La Bible, sa nature et son usage par les catholiques

Qu'est-ce que la Bible?

" Jamais prophétie ne fut apportée par une volonté d’homme ; mais c’est poussés par l’Esprit saint que parlèrent les saints hommes de Dieu " (2 Pierre, chapitre 1, verset 21).

La Bible est, comme l’indique son nom, le livre par excellence, le meilleur de tous les livres.

Elle a été écrite, selon ses propres déclarations, par des hommes animés de l’Esprit de Dieu et dirigés par cet Esprit ; c’est ce que nous exprimons lorsque nous disons que l’Ecriture est inspirée.

Par la Bible, nous connaissons les pensées, les sentiments, la volonté et les œuvres de Dieu.

Elle nous révèle sa nature, ses perfections et ses desseins à l’égard de l’humanité.

Elle est donc un livre à part, absolument unique au monde.

Voulez-vous quelques preuves de sa divinité ?

Examinez, sous le regard de Dieu, les considérations suivantes :

Ce qui, tout d’abord, saute aux yeux du lecteur de la Bible, c’est l’unité de son enseignement qui domine l’extrême diversité de ses parties.

Il a fallu près de deux mille ans pour écrire ce livre.

Les hommes qui y ont travaillé se trouvaient dans les positions les plus diverses : les uns étaient des rois, comme David et Salomon ; d’autres, des pâtres, comme Amos, ou de pauvres pêcheurs, comme Pierre et Jean.

Les circonstances ne diffèrent pas moins que les hommes : telle portion a été écrite au temps de la prospérité matérielle et spirituelle du peuple de Dieu, telle autre au temps de la plus complète décadence.

La nature même des écrits varie, pour ainsi dire, à l’infini : les livres de Moïse sont ceux d’un législateur et d’un historien ; ceux de David sont d’un poète ; ceux de Salomon, d’un sage, d’un philosophe ; ceux d’Esaïe et de Daniel, de prophètes.

Le style de l’un ne ressemble pas au style de l’autre ; la personnalité de chaque écrivain ressort bien nette, bien caractérisée, de son œuvre.

Eh bien ! Malgré tout cela, la Bible est d’accord avec elle-même, elle est une depuis la première page jusqu’à la dernière ; c’est toujours le même Dieu, toujours la même humanité, toujours le même plan pour arriver à la réalisation du même but.

Il y a un développement, comme dans un organisme vivant, mais il n’y a pas de changement, d’opposition.

Ce fait paraitra réellement miraculeux à tous ceux qui réfléchissent.

Quel contraste avec les ouvrages qui ne sont qu’humains !

Qu’on essaye de rapprocher les uns des autres les écrits composés sur des sujets de même nature par des hommes absolument différents de caractère et de position, vivant à cinq cents ou mille ans de distance, et abandonnés aux seules ressources de leur intelligence ou de leur génie, et l’on verra ressortir rayonnante l’unité de la Bible.

Nous pouvons aller plus loin encore :

Qu’on compare entre les ouvrages d’un même auteur conçus à diverses époques de sa carrière ; on n’aura pas de peine à reconnaître qu’il est, en somme, moins facile de les faire concorder, dans l’ensemble et dans les détails, que de trouver l’accord des divers livres de la Parole de Dieu.

La richesse infinie de la Sainte Ecriture est aussi une preuve de sa divinité.

Il y a des siècles et des siècles qu’on puise à pleines mains dans ce trésor, et il est encore plein de choses nouvelles et toujours aussi excellentes, que les lecteurs sérieux découvrent à chaque instant.

Nous finissons par mettre de côté les ouvrages les plus substantiels des auteurs les plus profonds, estimant que nous en avons épuisé le suc, au moins pour un temps.

Avec la Bible, jamais nous n’avons cette impression.

Les mines d’or les plus abondantes s’épuisent ; mais à elle, plus on lui demande, plus elle donne.

Et, chose digne de remarque ! Elle donne à l’ouvrier ou au paysan sans lettres aussi libéralement qu’à l’homme cultivé.

Le simple, l’ignorant y trouvent la pâture de leur âme ; ils développent et enrichissent leur intelligence à son contact.

Elle leur communique, même sur les choses de cette terre, un jugement sain et sûr, un robuste bon sens capable de résister aux sophismes les plus séduisants.

Le savant, le penseur, y rencontrent les problèmes les plus importants et les plus palpitants ; ils y trouvent de quoi exercer leurs nobles facultés, et aussi, ce qui n’est pas à dédaigner, de quoi les guider et les amener à des résultats aussi satisfaisants qu’il est possible de les obtenir ici-bas.

L’Ecriture est comme un de ces grands lacs de l’intérieur de l’Afrique dans lequel le plus petit insecte se désaltère et où l’hippopotame géant prend ses ébats.

