Gustave Isely a été commissaire de l'Armée du Salut en France pendant quelques années avant la dernière guerre mondiale.

Il est venu dans notre pays après le long et fécond ministère d'Albin Peyron, le célèbre fondateur des magnifiques œuvres sociales de l'Armée du Salut en France.

Après le décès de son épouse Blanche Peyron, le commissaire Peyron prit sa retraite et se remaria. Gustave Isely fut appelé à assumer une succession difficile.

Aux côtés de Madame Isely, une femme très douce, le commissaire Isely a été un vrai chef pour l'Armée du Salut en France.

Il a été surtout un remarquable évangéliste et un modèle de piété et d'authenticité spirituelle.

A la manière d'un homme de la Bible (Apollos) il était " puissant dans les Ecritures " (Actes 18 : 24).

Son message était biblique, juste, fidèle. Il avait le don de tenir un auditoire captivé.

Ennemi du décorum ou de la routine facile, quand il arrêtait un instant son message pour enlever ses lunettes et regarder son public, c’était un silence et un recueillement impressionnants.

Cependant il ne cherchait ni les applaudissements, ni l’approbation des gens, mais leur acquiescement. Il joignait à une diction impeccable, une grande culture et une puissance de conviction que j’appellerais la puissance spirituelle.

Oserais-je avouer que cet homme de Dieu m'a fasciné quand j'avais 25 ans.

Je traversais tout Paris pour aller l'entendre, ne fût-ce qu'un court moment, quand je savais qu’il devait parler dans une de ces salles populaires du vieux Paris que l’Armée du Salut possédait alors.

J'ai entendu de nombreuses prédications au cours d'une carrière bien longue, mais aucune ne m'a autant influencé que celles de Gustave Isely.

Divers hommes de Dieu m'ont dit la même chose.

Isely nous a laissé des livres sur l'histoire des cantiques et une réflexion sur les sobriquets infligés aux chrétiens, ainsi qu'un petit opuscule sur les Evangiles.

Tous ces livres sont aujourd'hui épuisés.

Les cantiques qu'il a composés sont de véritables chefs d’œuvre.

La plupart ne se trouvent que dans les recueils édités par l'Armée du Salut (et souvent anonymement).

Les rimes sont riches.

La prose toujours juste, originale, biblique.

Les mélodies tirées en général de la belle hymnologie anglaise, sont bien adaptées aux paroles.

Les cantiques contrastent avantageusement avec beaucoup de chants modernes, sans valeur poétique en usage dans les milieux évangéliques. On se demande pourquoi si peu de gens les connaissent.

Docteur BERNARD.

Leurs oeuvres les suivent

Ce livret sur la vie de Gustave Isely a été écrit pour rendre témoignage de cet homme, qui fut un chrétien zélé pour notre Dieu, un écrivain, et surtout un poète dont nous chantons encore les beaux cantiques.

En 1938, Gustave Isely donne au peuple de Dieu une étude remarquable et fouillée sur le cantique des temps apostoliques jusqu'au Réveil de Genève du 19ème siècle : " Les temps où la foi chantait ".

Son second livre : " Ainsi sont nés nos cantiques ", est pour la chrétienté plus riche et plus intéressant, par le fait qu'il commence au 19ème siècle et s'étend jusqu'au milieu de notre 20ème siècle.

Quelques-uns de ces cantiques sont encore chantés de nos jours, par des personnes qui au travers d’eux ont reçu tant de bienfaits de la part de Dieu.

Gustave Isely ne parle pas de ses cantiques dans ce livre. Mais, pour continuer cette œuvre nous voulons mieux faire connaître au peuple de Dieu ce chrétien poète et ses cantiques et leur rendre hommage.

Conversion d'ISELY

Dans une petite brochure intitulée" Reminiscences", Gustave Isely nous donne des détails sur sa conversion.

Agé de 15 ans, alors qu’il était collégien, il avait un bon copain qui s’appelait Joseph.

Joseph avait l'art de mettre Gustave et les autres jeunes en gaieté, lors du trajet en chemin de fer qui les amenait au collège le matin et les ramenait le soir.

Joseph était le fils d'un pasteur.

Un lundi matin, notre ami Joseph avait un air étrange, et tous s’apprêtaient à se divertir, mais voilà que Joseph se lève, avec gêne, mais résolu, et il leur dit : " Je me suis converti hier au banc des pénitents[1] de l'Armée du Salut et je crois être devenu chrétien ".

Tout le monde se mit à rire jusqu'au prochain arrêt du train, et tous décampèrent dans un autre wagon ; Isely dit : " Laissons Joseph à ses dévotions ! " et il ajouta encore : " Tu n'as pas honte, alors que ton père est pasteur ! "

(Il faut dire qu'à ses débuts, comme toute œuvre ou Eglise, l'Armée du Salut était très mal vue).

