Préface
" Où sont tous ces prodiges que nos pères nous racontent… ? "
Ainsi répondait Gédéon à l’Ange de l’Eternel qui lui était apparu pour faire de lui un instrument de choix et libérer le peuple d’Israël du joug ennemi.
Plus tard, c’est Asaph, l’auteur du Psaume 77, qui dans un temps d’épreuve exprime sa plainte et s’écrie : Ce qui fait ma souffrance, c’est que la droite du Très-Haut n’est plus la même… "
Dans toutes les générations, les croyants, après avoir connu les temps forts et bénis de la visitation divine, ont traversé les déserts de l’épreuve avec des doutes et des plaintes.
Alors que je visitais un jour une sœur chrétienne âgée qui avait été pour nous autrefois un modèle de ferveur, je la trouvai triste et abattue.
Frère, me dit-elle : " Pourquoi suis-je dans cet état ? Pourquoi le Seigneur n’agit-il pas ? "
La pensée me vint de lui demander de nous raconter comment elle était venue à la foi.
Nous passâmes un moment béni, au cours duquel son visage s’éclairait, à mesure qu’elle évoquait avec joie et émotion de quelle façon surnaturelle le Seigneur était intervenu dans sa vie.
En nous rappelant les œuvres de l’Eternel, son esprit s’animait et nous étions suspendus à ses lèvres en écoutant son récit.
Dieu ne change pas, ses bontés sont inépuisables.
C’est notre foi et notre persévérance qui faiblissent parfois et nous font douter de sa fidélité.
En outre, notre siècle est séducteur comme jamais auparavant et comme on le dit, " la mondanité " s’infiltre de plus en plus dans les Eglises, faisant oublier aux meilleurs d’entre-nous parfois que nous avons dans le ciel des biens supérieurs à ceux d’ici-bas.
Nos lecteurs trouveront, dans le présent livret, de quelle manière un prédicateur inspiré montre que les plaintes de l’Eglise et des croyants ne sont pas fondées, que Dieu reste immuablement fidèle mais que la faute en revient aux hommes.
Ce sermon prononcé à la fin du 19ème siècle, lors de la dédicace d’un nouveau temple, est plus que jamais d’actualité et notre vœu sincère est qu’il éveille chez plusieurs le désir d’une consécration renouvelée à Jésus-Christ qui " est le même, hier, aujourd’hui et éternellement. "
DEMEYERE
Les plaintes de l'église
" Voici la voix du cri de la fille de mon peuple qui crie d’un pays éloigné : L’Eternel n’est-il point en Sion ?
" Son Roi n’est-il point au milieu d’elle ?
" Pourquoi m’ont-ils irrité par leurs images taillées, par les vanités de l’étranger ?
" La moisson est passée,
" L’été est fini, et nous n’avons pas été délivrés " Jérémie 8 : 19 à 20.
Mes frères, dans les paroles que je viens de vous lire, le prophète Jérémie nous fait entendre les plaintes et les murmures de son peuple, captif à Babylone, fatigué d’attendre la délivrance de son Dieu et se croyant pour toujours abandonné de lui.
" L’Eternel n’est-il pas en Sion, s’écrie-t-il ; son Roi n’est-il pas au milieu d’elle ? "
A quoi l’Eternel répond par la bouche du prophète : " Pourquoi m’ont-ils irrité par leurs idoles taillées et par les vanités de l’étranger ? "
Et le peuple de continuer :
" Nous pensions que Dieu nous délivrerait, qu’il ferait cesser notre exil, qu’il chasserait l’ennemi quand l’été serait venu.
Mais voici, l’été est fini, la moisson est passée et le Chaldéen victorieux foule toujours en maître le sol de la patrie. "
Ces plaintes et ces murmures de l’ancien peuple d’Israël m’ont remis en mémoire les plaintes et les murmures de l’Israël d’aujourd’hui, l’Eglise.