Ils y sont aussi à l’aise l’un que l’autre.

Plusieurs Pères de l’Eglise ont été frappés de la manière admirable dont les prophéties de l’Ancienne Alliance ont reçu leur accomplissement.

Tel est le cas, par exemple, pour Justin Martyr, qui, par l’étude des prophètes, fut amené à abandonner la doctrine de Platon pour embrasser et défendre avec ardeur celle de Jésus-Christ.

Beaucoup d’autres chrétiens éminents, plus modernes, ont trouvé un très grand intérêt et un puissant affermissement pour leur foi dans cette étude.

On est assurément émerveillé de constater l’exécution littérale des menaces prononcées, soit contre le peuple d’Israël, soit contre les peuples voisins, ses ennemis ; mais ce qui saisit encore davantage, c’est la réalisation jusqu’à un iota, dans la personne du Christ, des choses qui ont été prédites ou préfigurées à son sujet dans l’Ancien Testament.

Il existe un autre accomplissement non moins remarquable, de l’Ecriture qui rentre dans le domaine de notre expérience personnelle : tout homme qui se convertit à Dieu voit se réaliser, pour ainsi dire à chaque moment et dans chaque circonstance de sa vie, tout ce que la Bible enseigne, annonce ou promet.

Sans cesse il est appelé à toucher du doigt la véracité et la fidélité du Livre qu’il a adopté pour son guide.

Voilà une preuve que ne devraient pas dédaigner ceux qui en appellent avant tout à l’observation, aux faits dûment établis.

On a tout lieu d’être étonné de ce qui suit : l’Ancien Testament parle du peuple d’Israël d’une manière qui n’est rien moins que flatteuse pour lui ; il le représente comme une nation de " col roide ", difficile à conduire, ingrate, sans cesse portée à l’idolâtrie et à l’impureté ; il raconte en détail les nombreuses infidélités de ce peuple, les fréquents et terribles châtiments dont il fut frappé (1), les avertissements, les appels et les menaces des prophètes.

Et pourtant les Juifs ont veillé sur ce livre avec un soin jaloux ; ils l’ont entouré et l’entourent encore d’une vénération poussée jusqu’à la superstition ; ils l’ont copié avec les précautions les plus minutieuses et l’ont gardé comme le plus précieux des joyaux !

Ce que la Bible fait pour les Juifs, elle le fait aussi pour l’homme en général : ce n’est certes pas en le flattant qu’elle cherche à l’attirer.

Elle le condamne dans ses sentiments et dans sa vie ; elle le dépouille de toute justice propre et le dépeint comme " pauvre, misérable, aveugle et nu. "

Cette Bible qui parle si mal de nous, nous l’admirons tous, et un nombre immense de personnes l’aiment, la lisent avec respect et sont pleines de zèle pour la répandre autour d’elles.

Ne sont-ce pas là des preuves palpables qu’elle s’impose comme un livre divin ?

Ceci nous amène à parler de la manière dont l’Ecriture Sainte nous présente ses héros.

Quelle différence avec les biographies ordinaires !

Celles-ci s’attachent habituellement à nous montrer un seul côté de la vie, le côté lumineux, idéal.

La Bible nous décrit des hommes réels et complets, avec leur piété et leur obéissance sans doute, mais aussi avec leurs plus grandes misères.

En lisant ces récits si simples, pris sur le vif, nous nous écrions : " Ceux-ci étaient bien réellement os de nos os et chair de notre chair ! "

Cette pensée nous donne du courage, tandis que la lecture de la plupart des biographies nous épouvante et nous abat.

La Bible n’hésite pas à raconter le mensonge d’Abraham en Egypte, la tromperie de Jacob pour obtenir la bénédiction de son vieux père, le meurtre et l’adultère de David.

Pour nous, c’est une des plus puissantes garanties de sa divinité.

" Ce n’est pas ainsi qu’on invente ", dirons-nous avec Rousseau.

Voici encore une remarque qui n’a pas moins de valeur que les précédentes ; aucun écrit n’a suscité autant d’opposition que la Bible ; aucun n’a été aussi violemment haï, et, on peut bien le dire, persécuté.

Tous ceux dont il a condamné les erreurs ou les systèmes lui ont fait la guerre.

Chose merveilleuse ! il a échappé à toutes les hostilités : il est sorti victorieux des fureurs dix fois renouvelées des empereurs romains ; les épaisses ténèbres du moyen âge ne l’ont point étouffé ; les bûchers dressés contre les Huguenots, ces " hommes du Livre " , ne l’ont point consumé ; les anathèmes fulminés contre les sociétés bibliques par Pie VII, Grégoire XVI et Pie IX, ont été aussi impuissants que ridicules.