Un jour, Gustave était en retard ; il saute dans la dernière voiture et confus, voit Joseph tout seul, qui lui dit : " Pourquoi m'évitez-vous, et surtout toi Isely ; je ne t'aurais pas cru capable de me faire la guerre, car ta mère est croyante, et tu devrais pouvoir me comprendre ".

Après un moment de silence, Joseph reprit la conversation et dit : " La vie n'est pas facile quand on prend le chemin de Christ, parfois j'ai peur de lâcher pied et tout ému il ajouta : un type comme toi, tu pourrais m'aider ".

Joseph raconta ensuite sa conversion à Gustave. Un dimanche soir, prétextant un mal de tête, il s'était retiré dans sa chambre, puis avait enjambé la fenêtre et était allé rejoindre des jeunes dans la salle de bal.

Le père se doutant de son départ arriva à la salle de bal.

Il s'avança, d'un geste arrêta la musique, et dans le silence, gêné, il éleva la voix et dit : " Je vous prie, moi votre pasteur, de cesser de danser le dimanche, et je viens chercher mon fils, qui s'égare comme l'enfant prodigue. Joseph, viens rentrons ".

Joseph, humilié, obéit aussitôt et sortit sous les regards moqueurs de la jeunesse.

Le choc fut terrible pour Joseph, mais grâce à la pieuse sollicitude de ses parents, Joseph se mit à désirer lui-même le changement de son cœur, et le dimanche, il vint s'agenouiller au banc des pénitents avec la prière fervente de son père.

Le récit de Joseph fit une forte impression sur Gustave.

Joseph invita Gustave pendant le repas de midi dans sa chambre, afin de poursuivre son récit ; Gustave était très gêné, et en même temps songeur, sur cette expérience très simple mais indispensable pour chaque homme, qu’il soit jeune ou d’âge mûr.

Il craignait la question de Joseph : " Et pour toi qu'en est-il ? " Mais la redoutable et pourtant bienfaisante question n'est pas à l'ordre du jour.

Avant de se séparer, Joseph ajouta : " J'aimerais prier avec toi, Gustave ".

Il se mit à genoux ; Gustave n'osait bouger, mais il avait envie de fuir, il avait la gorge serrée, et à l'amen final, il se sauva comme si la maison était en feu, se disant en lui-même : " J'ai eu chaud ".

La scène de Joseph à genoux, les mains jointes, les yeux fermés, avait touché le cœur de Gustave, et rentré à la maison, hanté par cette image, il chercha, il réfléchit, mais il n'osa parler de cette conversion avec sa mère.

Quelques jours plus tard, il décida de voir son pasteur et de lui poser des questions sur la conversion.

Après bien des hésitations, il déclare à son pasteur : " J'aimerais être chrétien ".

Les réponses du pasteur ne le satisfont pas :

- Mais tes parents t’ont fait baptiser ...

- Oui sans doute, Monsieur, mais je ne suis pas converti.

- Qui parle d'être converti ?

- Ma mère m'assure que je devrais l'être, et vous le savez bien, elle l'est et j’en suis sûr.

- Mon garçon, ta mère est une très bonne paroissienne. Ecoute moi, fais tout ton devoir envers elle, et tu prouveras ainsi que tu es chrétien.

Gustave n'est pas convaincu et il interroge le pasteur sur la conversion de sa monitrice ; mais ce brave pasteur lui répond sur un ton badin d'aller de temps en temps se distraire avec la musique ou d’aller au bal.

Finalement, Gustave lui avoue que Joseph s'est converti à l'Armée du Salut, et qu'il voudrait lui aussi être changé par Dieu.

Ce fut la tempête ; car l'Armée du Salut n'était pas bien considérée par l'Eglise officielle et le mot " conversion " n'était guère utilisé dans cette Eglise.

Gustave est très déçu, il en parle à sa mère et ensemble ils prient à genoux ; sa mère supplie Dieu de venir au secours de son fils et de lui faire connaître la lumière.

Un pas décisif

Un dimanche après-midi, Gustave entend de la musique dans son village, mais il ne s’agit pas d’une musique profane.

L'Armée du Salut de Saint-Aubin donne un concert. Après quelques troubles, le concert peut reprendre, il reconnaît tout de suite son ami Joseph, il n'avait pas d’uniforme, mais il avait mis un jersey rouge ; Joseph voulut témoigner, mais il y eut beaucoup de rires et même des huées, la foule se moquait en disant : " Voyez le fils du pasteur ! ".

A leur départ vers la gare, les salutistes formèrent un cortège, et Gustave est fier de marcher à côté de son ami Joseph, même en passant devant le presbytère de son pasteur, où celui-ci les regardait passer.