Que de fois, en effet, ne nous plaignons-nous pas et ne sommes-nous pas tentés de dire, nous aussi, à nos heures de défaillance et de lassitude :
" L’Eternel n’est-il pas en Sion, son Roi n’est-il pas au milieu d’elle ? "
Et s’il y est, pourquoi l’Evangile fait-il si peu de progrès ?
Pourquoi le règne de Dieu est-il si lent à venir ?
Pourquoi ne voit-on plus ce qu’on voyait au siècle apostolique, les âmes se convertir par centaines et par milliers ?
Pourquoi y en a-t-il si peu qui soient gagnées à Jésus-Christ ?
Pourquoi nos Eglises qui ont pour elles le vent du jour, qui unissent deux choses jugées si longtemps inconciliables, l’Evangile et la liberté, recrutent-elles si peu d’adhérents ?
Pourquoi passent-elles inaperçues au sein d’une génération où elles auraient pourtant une si grande, une si belle mission à remplir ? "
C’est à répondre à ces pourquoi que je voudrais consacrer ce discours.
Vous attendiez peut-être autre chose de moi, mes frères, dans cette occasion.
Ce n’est pas la note lugubre, c’est plutôt la note joyeuse, une parole d’espérance et d’actions de grâces, vous semble-t-il, que j’aurais dû vous apporter.
Oui, sans doute, frères de Moncoutant, vous avez sujet de vous réjouir dans cette belle journée, pour tout le bien que Dieu vous a fait.
On peut dire qu’Il vous a conduits par la main dans les circonstances difficiles que vous avez eu à traverser.
Ce que les hommes avaient pensé en mal, il l’a fait tourner en bien, puisqu’il vous a donné d’être les premiers dans cette vieille province du Poitou, illustrée par les souffrances et l’héroïsme de vos pères, à réaliser les vrais principes ecclésiastiques, les seuls qu’ils aient connus et pratiqués, et qu’essaie de faire revire, dans sa faiblesse, l’Union des Eglises évangéliques libres de France, à laquelle vous vous êtes rattachés.
Evangéliques, parce qu’elles retiennent et confessent les grandes et fondamentales doctrines de la foi chrétienne, en dehors desquelles l’Evangile n’existe plus.
Libres, parce qu’elles ne relèvent que de Dieu, qu’elles n’ont d’autre chef que Jésus-Christ, d’autre règle que sa Parole, montrant ainsi, par leur exemple, la réalisation de ce beau et grand principe, que l’on s’est obstiné si longtemps à regarder comme une utopie irréalisable.
Je veux dire, la séparation du temporel et du spirituel, la pleine et entière indépendance de l’Eglise, se suffisant à elle-même, sans recevoir aucun subside de l’Etat.
Vous avez à bénir Dieu, aussi, de ce qu’il vous a mis au cœur et vous a fourni les moyens de bâtir ce nouveau temple, d’appeler à votre tête un fidèle serviteur de Jésus-Christ et d’affirmer ainsi, en même temps que la vitalité de votre Eglise, votre ferme résolution de répandre l’Evangile autour de vous.
Oui, vous avez à bénir Dieu, et d’autant plus qu’il n’a sans doute pas manqué de gens pour vous décourager et pour vous dire : " Prenez Garde ! Vous allez mettre la division dans les familles et dans l’Eglise, vous allez troubler la paix ! "
La paix ! Elle est précieuse, sans doute, et nul ne l’estime plus que nous.
Mais une chose plus précieuse encore, c’est la vérité !
Ah ! Si la vérité n’est rien, s’il est indifférent d’y croire ou de n’y pas croire…
De croire que Jésus-Christ est Dieu ou qu’il n’est pas Dieu ; qu’il est mort pour nos péchés, ou qu’il est mort simplement pour nous donner un bel exemple de patience et d’abnégation.
Que c’est lui qui nous sauve par son sang ou que c’est nous qui nous sauvons par nos œuvres.