Aujourd’hui, aucun livre n’est aussi répandu et lu que la Bible, Nouveau et vrai Phénix, elle renait de ses cendres.

Impossible de terminer cette série de réflexions sans parler d’un fait maintes fois constaté et signalé, savoir l’influence vraiment étonnante exercée par l’Ecriture Sainte sur les peuples, les familles et les individus qui l’ont adoptée comme inspiratrice de l’éducation.

Les nations protestantes, filles de la Bible, sont au tout premier rang, soit par leur puissance, soit par leurs richesses et leur prospérité, soit surtout par leur sagesse pratique et leur moralité.

Et nous pouvons ajouter que si elles étaient plus attentives et plus dociles aux enseignements du Volume sacré, elles seraient bien supérieures encore à ce qu’elles sont à tous égards.

Quant aux familles et aux individus, la probité et l’austérité huguenotes sont bien connues.

Certains, les sceptiques et les viveurs, nous en font un crime.

A leurs yeux, notre morale manque de souplesse.

Je le crois bien, puisqu’elle est basée sur la conversion et la régénération radicales et complètes.

Aussi trouve-t-on le catholicisme beaucoup plus accommodant, malgré la rigidité apparente de certaines pratiques.

Puissions-nous continuer à encourir les colères ou les sarcasmes des enfants du siècle à cause de notre fidélité aux paroles des prophètes et des apôtres !

Après ce que nous venons de dire, il est inutile d’insister sur le devoir qui existe pour tout homme de lire la Bible, de la méditer avec soin, d’en faire son livre de chevet, sa pâture et ses délices.

On oppose pourtant à cette lecture des objections plus ou moins spécieuses.

Répondons rapidement aux principales :

La Bible est obscure, nous dit-on ; les gens du commun peuple, et, en général, les laïques, ne sauraient la comprendre.

Seule l’Eglise peut en donner le vrai sens par l’organe de son clergé.

Oui, nous le reconnaissons sans peine, la Bible contient bien des passages d’une interprétation difficile.

Devant certaines pages, nous devons nous arrêter et dire : " Nous ne comprenons pas. "

Elles sont et demeureront peut-être longtemps encore " la croix des exégètes et des commentateurs ", à plus forte raison des simples fidèles.

Mais, assurément, si Dieu nous a donné sa Parole, c’est pour que nous la lisions.

Il ne l’a pas remise à une classe d’hommes plutôt qu’à une autre, à une caste sacerdotale chargée de l’expliquer ; elle s’adresse à tous sans aucune distinction.

D’ailleurs, si elle présente des difficultés dans quelques parties, c’est sur des points très secondaires.

Les choses les plus importantes y sont exprimées de la manière la plus simple, si bien que les enfants même les comprennent et se les approprient.

N’oublions pas du reste, " qu’à celui qui a, il est donné encore davantage (Matthieu, chapitre 13, verset 12).

Plus nous apportons de foi et d’amour à la lecture des saints écrits, plus nous y trouvons de lumière ; et plus notre piété va s’approfondissant, plus ils deviennent faciles.

Dieu se charge aussi d’éclairer pour nous tel passage, soit directement et tout à coup par son Saint-Esprit, soit par les expériences et les épreuves de la vie.

Le chrétien fait des progrès constants dans l’intelligence des Ecritures en même temps qu’il en réalise dans la sanctification.

Ces deux progrès sont liés de la manière la plus étroite.

Une vie sainte influe puissamment sur la connaissance intime des vérités révélées ; et celles-ci à leur tour, agissent sur la vie pour la sanctifier.

" Le secret de l’Eternel est pour ceux qui le craignent " (Psaume, chapitre 25, verser 14).

" Sanctifie-les par ta vérité ; ta Parole est la vérité " (Jean, chapitre 17, verset 17).

Autre objection : "Chacun, disent un grand nombre de personnes, trouve dans la Bible ce qu’il veut, ce qui favorise ses idées, ses doctrines.

Toutes les sectes, y compris l’Eglise romaine, ont la prétention de s’autoriser de la Bible.

Il n’y a guère d’absurdités religieuses qui n’y aient cherché et trouvé un point d’appui. "

Ici encore, l’objection a du vrai ; mais nous ne croyons pas que parce qu’on a abusé de la Bible, nous devions la laisser de côté.

Elle n’est nullement responsable du mauvais usage qu’on en a fait ; elle n’en reste pas moins la Parole de Dieu.

La source de ces abus est indiquée dans les mots mêmes de l’objection ; on trouve dans la Bible ce qu’on veut, c'est-à-dire, en d’autres termes, qu’on y met ce qu’on veut y trouver.

