" Qui se confie au Tout-Puissant peut s’endormir paisiblement "
C’est ordinairement les circonstances les plus douloureuses qui ont produit les cantiques les plus émouvants et les plus bienfaisants, ceux qui ont été la consolation et le soutien de milliers d’autres croyants dans leurs jours d’épreuve et d’affliction.
Ainsi en est-il, par exemple, du cantique bien connu de Gerhardt :
Abandonne ta vie
(Befiehl du deine Wege)
Bien touchante aussi est l’histoire d’un cantique fort populaire en Allemagne, quoique, à notre connaissance, il n’ait pas été traduit en français.
C’était il y a deux cents ans.
Dans l’une des ruelles les plus sordides de Hambourg vivotait, solitaire, un jeune homme qui ne recevait jamais de visites, et dont les voisins ne savaient qu’une chose, c’est que plusieurs fois par jour il jouait du violon de façon si expressive qu’il attirait chaque fois devant sa porte tout un essaim d’auditeurs charmés.
Aux environs de midi, il sortait, il allait dîner dans une pauvre pension, dont les habitués n’étaient guère que des mendiants.
Il lui arrivait aussi de temps à autre de sortir vers le soir en cachant quelque objet inconnu sous sa redingote râpée, et l’on avait remarqué qu’il réglait régulièrement sa note le lendemain.
Son hôtesse, Mme Johannsen, n’avait naturellement pas manqué de s’en apercevoir.
Et comme elle était curieuse, elle le suivit un soir en tapinois, et le vit, non sans chagrin, pénétrer dans la boutique d’un gager bien connu.
Dès lors, tout lui devenait clair, et la brave femme formait aussitôt la résolution de lui venir en aide, pour peu que l’occasion s’en présentât.
Peu de jours après, elle heurtait à sa porte.
- M. Neumark, vous ne m’en voudrez pas, n’est-ce pas ? Si je prends la liberté de vous faire une petite visite.
Comme il y a deux jours qu’on ne vous a pas vu sortir et qu’on n’a point entendu de musique, je me suis dit que vous étiez peut-être malade.
N’y aurait-il rien que je puisse faire pour vous ?
- Merci, ma bonne dame, répondit-il d’un ton de gratitude douloureuse et presque découragée, je n’en suis pas à garder le lit, je n’ai pas la fièvre, je me sens seulement assez mal.
- Vous devriez pourtant vous mettre au lit tout de même.
- Non, répliqua-t-il en rougissant de plus en plus.
- M. Neumark, fit-elle alors avec quelques efforts et en rassemblant son courage, nous n’avons pas grand-chose, mais souvent pourtant plus que le strict nécessaire, comme aujourd’hui, par exemple, et puisque vous n’êtes pas encore sorti, si vous voulez bien me permettre…
Le jeune homme devint écarlate, se leva, arpenta la chambre de long en large, et finit par dire, surmontant ses hésitations :
- Vous avez raison, je n’ai encore rien mangé aujourd’hui ; je…
Sans attendre la fin de la phrase, la bonne dame était sortie.
Au bout de quelques instants, elle reparut munie d’un repas copieux.
Lorsqu’il y eut fait honneur :
- Vous ne le prendrez pas en mauvaise part, reprit-elle, mais vous n’êtes sûrement pas d’ici ; connaissez-vous âme qui vive, dans cette ville ?
- Non, personne. Je suis étranger par ici, vous êtes la première personne qui m’ait adressé une parole amicale ; que Dieu vous le rende ! …
Je m’appelle Georges Neumark.
Mes parents étaient des bourgeois pauvres de Mulhouse. Ils sont morts tous les deux.
C’est là-bas que je suis né, il y a de cela vingt-neuf ans.
La vie nous a été dure dans cette ville. Il m’a fallu y manger un pain trempé de larmes, et souvent le gagner d’abord avec bien des larmes.
Mais je n’ai pas le droit de me plaindre et de pécher contre le Seigneur mon Dieu. Je sais qu’il finira bien par m’aider.
- Mais comment pensiez-vous gagner votre vie ici ? interrompit l’hôtesse.
- J’ai étudié le droit ; et j’ai bien peur d’avoir commis en ce faisant une grave erreur étant, de nature aussi bien que par amour pour mon Sauveur, un homme de paix sans le moindre penchant pour la chicane et les procès.
Si j’avais mieux compris la volonté de Dieu quand j’ai commencé ces études, j’aurais fait mieux.
Mais passons… Pendant dix ans j’ai eu faim et soif à l’école latine de Schleusingen, petite ville voisine de mon lieu de naissance, où j’ai appris que la sagesse de ce monde ne me procurerait pas une miette de pain.
Après quoi, à vingt-deux ans, j’allai étudier le droit à Königsberg.
Le cœur m’a souvent manqué tandis que je luttais dans cette grande ville, sans amis, sans appui, pour avoir mon pain quotidien.
Mais le bon Dieu eut compassion de moi, j’appris à porter courageusement ma croix, et je jouis de la santé du corps et de l’âme.
- Mais de quoi donc vivez-vous ?
- De la grâce de Dieu.
Il faut que je vous dise que je suis poète, et vous avez pu vous apercevoir que je sais me servir de mon violon, de sorte que petit à petit, je trouvai des amis et des bienfaiteurs qui m’ont aidé, encore qu’assez pauvrement.
Mais avec tout cela, je n’ai pas pu me faire une position, si bien qu’à la fin je résolus d’aller chercher dans ma ville natale ce qui m’était refusé ailleurs.
