pour nous.
Il faut qu’avec une ferme décision nous apprenions à lui répondre : " Plutôt avec toi dans l’abaissement et la pauvreté que sans toi dans l’éclat et les honneurs. "
Alors seulement s’accomplit pour nous la parole : " Aujourd’hui, un sauveur nous est né ! "
Alors seulement commencent dans notre vie les expériences qui mettent sur nos lèvres ce cantique de louange : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple ! "
Les 4 oies de Noël
C’était avant la guerre, en quelque grande ville de France.
Une jeune femme, peu de mois avant, fut " saisie par Jésus-Christ. "
Venus à des réunions dites " d’évangélisation ", et d’abord en curieuse, jeune, pimpante, vive, elle conta son histoire, ce soir-là, au jeune pasteur…
Bref, elle décidait de rompre avec son amant et voulait le lui écrire.
Grave affaire. On pria avec elle, vous pensez bien.
Deux jours s’étaient à peine écoulés, que le monsieur, au téléphone, réclamait un entretien.
Bien mis, quarante ans, père de famille, honnête commerçant et riche.
Mais un monsieur indigné !
Il l’aimait. Ils s’aimaient. Elle avait besoin de son argent, à lui.
Si l’on savait de quel bouge il l’avait tirée !
De quel droit la lui enlèverait-on ?
Le premier pasteur, fort embarrassé mais confiant, se tourna vers son jeune assistant, très inexpérimenté, qui tout à coup posa au monsieur bien habillé une ou deux questions directes, à lui honnête père de famille à la vie double.
Cette conversation ne se termina pas là.
Croyez-moi ; ce monsieur, lui aussi accepta Jésus-Christ.
Cela arrive !
A six mois d’intervalle, elle, puis lui, furent reçus dans la communion de l’Eglise et de Jésus-Christ.
L’année suivante (peut-être 1942, ou 1943), les deux pasteurs se demandaient comment assurer aux isolés de la paroisse le traditionnel repas de famille qui leur tenait lieu, à Noël, de foyer accueillant.
Chose fort importante !
Mais la guerre sévissait et les cartes de restrictions !
On pria. Puis l’on téléphona au monsieur bien mis qui se trouvait (croyez-m’en) établi comme marchand de volailles et autres douceurs, en un quartier bourgeois de la ville.
Peut-être pourrait-il, à bas prix, trouver encore, malgré les temps difficiles (on expliquait le but de l’affaire), quelques victuailles…
Trois jours après, un courrier apportait la réponse : quatre oies superbes !
L’équipe pastorale faillit en tomber de stupéfaction.
Il n’y avait aucune facture. Réconfortée, l’équipe chercha toutes les fiches oubliées, les anciennes adresses.
On invita comme au grand festin de l’Evangile, pensant que les haricots à mettre autour et la sauce nécessaire se trouveraient aussi.
Or, trois ans plus tôt, une femme seule que la vie avait assez malmenée, connaissait, elle aussi, les joies de la conversion.
Pareille aventure arrivait de fois à autre, en cette bonne ville, par la grâce d’En-Haut.
Puis, on ne savait pourquoi, elle se découragea, retournant à sa solitude.
Bonne occasion. Une lettre courtoise et bien tournée l’invita au festin de Noël.
Cinq minutes avant l’heure, les joues roses, un peu gênée, elle entra au temple pour le culte de Noël.
Puis on s’installa autour de la table.
Hélas ! Malgré les textes les plus formels de l’Evangile, le vin manquait.
Mais c’était la guerre. Le rôti s’avéra délicieux et tout autant l’après-midi passé ensemble.
Le lendemain matin, au petit lever, fortement ensommeillé par cette période d’activités variées, le pasteur sursauta à la sonnerie impérieuse du téléphone.
C’était la dame (d’ailleurs une demoiselle) qui réclamait un entretien d’urgence.
A peine le temps d’une brève toilette, elle arrivait, un peu gauche, assez agitée, mais les yeux brillants.
D’abord pour remercier ; elle s’était sentie si heureuse. Et tout cela avait été si bien. Et ces oies ! Et…
Elle ne s’en allait pas.
- Vous avez peut-être autre chose à me dire, suggéra le pasteur avec son meilleur sourire.
- Heu ! Oui…on hésitait. Bref voilà : on était brouillé avec la sœur. Bien sûr c’est la faute de la sœur ; d’abord, elle était la plus jeune. Et puis elle s’était montrée grossière. On ne se voyait plus. Et elle avait aussi un garçon, un jeune garçon, si gentil, si câlin, le neveu. Alors on avait pensé que, Noël carillonnant, il fallait pardonner. N’est-ce pas ?
- Bien sûr. Quelle bonne idée !
- Seulement je ne sais pas. C’est difficile, très difficile. Alors est-ce que vous ne voudriez pas, monsieur le pasteur, prier avec moi pour m’aider, pour qu’Il m’aide, Lui ?
Le lendemain matin, (il faisait encore très sombre), nouveau coup de téléphone.
Maudit téléphone !
Mais non, c’est encore la demoiselle, qui s’embrouille et raconte et vite explique comme la sœur, ahurie, avait tout juste entrouvert sa porte :
- Oh ! Tu viens encore te faire inviter à diner !
- Mais non. Je viens pour te dire. Enfin pour te demander…, pardon. Il faut que je te raconte.
Et à mesure que, doucement, la porte s’ouvrait plus grande, on avait conté le repas de la veille et l’histoire des oies.
Et tout naturellement le récit s’était terminé autour de la table de famille, avec le neveu sur les genoux et tous les visages rayonnants.
- Alors, monsieur, je voulais simplement vous demander de remercier Dieu avec moi. Et vous savez, maintenant, je veux Le servir, oh oui : parce que... parce que…
Elle a tenu parole.
Peut-être pourriez-vous goûter la même joie.
On fait tant de sottises en une courte vie. Les réparer, c’est le meilleur.
Et la veille de Noël, semble un jour bien choisi pour les grands nettoyages.
Et puis je souhaite que ce récit tombe sous les yeux des deux premiers, dont Dieu a pu si merveilleusement se servir un temps.
Peut-être aujourd’hui, pour Noël, reviendraient-ils aussi à Celui qui les a tant aimés…
Ainsi, soit-il !
Jean-Paul BENOIT
Le christianisme au 20ème siècle