S’il est indifférent que toutes les doctrines, vraies ou fausses, soient prêchées tour à tour dans les mêmes chaires, et aient un droit égal dans l’Eglise, alors, oui, vous avez eu tort de quitter l’établissement officiel, alors, oui, vous êtes des sectaires, des dissidents dans le vilain sens du mot.
Mais si la vérité, c’est la vérité, si Jésus-Christ en est le roi, s’il est lui-même la vérité, si la vie des Eglises, la prospérité des peuples, le salut éternel des âmes en dépendent ; alors il faut bien qu’on reconnaisse qu’en élevant ce temple pour en assurer à vous et à vos enfants la fidèle prédication, vous avez non seulement usé d’un droit, mais que vous avez rempli un devoir.
Vous le voyez donc, chers frères de Moncoutant, nous sommes de cœur avec vous, et c’est de toute notre âme que nous nous associons à la joie de votre fête.
Mais nous pensons aux jours qui suivront, où vous allez vous retrouver aux prises, comme auparavant, avec les épreuves et les difficultés de la vie.
C’est en vue de ces épreuves qui vous attendent et pour vous prémunir contre elles que nous voudrions vous adresser quelques paroles de conseil et d’encouragement.
Et non seulement à vous, mais à toutes les Eglises de notre groupe ici présentes dans la personne de leurs délégués.
Cela dit, j’entre de plain-pied dans mon sujet.
I
Et d’abord à cette question :
" L’Eternel n’est-il pas en Sion ? Son Roi n’est-il pas au milieu d’elle ? "
Nous répondons hardiment : Oui, il y est.
Jésus-Christ n’a point abandonné son Eglise. Il est avec elle ; il y sera jusqu’à la fin des siècles, et les " portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. "
Cette promesse du Maître devrait nous suffire à elle seule pour écarter la doctrine de l’apostasie de l’Eglise, doctrine qui, pour le dire en passant, est à la base de toutes les erreurs de certains de nos frères.
Mais, à part cela, comment douter que " l’Eternel soit en Sion, que son Roi soit toujours au milieu d’elle, " quand nous jetons un regard attentif sur ce qui se passe autour de nous.
Certes, nous ne méconnaissons pas les misères de l’Eglise contemporaine.
Elles sont nombreuses, elles sont grandes.
A bien des égards, l’Eglise n’est pas ce qu’elle devrait être.
Il y a des problèmes à résoudre, des maux à guérir, des abus à combattre, des iniquités criantes à faire disparaître qui lui incombent comme autant de tâches et dont elle n’a pas su s’acquitter.
Car, comme me l’écrivait naguère une noble femme, " il faut que pas un seul chrétien ne prenne son parti ni des lâchetés, ni des cruautés, ni de pas unes des infamies qui s’accomplissent sous le ciel de Dieu ! "
Mais s’ensuit-il que Jésus ne soit pas au milieu d’elle, que son Roi l’ait abandonnée ? …
Gardons-nous de le penser.
Nous pourrions en appeler d’abord à l’œuvre des Missions, à cette œuvre admirable, l’honneur de notre siècle, qui a plus fait peut-être, pendant ces quatre-vingt dernières années, pour amener des âmes à Jésus-Christ et avancer son règne, qu’on n’avait fait pendant les 17 siècles qui ont précédé.
Quelle éclatante et merveilleuse confirmation de cette parole du Maître à ses disciples :
" Toute puissance m’est donnée dans le ciel et sur la terre ; allez donc et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Voici, je suis toujours avec vous jusqu’à la fin des siècles. "
Mais ce n’est pas seulement par la conversion des païens que Jésus-Christ manifeste sa présence au milieu de nous ; il la manifeste aussi partout où il y a des chrétiens qui la recherchent et la réclament, avec le désir sincère de le glorifier.
Nous l’avons certainement tous éprouvé plus ou moins, si nous sommes chrétiens.