On s’en approche avec des préjugés, des idées et des doctrines préconçues, des systèmes tout faits, et on violente les textes pour les attirer à soi.

Gardons-nous de procéder de la sorte !

C’est avec humilité et docilité, c’est dépouillé de nous-mêmes et prêts à tout recevoir de Dieu que nous devons nous approcher de ce sanctuaire où il rend ses oracles.

" Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ", telles doivent être notre attitude et notre prière.

Une troisième objection est celles des gens qui prétendent que la Bible contient des passages douteux, ou même dangereux, au point de vue de la morale.

Elle renferme, en effet, des récits dont les cœurs charnels peuvent faire un mauvais usage.

Mais remarquons d’abord que ceci ne lui est pas particulier : en tout temps et partout, les choses, même les plus pures, les plus saintes, ont été tournées en dissolution par les âmes souillées et corrompues.

S’il est vrai de dire que tout est pur à ceux qui sont purs, on peut aussi affirmer que pour les impurs tout devient impur.

La Bible raconte les choses telles qu’elles sont, dans les voiler.

Elle ignore le langage poli et raffiné que nous a légué le siècle de Louis XIV, et qui sert si bien la dépravation en la revêtant d’habits somptueux.

L’Ecriture, en nous présentant le mal dans sa nudité, dans sa crudité même, nous en inspire l’horreur et le dégoût.

Presque toujours, elle nous en montre le châtiment.

Aujourd’hui, ce qui choque nos mœurs hypocrites, ce sont les mots, et pas les choses.

Dans notre littérature, le mal est dépeint sous des couleurs attrayantes ; il est considéré tout au plus comme un travers, un ridicule, un manque de savoir-faire, mais jamais comme une révolte contre la volonté de Dieu.

Entre les deux manières d’écrire et de juger, nous n’hésitons pas.

Concluons : la Bible est vraiment la Parole de Dieu, nous devons la considérer comme la règle de notre foi et de notre conduite, comme notre autorité souveraine.

Adoptons et pratiquons la maxime des Réformateurs : " La Bible, toute la Bible, rien que la Bible. "

Ne reconnaissons à aucun homme ni à aucune assemblée d’hommes, conciles ou synodes, le droit d’édicter des ordonnances concernant le salut.

La Bible seule peut parler en maître sur ce sujet capital.

Et c’est bien ce qu’elle fait : elle n’est pas autre chose que l’histoire de ce que Dieu a fait pour sauver l’humanité déchue et perdue.

Depuis la première page jusqu’à la dernière, elle nous révèle, en même temps que notre corruption et notre impuissance à en sortir, Jésus-Christ comme une personne vivante, comme le Fils éternel du Père, devenu l’Agneau de Dieu qui porte et ôte le péché du monde.

Elle nous le présente sous ces divers aspects comme Celui qui répond pleinement à tous les besoins de notre être.

Quiconque y cherchera autre chose que Jésus, et en lui la paix et la vie, ne sera pas satisfait.

La Sainte Ecriture n’est pas un livre de science ; elle ne traite pas plus d’astronomie que d’histoire naturelle, pas plus de géologie que de mathématiques.

Elle n’est pas davantage un système philosophique ; elle ne fait pas école, et elle ne se rattache à aucune école.

Elle a mieux à faire.

Du commencement à la fin, elle reste admirablement fidèle à son programme : tout ce qui n’intéresse pas, à un degré quelconque, le salut de l’homme, est omis.

Rien pour la simple curiosité !

Lisez donc le saint Livre comme la lettre de grâce que Dieu a fait écrire pour vous, et vous y trouverez la guérison, la consolation et la force de votre âme.

Opinion et pratique de quelques catholiques modernes au sujet de la Bible

Nous pourrions citer Pascal, Racine, Bossuet, Fénelon, les solitaires de Port-Royal et beaucoup d’autres de nos grands penseurs et écrivains du XVIIème siècle.

Les limites de cette brochure ne comportent pas de témoignages aussi nombreux et aussi étendus.

Bornons-nous à quelques personnes, prêtres ou laïques, plus rapprochées de nous à la fois par l’époque où elles ont vécu et par la nature de leurs préoccupations, en ajoutant toutefois cette remarque que le catholicisme dans son ensemble a longtemps réprouvé et entravé la diffusion des Ecritures parmi le peuple.

Ceux que nous allons appeler en témoignage sont une élite intellectuelle et spirituelle qui constitue une exception.

Depuis quelques années un mouvement en faveur de la lecture de la Bible par tous s’est nettement dessiné dans cette grande fraction du christianisme.

Nous le suivons avec intérêt et sympathie ; mais nous ne serions pas étonnés qu’il fût promptement réprimé.

Qui vivra verra !