Gustave invita Joseph chez lui, afin que sa mère puisse savoir exactement ce qu'était l'Armée du Salut.

Au moment de partir, Joseph demande à la mère de Gustave, si celui-ci pouvait assister à la réunion salutiste le soir à Saint-Aubin.

Lors de la réunion, Gustave est frappé par la strophe d'un cantique : " Son sang peut laver tout péché ", trois pas le séparent du banc des pénitents, il franchit résolument cette distance pour se donner à Dieu.

Une dame aux cheveux blancs s'agenouille à côté de lui, c'est Anna de Wattenwyl, officière de l'Armée du Salut, et avec une manière bien à elle, elle invite Gustave à croire du cœur et à confesser de la bouche ; sitôt dit, Gustave monte sur un banc pour rendre témoignage, mais quelqu'un le tire par son veston, estimant peut-être qu'il était trop jeune, ou trop nouveau pour parler, et c’est ainsi comme il le dira lui-même, que se termina son premier discours dans l'Armée du Salut.

Sa mère l'attendait, et Gustave lui fit cette joyeuse réponse : " Je suis sauvé Maman, je suis sauvé ".

Après avoir prié avec sa mère, le cœur joyeux, il monte dans sa chambre, et il chante en tapant des mains : " Son sang peut laver tout péché ".

Et il chante aussi le cantique inspiré du Psaume 138 : " Il faut Grand Dieu que de mon cœur, la sainte ardeur, te glorifie, qu'à Toi des mains et de la voix .... " .

L’opprobre de Christ

Gustave, tout à sa joie d'être converti, poursuivit son chemin avec les salutistes, prêt à subir des épreuves pour le nom de Christ.

Un jour, lors d’une conversation avec un pasteur, ancien professeur de latin, ce dernier, après avoir écouté le récit de sa conversion, l’exhorta à tenir ferme dans la voie qu'il avait choisie, et posant ses mains sur les épaules de son ex-élève l'embrassa sur le front.

Gustave dira à ce sujet : je le regardai s'éloigner, me sentant enrichi de la bénédiction d'un prophète.

Sous l'influence du pasteur de son village et d'un oncle, sa mère lui défendit de rejoindre un dimanche après-midi l'Armée du Salut, et elle ajouta que cette interdiction était pour aujourd'hui et pour toujours.

Gustave, sachant que sa mère ne céderait pas, ne savait comment faire face à cette nouvelle situation.

Réduit à obéir, cruellement déçu, il se réfugia dans sa chambre et pensa que beaucoup allaient le considérer comme un lâche, un farceur, une girouette.

Le flot du doute, de l'amertume et du désespoir envahit le malheureux jeune homme, lui qui comptait sur l'appui humain et spirituel de sa mère.

Une seule solution : prier, même si sa foi est faible. " Je me soulageai en pleurant comme un enfant, et à la longue je m'endormis, raconta-t-il ".

Cinq coups frappés à la pendule le réveillèrent.

" D'où viens-tu lui demanda sa mère, où as-tu passé l'après-midi ? "

Dans ma chambre répondit-il tristement.

Mettons-nous à table lui dit sa mère, et si tu y tiens, tu peux aller à la réunion salutiste.

Gustave fut abasourdi, incapable de comprendre, et il partit à la réunion.

Ce n'est que 3 ans plus tard, alors qu'il était cadet de l'Ecole Militaire de l'Armée du Salut à Londres (l’équivalent de nos instituts bibliques évangéliques) qu'il découvrit dans un numéro du petit  journal : " Jeune Soldat ", un garçon agenouillé auprès d’une chaise avec pour titre : " Comment Gustave remporta la victoire".

Cette histoire était la sienne ! On racontait que sa mère ne le trouvant nulle part, ni dans la maison, ni dans le jardin, inquiète, avait cru qu’il était allé à la réunion, malgré l’interdiction ; elle s'était dit : " C'est donc vrai, les salutistes incitent à la désobéissance, et son oncle avait raison de m'avertir ".

L'idée lui vint alors d'aller voir dans sa chambre ; sans bruit elle ouvrit la porte et découvrit son fils, à genoux, dormant, la tête sur un bras, une grosse larme sur la joue.

Surprise elle s’était dit : " Cet enfant m'a obéi, et malgré son chagrin, il a eu recours au Seigneur ; si c'est parmi ces gens que Dieu le veut, puis-je m'opposer à son dessein ? "

Conclusion

Et c'est ainsi que Gustave Isely devint salutiste !

Quelle grande et simple leçon ! Qu'aurions nous fait à sa place ? Votre serviteur a souvent réfléchi à cela, et maintenant dans sa blanche vieillesse, il se dit en pensant à ce récit : " Soumettons-nous à Dieu et il nous bénira. "

René LAHAYE.