Demandez en particulier à ceux qui ont eu le bonheur de prendre part à l’une ou l’autre de ces belles assemblées d’Alliance évangélique qui se sont tenues à Londres, à Paris ou à Berlin, demandez-leur si la présence de Jésus-Christ dans son Eglise est une chimère ou si elle est une précieuse et sainte réalité, et ils vous répondront : " Oui, l’Eternel est en Sion, son Roi est toujours au milieu d’elle. "
Pour moi, je n’oublierai jamais, je me souviendrai toute ma vie de ces réunions de Brighton, en Angleterre, où, il y a quelques années, plus de huit mille chrétiens " de toute tribu, langue, peuple et nation ", venus des quatre bouts du monde, se rencontraient pour adorer, pour prier, pour chanter les louanges du Seigneur, pour méditer sa Parole.
Ou de ces non moins belles réunions de douze à quatorze mille personnes, présidées par MM. Moody et Sankey à Londres, où l’on sentait si bien la présence de Jésus, qu’on eût dit que l’Esprit de Dieu planait sur cette mer de têtes, comme autrefois sur la face de l’abîme, et où des âmes en grand nombre, quelquefois plusieurs centaines par jour, " déclaraient être passées de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière, de la puissance de Satan à Dieu. "
Qui eût osé, parmi nous, mettre en doute la présence du Seigneur ?
Nous en étions tous pénétrés, si bien que nous eussions dit volontiers comme Pierre, sur le Thabor : " Nous sommes bien ici ; plantons-y nos tentes ! "
N’est-ce pas aussi le témoignage que nous ont rendu nos frères des Eglises du Tarn, au Synode de Sainte-Foy, sur l’œuvre merveilleuse de Dieu dans leurs montagnes ?
Là aussi l’Esprit de Dieu est à l’œuvre.
Là aussi, les âmes se réveillent, pleurent sur leurs péchés et se convertissent.
Et ce que ces frères ont vu chez eux, ne l’a-t-on pas vu également à Clairac ?
N’a-t-on pas commencé à le voir à Sainte-Foy ?
Ne l’avez-vous pas vu aussi chez vous, frères de Moncoutant ?
On le verra partout où il y a des chrétiens qui prient, qui prient avec foi, avec persévérance, avec la résolution ferme de recevoir ce que Dieu leur a mis à cœur de demander.
" L’Eternel est donc toujours en Sion ; son Roi est donc toujours au milieu d’elle. "
Ce n’est pas sa présence qui nous fait défaut.
C’est nous qui lui faisons défaut, et cela de plusieurs manières.
II
Nous faisons défaut à la présence du Seigneur en n’y croyant pas, ou en agissant comme si nous n’y croyions pas.
C’est ce que nous faisons, nous chrétiens, quand nous lui demandons de nous envoyer le Saint-Esprit.
Que nous lui demandions de nous l’envoyer dans une plus abondante mesure, c'est-à-dire de nous faire sentir plus puissamment son influence, rien de mieux.
Il est écrit : " Soyez remplis du Saint-Esprit. "
Or, on peut l’avoir reçu sans en être rempli, et l’on comprend dès lors que des chrétiens eux-mêmes qui gémissent sur leur manque de spiritualité, sur leur peu de zèle et de ferveur dans le service de Dieu, le demandent dans ce sens-là.
Mais est-ce toujours ainsi que nous le demandons ?
N’y a-t-il pas bien souvent dans nos demandes une méconnaissance ou tout au moins un oubli de cette vérité qui prêterait tant de force à nos prières et à notre vie chrétienne en général, à savoir que " l’Eternel est en Sion, que son Roi est toujours au milieu d’elle ? "
Car, s’il y est, pourquoi prier comme s’il n’y était pas ?
" Nous n’avons pas, dit saint Paul, à monter aux cieux pour en faire descendre Jésus-Christ, ni à descendre dans l’abîme pour le ramener d’entre les morts.
" Il est avec nous, il est en nous, par son Esprit.
" Eprouvez-vous vous-mêmes pour voir si vous êtes dans la foi ; ne reconnaissez-vous point vous-même que Jésus-Christ est en vous ? A moins que vous ne soyez réprouvés. " (2 Corinthiens 13 : 5).