A tout seigneur, tout honneur : le pape Pie VI (oui, un pape ! nous ne nous chargeons pas de mettre ses successeurs nommés plus haut d’accord avec lui), qui vivait à la fin du siècle dernier, écrit à un traducteur des Livres saints qui lui avait adressé son travail :

" Dans un temps où un grand nombre de mauvais livres qui attaquent la religion catholique de la manière la plus grossière circulent, même dans la classe ignorante, et peuvent entraîner un grand nombre d’âmes dans la perdition, vous avez de justes et hautes raisons de croire que les fidèles devraient être encouragés à la lecture des Saintes Ecritures.

" Car elles contiennent les sources les plus abondantes, qui devraient être ouvertes à tous, pour y puiser ce qu’il y a de plus pur dans la morale et dans la doctrine, et pour extirper les erreurs répandues partout dans ces temps de corruption " (Lettre à Antoine Martin, de Turin, avril 1778).

Un des plus grands orateurs de ce siècle, le père Lacordaire, aimait la Parole de Dieu d’un amour passionné.

Voici ce que dit sur ce point son biographe, le père Chocarne : " Après notre Seigneur présent au tabernacle, c’était notre Seigneur caché sous la Parole divine qu’il aimait à étudier…

" C’était avec la Somme de Saint Thomas, le seul livre qui fût toujours sur sa table. Il en baisait les pages avec respect, lisait quelques versets et s’arrêtait à chaque pensée qui le frappait, plus désireux de méditer et d’approfondir que d’aller aux recherches savantes et à l’érudition.

" Il recommandait vivement cette lecture.

" Il disait à la fin de sa vie à ses enfants (élèves) de Sorèze : " Voilà trente ans que je lis ce livre, et j’y découvre chaque jour de nouvelles clartés, de nouvelles profondeurs. "

Dans ses " Lettres à un jeune homme sur la vie chrétienne, " le célèbre dominicain s’exprime ainsi :

" Quel mot, la Parole de Dieu ! Il n’y a rien de plus doux que la parole de l’homme quand elle sort d’une intelligence droite et d’un cœur qui nous aime ; elle nous pénètre, elle nous touche, elle nous charme, elle endort nos douleurs et exalte nos joies, elle est le baume et l’encens de notre vie.

" Que doit-ce être de la Parole de Dieu pour qui sait la reconnaître et l’entendre ?

" Que doit-ce être de pouvoir se dire : Dieu a inspiré cette pensée ; c’est lui qui me parle en elle, c’est à moi qu’elle est dite, c’est moi qui l’écoute ?

" Et lorsqu’on est venu, de page en page, à la parole même de Jésus-Christ, à cette parole qui n’a pas été une simple aspiration intérieure et prophétique, mais le souffle sensible de la Divinité, l’expression palpable du Verbe de Dieu, entendue des foules aussi bien que des disciples, que reste-il qu’à se taire aux pieds du Maître et à laisser retentir dans notre âme l’écho de sa bouche ? "

…. " Le matin est le réveil du monde, qu’il soit aussi le vôtre.

" Consacrez en l’aube virginale à la méditation de cette aube plus splendide encore et plus pure, qui est la Parole de Dieu.

" L’une est la lumière de vos yeux, l’autre est celle de votre cœur ; que toutes les deux se lèvent en même temps sur vous pour éclairer votre vie ! "

Le sympathique abbé Perreyve, dans son livre : " La journée des malades ", et au chapitre qui traite des lectures que doit faire un malade, met au premier rang des ouvrages de piété " le livre des livres, l’Evangile ".

Il poursuit : " Vous serait-il arrivé, par hasard, d’avoir atteint ce moment de votre vie sans avoir lu l’Evangile ?

" J’entends une lecture suivie, complète, comme celle que vous accordez à la moindre fantaisie littéraire.

" Cet étrange accident vous serait-il arrivé ? Je vous plaindrais, mais sans étonnement ni scandale ; car l’habitude d’entrevoir l’Evangile par ce que l’Eglise en récite le dimanche à la messe, fait croire à beaucoup de chrétiens que cette lecture suffit, et les maintient dans l’illusion de connaître ce divin livre.

" Cependant ils en connaissent peu de chose, et arrivent à la vieillesse frappés de cette infirmité désolante qui est de n’avoir point lu l’Evangile. "…

" C’est le propre des ouvrages de Dieu, qu’ils semblent spécialement faits pour chacun de nous en même temps que pour tout l’univers. "

" Rien de plus facile, de plus varié, de plus reposant, de plus doux, aussi bien que de plus grand et de plus fort, que ce divin livre.

" Tout y marche dans un calme, dans un naturel, dans une sérénité, qui pénètrent l’âme et la sanctifient.