Voici maintenant quelques cantiques composés par Gustave Isely :

Dans mon âme un beau soleil brille

1 - Dans mon âme un beau soleil brille ;

Son rayon doux et joyeux

Répand un éclat qui scintille ;

C'est le sourire de Dieu.

Chœur. : Oh ! Quel beau soleil dans mon âme !

Il éclaire, illumine tout,

A ses rayons mon cœur s'enflamme,

Et je vais chantant partout.

2 - Mon cœur était plein de ténèbres

Quand parut un jour nouveau.

Au loin, fuyez ombres funèbres,

Devant un soleil si beau.

3 - Nuages des plaintes, du doute.

Gaîment je vous dis adieu !

Voici resplendir sur ma route

Le soleil dans un ciel bleu !

4 - O mon cœur, éclate en louanges,

Pour toi le soleil a lui ;

Je serai parmi les phalanges

Qui loueront Dieu jour et nuit !

Mon Jésus je t'aime

Mon Jésus, je t'aime,

Je te sais à moi,

Oh ! Quel charme extrême

Me retient à toi !

Les plaisirs du monde

Ne m'attirent plus,

Ton amour m'inonde,

Je t'aime, ô Jésus !

Mon Jésus, je t'aime,

Car tu m'as sauvé.

En t'offrant toi-même,

Ton sang m'a lavé !

Sur la croix bénie,

Pour moi, tu mourus.

Ta mort est ma vie,

Je t'aime, ô Jésus !

Qu'ici-bas je t'aime

Jusque dans la mort,

A l'heure suprême

Du dernier effort,

Ma voix expirante

Ne s'entendra plus,

Sachez que je chante :

" Je t'aime, ô Jésus ! "

Je verrai ta face,

Quel ravissement !

Je louerai ta grâce

Eternellement,

Et dirai sans cesse

Avec les élus

L'hymne d'allégresse :

" Je t'aime, ô Jésus ! "

Ouvrez-vous, portes du tombeau !

1 - Ouvrez-vous, portes du tombeau !

Jésus paraît. Oh ! qu'il est beau !

Il revit, ô merveille !

Le péché, l'enfer et la mort

En vain ont uni leur effort :

Mon Rédempteur s'éveille !

Chœur : Il vit ! Je sais qu’il vit !

Il vit ! Je sais qu’il vit !

Je sais que mon Rédempteur vit. Il vit !

Il vit ! Je sais qu’il vit !

Je sais que mon Rédempteur vit ! Il vit !

2 - Voyez ses mains, ses pieds percés

Et les stigmates qu'ont laissés

Le fouet, le fer, l'épine !

C'est pour moi qu'il a tant souffert !

Il m'a délivré de l'enfer,

O charité divine !

3 - Je n'ai plus rien à redouter...

De mon Sauveur puis-je douter ?

Sa promesse est formelle.

Au tombeau mon corps descendra.

Mais Christ le ressuscitera

Pour la vie éternelle !

L’étranger de Galilée

En rêve, j’allais, près du lac, m’asseoir

Où la rive était isolée,

A l’heure où descend la fraîcheur du soir

Des montagnes de Galilée.

Et là, je voyais parfois l’Etranger

Familier de la solitude

L’ami du pécheur et du péager,

Entouré de la multitude.

Chœur : Je Le suis, je L’écoute et je L’aime ;

Mais comment lui prouver mon amour ?

Seulement par le don de moi même

M’engageant à Le servir toujours.

Alors, au matin, j’ai voulu savoir

Ce que dit de Lui l’Ecriture :

C’est là qu’on L’entend, là qu’on peut Le voir

Se donnant à nous sans mesure.

Il vit et Il meurt en portant nos maux,

Il rachète une race vile.

Récits émouvants, merveilleux tableaux !

Quel Sauveur ! et quel évangile !

Je L’ai retrouvé, et toujours pareil,

Dans le fond de ma conscience

Sagesse, lumière, secours, conseil,

Il m’instruit dans sa connaissance.

Sa voix, son regard, son pouvoir, son cœur,

Tout en Lui me surprend, m’apprend, m’attire :

Qu’Il juge, et je suis tout saisi de peur ;

Qu’Il pardonne, et j’ai son sourire.

Dès lors, Il n’est plus l’Etranger lointain

Entrevu dans ma solitude,

Un rêve, un espoir, l’idéal humain,

Mais la vie et la certitude.

Jésus, Fils de Dieu qui mourus en croix,

A tes pieds que ma foi s’écrie :

Quiconque T’a vu, se repent et croit,

A déjà l’éternelle vie !

[1] - Banc placé devant l’estrade du prédicateur et réservé aux pécheurs repentants qui voulaient s’approcher pour la prière.

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