Et encore :
" Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? " (1 Corinthiens 6 : 13).
Voilà quel est le lot des chrétiens, quels sont leurs privilèges.
Le don du Saint-Esprit, c’est le trait caractéristique de la nouvelle alliance.
Nous n’avons pas à nous en glorifier puisque c’est par grâce, par pure grâce que nous sommes ce que nous sommes, et qu’il n’est rien de ce que nous avons, que nous ne l’ayons reçu.
Mais enfin, nous l’avons reçu, et ce que nous avons reçu est à nous, nous le possédons.
A quoi bon dès lors le demander de nouveau ?
Ce n’est pas de l’humilité, c’est plutôt un retour en arrière, un manque de foi.
Prions donc pour que le Saint-Esprit soit donné aux mondains et aux incrédules, aux inconvertis.
Pour qu’il les convainque de péché, de justice, de jugement et les amène ainsi à Jésus-Christ pour être sauvés.
Prions pour que nous chrétiens, qui l’avons déjà reçu, nous " en soyons remplis ".
Qu’il agisse en nous et par nous avec puissance, qu’il déploie sa force dans notre faiblesse, qu’il nous fasse devenir de plus en plus des " imitateurs de Dieu comme ses chers enfants. "
Oui, dans ce sens-là, demandons, réclamons avec insistance sur nous et sur l’Eglise l’effusion, une effusion abondante et toujours nouvelle du Saint-Esprit, pour que la présence de Jésus-Christ se fasse sentir au milieu d’elle.
Mais n’oublions jamais quand nous prions, quand nous parlons, quand nous travaillons à l’œuvre de Dieu, quelle qu’elle soit, que Dieu est avec nous, qu’il est en nous, qu’il y est par son Esprit, promis à son Eglise, pour être avec elle jusqu’à la fin des siècles.
Là est pour nous la condition de toute paix, de toute joie et de toute force.
Nous méconnaissons encore la présence de Dieu au milieu de nous, toutes les fois que nous nous laissons aller au découragement comme individus et comme Eglises.
Il y a des chrétiens qui pensent trop avantageusement d’eux-mêmes, qui, comme l’ange de l’Eglise de Laodicée, diraient volontiers :
" Je suis riche et il ne me manque rien ! " ne s’apercevant pas qu’ils " sont pauvres, aveugles, misérables et nus. "
On pourrait en dire autant de bien des Eglises.
Il en est d’autres, au contraire, qui sont toujours gémissants ;
" Ils sont si pauvres, si chétifs, leur Eglise est si petite ; les membres qui la composent sont si peu de choses ; ses ennemis au contraire sont si puissants, si nombreux ! "
" Que peuvent-ils eux, dans leur faiblesse ?
" Et qu’ont-ils autre chose à faire qu’à s’y résigner ? "
Sommes-nous, oui ou non, des Eglises de Jésus-Christ ?
Nos principes sont-ils ou ne sont-ils pas ceux de sa Parole ?
Si oui, que nous faut-il de plus, et que nous fait tout le reste ?
" Nous sommes peu nombreux ! Nous sommes pauvres ! Il n’y a pas beaucoup de riches ni beaucoup de nobles parmi nous, comme à Corinthe ! Nous sommes sans crédit et sans influence dans le monde ! "
Cela peut être vrai.
Mais est-ce là ce que nous regardons ?
Si nous regardons à cela, il n’y a rien d’étonnant que Dieu ne nous bénisse pas.
Il nous est toujours fait selon notre foi.
Nous voudrions être riches, influents, nombreux, alors nous regarderions sans crainte l’avenir, nous serions satisfaits, tranquilles, confiants.
O gens de petite foi !
Avons-nous donc oublié que Dieu se plait à déployer sa force dans la faiblesse, sa puissance dans l’infirmité ?