" Tout y est simple et y est divin. Jésus-Christ n’y est point défiguré comme tant de fois par la main des hommes ; ce que vous voyez de lui dans l’Evangile, c’est lui-même qui vous le montre, et c’est de sa bouche adorée que tombe cette parole qui, depuis dix-neuf siècles, sèche les larmes et relève les ruines. "

Voici une autre figure, celle d’un moine à la fois savant, penseur et écrivain, le père Gratry.

" Pour moi, dit-il dans son Commentaire sur saint Matthieu, il y a quarante ans que la parole de mon Maître adoré fait l’étude quotidienne de ma vie… étude ardente et continue, non de la forme et de l’histoire grammaticale, mais de l’esprit et du sens intrinsèque, de la divine Parole.

" Toutes les personnes qui lisent des livres sérieux connaissent " Les Sources " de l’éminent oratorien, une riche mine à exploiter.

" Comme moyen de développement, il y recommande la lecture de la Bible dans les termes suivants : " Il y a un livre qu’on appelle, entre tous les autres, le livre proprement dit, la Bible. Lisez ce livre… "

" Du reste, comment comprendre qu’un homme, quel qu’il soit, croyant ou autre, ne médite pas, avant toute autre chose, les paroles du Christ ?

" Comment comprendre que l’Evangile ne soit pas toujours, pour tout homme de cœur et tout homme qui pense, le premier des livres ? "

" Vous donc, qui voulez être disciples de Dieu, et qui avez en vous le sens divin, vous lirez chaque jour l’Evangile.

" Et quand vous en aurez quelque usage, et que vous y lirez ceci : " Si vous pratiquez ma parole, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres ".

" Quand vous aurez, en effet, entrevu l’insondable lumière du texte et pressenti les forces libératrices que sa pratique vous donnerait, vous verrez bien qu’après la pratique même de l’Evangile et la prière, la méditation des paroles du Christ doit être la grande source philosophique, l’aliment principale du développement du Verbe en nous. " …

" Quelquefois, une lecture suivie de l’un des quatre Evangiles est d’un grand fruit…

" Dans tous les cas, efforcez-vous de vous appliquer à vous-même tout ce que vous lisez.

" Priez Dieu ardemment de vous faire entrer dans le fond du sens. Efforcez-vous, et ceci est très important, de trouver dans les discours du Christ, qui d’ordinaire semblent passer brusquement d’un objet à un autre, l’unité puissante et vivante qui les caractérise. "…

" Plus vous aurez de cœur, d’esprit, de science, de bonne volonté, de courage, de pénétration, d’expérience, surtout d’amour des hommes, plus vous verrez le texte évangélique s’ouvrir pour vous. "

L’exhortation d’une femme aussi pieuse que distinguée, la princesse O. Altieri, a sa place ici.

Dans son curieux et vraiment édifiant " Mois de Marie ", elle s’exprime ainsi sur le sujet qui nous occupe :

" Vis-à-vis de la Parole de Dieu, nous devons conserver toute notre vie une attitude respectueuse.

" En présence de cette parole sacrée, nous devons rester enfants jusqu’à notre dernier soupir et ne jamais nous lasser de l’interroger.

" Nous devons avoir l’esprit et le regard constamment occupés de ces pages sacrées. " …

" Marie, fut la femme bénie entre toutes les femmes, heureuse entre toutes, parce qu’elle écouta la Parole de Dieu et la conserva fidèlement dans son cœur.

" Elle est le modèle que nous devons imiter. Comme elle, nous devons nous rattacher de toute l’ardeur de notre volonté au Maître bien-aimé que nous servons.

" Nous devons faire de sa Parole la nourriture de nos âmes et la règle de notre vie.

" Nous devons déraciner sans pitié de nos cœurs et de nos esprits toute pensée et toute affection qui ne seraient pas conformes aux préceptes qu’il nous a donnés. "

Qui eût jamais supposé que l’historien de Lourdes, M. Henri Lasserre, serait favorable à la lecture des Livres Saints ?

Personne, assurément.

Et pourtant, on lui doit une traduction des quatre Evangiles précédée d’une remarquable préface, qui n’a pas été étrangère à la mise à l’Index de son travail, et que nous recommandons chaudement à ceux qui liront ces lignes.

Nous devons, à notre grand regret, nous borner à quelques extraits :

" Ainsi, dit M. Lasserre, par une série de causes multiples, la coutume de lire les saints Evangiles diminua de siècle en siècle et finit par disparaître presque entièrement du foyer catholique. "

" Serons-nous téméraires de le penser et de le dire ?

" Ce que, depuis lors, le zèle le plus ardent et le plus infatigable s’empressa d’apporter aux âmes et aux intelligences chrétiennes ne compensa point ce qu’elles avaient perdu.

" Serons-nous téméraires de le penser et de le dire, d’accord avec les Pères et d’accord avec l’Eglise ?

" La parole des hommes était fondamentalement impuissante à suppléer la parole divine ; et, quelque remplis qu’ils fussent de bonnes et saintes intentions, toutes ces myriades de volumes ne valaient point cet unique Livre : l’Evangile.

Poursuivons :

" Les délayages aqueux et édulcorés qui, sous forme d’ouvrages de piété, remplacèrent, pour un si grand nombre, la nourriture évangélique, si pure, si substantielle, si forte, si vivifiante, ne pouvaient avoir pour effet que d’étioler à la longue la vigueur du tempérament chrétien. "…

" Entourés de publications hostiles, de journaux ennemis, de contradicteurs toujours en éveil, nous sommes à chaque instant, que nous le voulions ou non, mis en demeure de fournir les raisons de notre croyance, et de soutenir contre maints et maints assaillants, l’Evangile attaqué.

" Comment le ferons-nous ? ...

" Et si, interrogés et harcelés par nos adversaires au sujet de ce Livre, de ce Livre deux fois sacré pour nous, puisqu’il contient l’histoire de notre Dieu et qu’il fut inspiré de l’Esprit Saint, nous sommes contraints de leur répondre en rougissant que nous ne l’avons point lu, ne serons-nous pas justement l’objet de leur risée et de leur mépris ?

" A quelle explication avoir recours, en vérité, pour nous justifier, à leurs yeux, d’une contradiction si flagrante entre notre vénération qui va jusqu’au culte, et notre indifférence qui va jusqu’à ne pas même avoir pris connaissance de ces pages, que nous considérons comme venant du ciel ? "

" L’ignorance générale des Evangiles a fait seule en France, il y a quelque vingt ans, le succès du roman scandaleux qui parut sous ce titre : " La Vie de Jésus. "

" Chez un peuple quelque peu familier avec les récits de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc, et de saint Jean, un pareil ouvrage n’aurait pas effleuré le sentiment public et il n’eût pas été besoin de le réfuter : chacun en eût vu, sans le secours de personne, les falsifications flagrantes, les sophismes grossiers, l’inanité absolue. "

Pour ceux qu’effrayerait l’index mis sur les judicieuses réflexions de M. Lasserre, voici des idées extraites d’une préface de l’abbé Garnier, si connu par son intérêt pour les questions sociales et en particulier pour le repos du dimanche ; d’une préface, disons-nous, à une traduction populaire des Evangiles par le père de Carrières :

" Les chrétiens ont toujours, jusqu’au XVIème siècle, fait leurs délices de la lecture de l’Evangile… C’est l’Evangile qui a converti le monde et créé la civilisation…

" L’abandon de l’Evangile est la grande cause de tous nos maux. C’est lui qui avait fait la France chrétienne, lui seul est capable de la refaire.

" Lui seul peut nous rendre l’unité de vues et de direction qui nous manque.

" La régénération sociale surtout ne peut se faire que par la semence de l’Evangile, comme une moisson ravagée ne peut renaître que si l’on en sème la graine. "

" Il faut lire et faire lire le livre sacré. Donc il faut une édition populaire… "

" Nous ne conseillons pas d’apprendre l’Evangile par cœur, mais de le lire et relire sans cesse, surtout de le lire lentement et de le méditer.

" Qu’on le lise avec foi, c’est la Parole de Dieu ; avec espérance, c’est le grand moyen du salut ; avec charité, c’est là qu’une âme puise l’amour de Dieu et du prochain, l’amour vrai, pratique, semblable à celui de Jésus. "

" Qu’on en lise un chapitre tous les soirs en famille, après la prière du soir faite en commun… donnons-le aux enfants du catéchisme et de l’école. Formons des comités pour répandre l’Evangile, c’est la plus sainte des propagandes et aussi la plus efficace. "

Cette dernière pensée nous amène à dire que depuis de nombreuses années il existe parmi les protestants une quantité de sociétés qui, au prix des plus grands sacrifices, font imprimer la Bible sans notes ni commentaires, pour montrer qu’ils ne craignent rien de la lecture consciencieuse de ce livre sur lequel ils appuient leur foi, et la font répandre par une véritable armée, toute pacifique, de colporteurs.

La lumière divine a pénétré ainsi en des centaines de lieux et dans des milliers de cœur.

Le Correspondant, qui est la plus grande revue du catholicisme français, publiait dans son numéro du 25 janvier 1893, un article de Mgr. D’Huist intitulé " La Question biblique. "

Il a produit sensation dans le monde protestant aussi bien que parmi les catholiques lettrés.

Nous ne saurions mieux terminer cette série de citations qu’en empruntant quelques pensées au Conférencier de Carême, devenu député.