Que c’est " par les choses faibles qu’il veut confondre les fortes ; par les choses fortes qu’il veut confondre les sages ; par celles qui ne sont point qu’il veut confondre celles qui sont ? "
Mes frères, j’ai bien lu dans l’Ecriture que Dieu dit à Gédéon :
" Les gens qui sont avec toi sont en trop grand nombre pour que je livre Madian entre tes mains. "
Mais je n’ai jamais lu qu’il lui ait dit, ni à personne : " Ceux qui sont avec toi sont trop faibles, trop peu nombreux pour que tu remportes la victoire. "
Et Dieu ? ….
Le comptons-nous pour rien ? ……
Ah ! Si Dieu n’était pas avec nous, nous aurions raison de nous résigner à l’impuissance.
Comme individus et comme Eglises, nous poursuivrions une entreprise insensée.
Comme individus, comment lutter contre le mal ?
Comment nous défaire du vieil homme ?
Comment revêtir l’homme nouveau ?
Comment réaliser, je ne dis pas le bien selon le monde (ce qui est relativement facile), mais le bien selon Dieu, la sainteté ?
Et comme Eglises, que serions-nous ?
Que ferions-nous ?
Que pourrions-nous faire ?
Ah ! Certes je comprendrais alors ceux qui nous raillent de notre faiblesse, qui nous accusent de présomption, parce que nous avons la prétention d’être les héritiers légitimes des glorieuses traditions protestantes et les obscurs pionniers de l’Eglise de l’avenir.
Mais, si Dieu est avec nous, que nous importe le nombre, la richesse, la puissance et ce à quoi les hommes regardent ?
Quand Dieu nous donne tout cela, ne le méprisons pas, sachons-nous en servir pour le glorifier.
Mais, s’il nous le refuse, n’en soyons point affligés ni découragés, comme si, cela nous manquant, tout nous manquait.
Ce qui doit nous affliger, ce n’est ni notre pauvreté, ni notre faiblesse, ni notre petit nombre, c’est notre peu de foi, c’est notre incrédulité.
" La véritable victoire, dit saint Jean, celle qui met sous nos pieds le monde entier, c’est notre foi. "
" L’Eternel n’est-il pas en Sion ? Son Roi n’est-il pas au milieu d’elle ? "
" Homme de petite foi, pourquoi as-tu douté ? "
III
Mais l’incrédulité n’est pas la seule cause de nos défaillances, de notre effacement.
Il en est d’autres auxquelles il est fait allusion dans notre texte et qu’il vaut la peine de signaler.
Aux plaintes du peuple captif qui, voyant se prolonger son exil, se croyait abandonné de Dieu, l’Eternel répond par la bouche du prophète : " Pourquoi m’ont-ils irrité par leurs images taillées et par les vanités de l’étranger ? "
Ainsi la cause de ses malheurs, c’est qu’il avait abandonné son Dieu pour servir de fausses divinités.
Et nous chrétiens, la cause de notre impuissance, la raison pour laquelle nous ne sommes pas bénis comme nous voudrions l’être, ce sont nos infidélités.
Nos infidélités !
Hélas ! La liste en serait longue si nous voulions les passer toutes en revue.
Bornons-nous à en rappeler quelques-unes.
La première, c’est notre égoïsme, oui, notre égoïsme, cette disposition qui fait que chacun vit pour soi, au lieu de vivre pour le Seigneur et pour les autres.
Saint Paul s’en plaignait avec tristesse, lorsqu’il écrivait aux Philippiens, à l’occasion de son cher disciple Timothée :
" Je n’ai personne d’un pareil courage, et qui soit vraiment soigneux de ce qui vous concerne, parce que tous cherchent leur intérêt particulier et non les intérêts de Jésus-Christ " (Philippiens 2 : 20 et 21).
" Tous cherchent leur intérêt particulier et non les intérêts de Jésus-Christ. "
N’est-ce pas ce qu’on peut dire aussi de nous ?
Avant tout, c’est la gloire de Dieu, le salut des âmes, la prospérité de nos Eglises, de nos écoles, de nos œuvres d’évangélisation que nous devrions avoir en vue, dont nous devrions-nous préoccuper.
Tel était l’esprit qui animait le grand apôtre : " Je ne fais cas de rien ; ma vie même ne m’est point précieuse, pourvu qu’avec joie j’achève ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur. "
Tel était aussi l’esprit du Maître.
Un jour ses disciples le pressaient de manger :
" J’ai à manger d’une nourriture que vous ne connaissez pas " leur dit-il ; et comme ils s’étonnaient et se demandaient l’un à l’autre : " Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? "
" Ma nourriture, répondit-il, est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’achever son œuvre " (Jean 4 : 32 à 34).
Cet esprit-là est-il le nôtre ?
Sommes-nous avant tout soucieux de faire l’œuvre de Dieu ?
Nos intérêts, le soin de nos affaires, les préoccupations de notre famille passent-ils en seconde ligne, et plaçons-nous sur la première, après le soin de notre propre âme, la gloire de Dieu et le salut de nos semblables ? ….
Ah ! Si le zèle de la maison de Dieu nous dévorait, nous verrions ce que nous ne voyons pas, soyez en sûrs.
Le monde serait forcé de compter avec nous.
Il ne pourrait s’empêcher de reconnaître que l’Evangile est une puissance.
Par-dessus tout, Dieu nous bénirait, et, Dieu nous bénissant, nous n’aurions pas à nous demander avec tristesse si " l’Eternel est en Sion, si son Roi est toujours au milieu d’elle."
Une autre cause de notre faiblesse comme chrétiens et comme Eglises, c’est notre mondanité.
Le sel a perdu sa saveur.
La lumière se confond presque avec les ténèbres.
A peu de chose près, nous ressemblons au reste des hommes.
Ce sont les mêmes passions, les mêmes faiblesses, la même recherche de nos aises, le même amour de l’argent, le même attachement aux biens de ce monde, le même désir de paraître, d’être compté pour quelqu’un ou pour quelque chose.
A part certaines vérités que nous admettons et que les mondains n’admettent pas ; certaines pratiques, certaines habitudes religieuses, un certain langage que nous avons et qu’ils n’ont pas, la différence entre eux et nous est si petite qu’on a peine à s’en apercevoir.
Ce n’est pas avec un tel christianisme que nous pourrons convertir le monde.
Il nous faut plus et mieux que cela.
Ce qu’il nous faut, c’est la vie même de Dieu, cette vie qu’on ne trouve que dans une communion intime, incessante avec Jésus-Christ, par le Saint-Esprit.
Faisons revivre Jésus-Christ au milieu des hommes ; qu’en nous voyant, en nous entendant, on sente qu’il est en nous et nous en lui, et ce qu’il a fait au premier siècle de l’Eglise, ce qu’il a fait au temps de notre bienheureuse Réformation, ce qu’il a fait aux jours du Réveil d’où sont sorties nos Eglises, il le fera encore aujourd’hui.
Une dernière cause enfin que nous tenons à vous signaler pour laquelle les chrétiens ne font pas l’œuvre à laquelle Dieu les appelle, c’est leurs divisions.
Je sais qu’il y a des divisions inévitables.
Ainsi, que la division existe entre ceux qui sont chrétiens et ceux qui ne le sont pas, entre ceux qui professent la vérité telle qu’elle est en Jésus-Christ et ceux qui la nient, cela est normal, cela doit être.
Aussi ne songeons-nous pas à nous en plaindre.
Mais il en est d’autres, (et c’est de celles-là que je parle), je veux dire celles qui existent entre chrétiens.
Oh ! Pourquoi ne sommes-nous pas unis ?
Pourquoi ces mesquines rivalités ?
Pourquoi ces luttes intestines qui dévorent les forces vives du protestantisme évangélique, et nous font ressembler aux Grecs du Bas-Empire, alors que l’ennemi est à nos portes, qu’il nous presse, qu’il nous enveloppe de toutes parts, et que toutes nos forces réunies ne seraient pas de trop pour arrêter sa marche envahissante et lui résister ?