" Je suis convaincu, pour ma part, que l’abandon de la lecture de la Bible depuis cent ans a été un grand malheur pour la société chrétienne, une cause de faiblesse pour les âmes, une des fautes qui expliquent l’extinction progressive de la foi. "…

" Dans l’antiquité, l’église a remis les saints Livres aux mains des fidèles.

" On aurait bien étonné saint Jérôme si on lui avait dit qu’en recommandant à Laeta, dans un certain ordre successif et moyennant certaines précautions, la lecture de la Bible tout entière, il la détournait de la docilité due à l’église.

" Les Pères du quatrième siècle, les Augustin, les Ambroise, les Basile, les Chrysostome, ne connaissaient guère d’autre mode de prédication que le commentaire suivi des Ecritures...

" On en lisait de fort longs extraits dans l’office public, auquel assistaient les fidèles ; ceux-ci en possédaient des exemplaires et les lisaient en famille.

" Où trouver dans cet ensemble de pratiques la moindre trace de défiance, le moindre indice de cette indifférence que les fidèles de nos jours témoignent pour une lecture réputée inutile, inaccessible ou dangereuse ? "…

" On dirait vraiment qu’il y a deux christianismes, l’un à l’usage des prêtres, l’autre à l’usage des fidèles.

" Encore, si les chrétiens instruits avaient conservé l’usage, autrefois assez fréquent, de lire chaque jour au moins les Matines du bréviaire…. Mais il n’en est rien.

" On se contente aujourd’hui du paroissien, qui contient, par morceaux détachés et sans suite, la cinquantième partie, peut-être, du Nouveau Testament et quelques pages à peine de l’Ancien.

" Il en résulte qu’on ne connaît bien ni les Evangiles, ni les Actes des apôtres, ni les Epîtres, ni l’Apocalypse, et qu’on ignore entièrement les livres de l’ancienne loi.

" S’autoriser des prescriptions de l’Eglise pour légitimer cette ignorance, c’est se conduire comme ferait un malade à qui le médecin aurait conseillé un choix d’aliments, et qui, pour mieux obéir, se laisserait mourir de faim. "…

" Il y a encore, grâce à Dieu, des familles chrétiennes…

" Là, il y aurait beaucoup à faire auprès des enfants.

" Lire en famille les parties historiques de l’Ancien Testament, en omettant tout ce qui ne convient pas au jeune âge, donner ainsi aux esprits qui s’éveillent le goût et le respect des Ecritures, plus tard mettre successivement dans la main de l’adolescent le Nouveau Testament tout entier, puis les Psaumes, les livres Sapientiaux, les Prophètes.

" Réserver pour l’âge adulte quelques morceaux mis à part dans la Genèse et le Lévitique, et enfin le Cantique des Cantiques.

" Voilà ce qu’un père chrétien peut faire pour ses fils, une mère chrétienne pour ses filles, sous la direction et avec les conseils d’un prêtre éclairé.

" J’affirme qu’une éducation ainsi conduite, sans rien ôter aux loisirs que réclame la formation littéraire et scientifique, donnera à l’âme qui l’aura reçue une trempe surnaturelle qu’on ne connaît plus parmi nous et dont l’absence explique la facilité des apostasies, la difficulté du retour à la croyance. "

" Alors on verra des chrétiens forts et tendres parce qu’ils seront nourris de la vigueur et de la douceur de l’Esprit de Dieu… "

" Tel est l’usage intérieur des Ecritures.

" La piété y trouve son aliment.

" Les paroles inspirées reviennent d’elles-mêmes aux lèvres du chrétien qui prie.

" Quand elles se présentent à sa mémoire, son esprit s’illumine, son cœur s’échauffe, les pensées de foi qu’il s’efforçait d’évoquer dans la méditation prennent tout à coup une portée plus haute, une puissance nouvelle, une fécondité inattendue.

" Assiste-t-il à la prédication ?

" Les sources où l’orateur sacré a puisé ses enseignements lui sont familières : il pénètre aisément dans le fond des mystères qu’on lui expose…

" Tout se transforme, tout s’élève dans cette âme sous l’action de l’Esprit qui a inspiré les Ecritures.

" Nous souhaitons en terminant que beaucoup de protestants et de catholiques suivent les traces et les conseils des personnes si pieuses et si respectables à l’opinion et à l’expérience desquelles nous en avons appelé !

E. D. THOUVENOT

(1) " Il a toujours été d’habitude en Orient de ne commémorer que les gloires de la monarchie et d’ignorer ses défaites et ses revers.

Les récits des Juifs sont la seule exception à cette règle "

Rawlinson. Illustrations historiques de l’Ancien Testament.

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