Voilà, mes frères, quelques-unes des réponses qu’on pourrait faire à cette plainte de l’Eglise contemporaine :
" L’Eternel n’est-il pas en Sion ? Son Roi n’est-il pas au milieu d’elle ? "
Oui, il y est et il est fidèle.
Mais c’est nous qui ne le sommes pas, nous qui, par notre égoïsme, par notre mondanité, par nos divisions et par bien d’autres misères encore empêchons le Seigneur de manifester sa présence au milieu de nous et arrêtons sa bénédiction.
O mes frères, pensons-y, et puisque Dieu daigne nous avertir aujourd’hui par sa Parole, profitons de ces avertissements.
Reconnaissons nos misères.
Humilions-nous-en, mais que ce soit pour nous relever.
Que notre repentance soit la vraie ; non celle qui consiste à gémir, à nous lamenter, tout en restant ce que nous sommes, mais celle qui nous pousse à de viriles résolutions, à regarder à Dieu, et à mettre courageusement la main à l’œuvre pour mieux faire à l’avenir que par le passé.
La délivrance et le succès de nos efforts sont à ce prix.
Et vous, membres de cette Assemblée que l’occasion, la solennité de cette fête ont attirés aujourd’hui dans cette enceinte, mais qui n’êtes pas chrétiens, dans le vrai sens du mot, qui n’avez pas fait encore votre paix avec Dieu, qu’attendez-vous ?
Le temple que nous inaugurons aujourd’hui ne durera pas toujours.
Mais votre âme, votre âme immortelle et pécheresse, ne finira jamais.
Quand ce temple ne sera plus, qu’il n’en restera que quelques pierres éparses, que l’œil du voyageur en cherchera la trace sans la trouver, vous et moi nous existerons encore.
Où serons-nous alors ? …
A la droite ou à la gauche de Dieu ?
Ecoutez : " Celui qui croit au Fils, dit l’Ecriture, à la vie éternelle. Mais celui qui ne croit point au Fils ne verra point la vie, et la colère de Dieu demeure sur lui. "
Etes-vous de ceux qui croient ou de ceux qui ne croient pas ?
De ceux qui croient, c'est-à-dire de ceux qui, convaincus de leur misère et de leur indignité devant Dieu, de l’incapacité absolue où ils sont de pouvoir se sauver eux-mêmes, se sont attachés à Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, comme au " seul nom donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés ? "
" Etes-vous de ceux-là ? Ou bien êtes-vous de ceux qui, parce qu’ils sont honnêtes, qu’ils n’ont eu rien à démêler avec la justice humaine, s’imaginent pouvoir subsister devant le tribunal de Dieu ?
Dans le premier cas, vous êtes sauvés, pleinement sauvés, pour toujours sauvés, vous avez la vie éternelle.
Dans le second, vous êtes perdus, la colère de Dieu demeure sur vous.
Ce n’est pas moi qui le dis ; c’est la Bible, c’est ce livre qui doit nous juger !!!
O mes frères, mes amis, (permettez-moi de vous appeler ainsi en ce moment, car je me sens pour vous une compassion profonde), ô mes amis, si vous n’avez pas cru en Jésus-Christ, hâtez-vous d’y croire.
Si vous n’êtes pas chrétiens - j’entends chrétiens par le cœur, nés de nouveau, enfantés à la vie de Dieu par le Saint-Esprit - hâtez-vous de le devenir.
Fuyez, fuyez, vous dis-je, la colère à venir, - car il y a une colère à venir comme il y a une grâce, il y a un ciel comme il y a un enfer, - et saisissez la vie éternelle.
Faites-le aujourd’hui même, de peur que plus tard il ne soit trop tard, et que vous ne soyez réduits à dire un jour sur votre lit de mort et bientôt après dans les ténèbres du dehors " où il y a des pleurs et des grincements de dents " : " La moisson est passée, l’été est fini, et nous n’avons pas été délivrés ! "
Que Dieu vous épargne un si grand malheur ! Amen !