Mais comme je passais par Hambourg, il me sembla entendre une voix qui me disait : Reste ici ; Dieu prendra soin de toi.
C’est sans doute la voix de ma volonté propre, car ma situation n’a rien de brillant, vous le savez bien.
- Mais, dites-moi donc un peu quelle sorte de situation vous cherchez, reprit l’hôtesse.
- Si Dieu le voulait bien, je pourrais gagner ma vie avec ma plume dans quelque poste d’écritures.
Puis, avec un douloureux sourire, il poursuivit : Ah ! Ma bonne dame, avec toute ma misère, j’en aurais à raconter sur la merveilleuse bonté et la miséricorde de Dieu à mon égard.
Il est vrai qu’en ce moment, je n’ai plus rien du tout que ce cher vieil instrument, mon seul ami au monde.
Et il faut justement que j’aille encore aujourd’hui à certain endroit… Voici l’heure, excusez-moi, je vous prie.
Nathan, le gager juif, demeurait dans une des misérables ruelles tortueuses qui mènent au port.
A une heure assez tardive, ce soir-là, un jeune homme aux habits râpés se glissa dans la poussiéreuse boutique.
- Bonsoir, M. Neumark, fit le juif. Qu’est-ce qui vous amène si tard ? Ne pouviez-vous pas attendre demain ?
- Non, Nathan, si j’avais attendu à demain, je ne sais pas si je serais jamais venu… Combien me donnerez-vous pour ce violon ?
Nathan le prit, le tourna et le retourna, et finit par dire en le reposant dans sa boite :
- Combien je vous donnerais pour ça, un peu de bois et quelques cordes ? J’ai vu des violons ornés d’argent et de perles ; mais celui-ci n’est rien qu’en bois.
- Ecoutez dit M. Neumark, il m’a fallu peiner cinq ans, souffrant la faim et la misère, pour gagner les cinq couronnes que m’a coûtées cet instrument.
Prêtez-m’en seulement deux, et je vous en rendrai trois pour le dégager.
Le Juif joignit les mains au-dessus de la tête :
- Deux couronnes ! Il dit deux couronnes ! Et qu’est-ce que j’en ferai si vous ne le dégagez pas ?
- Nathan, reprit le jeune homme d’une voix sourde mais ferme, vous ne savez pas combien je tiens à ce violon de toute mon âme ; c’est tout ce que je possède au monde, c’est mon unique ami ici-bas. Je ne connais personne d’autre que vous.
Donnez-m’en au moins une couronne et demie.
- Une couronne et demie ! Ne vous ai-je pas dit que pas un homme d’affaires ne peut donner une couronne et demie pour un morceau de bois qui vaut un groschen.
- Vous n’avez point de cœur !
En disant ces mots, le jeune homme reprit son bien-aimé violon et s’élança hors de l’échoppe.
- Attendez, attendez, jeune homme ! S’écria le Juif. Les affaires sont les affaires. Je vous en donnerai une couronne.
- Une couronne et demie, Nathan. J’ai une couronne à payer demain ; qu’est-ce qu’il me resterait pour vivre ? Miséricorde !
- J’avais juré de n’en pas donner une couronne et demie, mais je consens à en donner une et quart, en souvenir de notre vieille amitié.
- Il faut que je cède, bon gré mal gré. Que Dieu ait pitié de moi ! repartit Neumark.
Il couvait son violon du regard, et des larmes commençaient à couler le long de ses joues.
- Plus qu’une demande, Nathan. Vous ne savez pas ce qu’il en coûte de me séparer de ce violon.
Voilà dix années que nous sommes ensemble.
Quand je n’avais plus rien, il me restait cet instrument ; il me parlait quand j’étais plongé dans la détresse, il me chantait, il me rendait le courage et l’espoir.
Je pourrais aussi bien vous donner le sang de mon cœur que ce consolateur, cet ami précieux.
De tous les cœurs meurtris qui sont sortis de ce magasin, aucun n’a jamais été broyé comme le mien l’est ce soir…
La voix lui manqua.
Il resta un moment sans rien dire.
- Accordez-moi seulement encore cette unique faveur, Nathan, de me permettre de me servir de mon violon une dernière fois.
Et, sans attendre la réponse, il se saisit de l’instrument.
- Halte-là ! s’écria le Juif d’un ton impatient ; il y a une heure que mon magasin aurait dû être fermé, s’il n’était resté ouvert à cause de vous et de votre vieillerie. Revenez demain, ou plutôt ne revenez plus.
- Non, aujourd’hui, maintenant, repartit Neumark.
Il faut que je lui fasse mes adieux !
Et, embrassant son instrument plutôt que le tenant, il s’assit au milieu de l’échoppe sur un vieux coffre et commença à jouer quelque chose de si extraordinairement doux que, malgré lui, le Juif ne put s’empêcher d’écouter.
Encore quelques coups d’archets, puis il se mit à chanter, sur une mélodie de sa façon, deux strophes du cantique : " C’en est assez, Seigneur, prends maintenant mon âme ! "
- Assez, assez ! Interrompit le Juif. Que signifient ces lamentations ? Vous avez en poche une couronne et quart.
Mais le violoniste n’entendait rien.
Absorbé dans ses méditations, il laissait courir son archet.
Soudain, il y eut un changement dans son jeu : il fit quelques modifications, puis la mélodie reprit son cours, mais cette fois comme un fleuve émergeant des sombres ombrages et se répandant dans la plaine ensoleillée.
Les sons montaient, montaient, toujours plus puissants, et le visage de l’artiste rayonnait d’un sourire de félicité.
- Qui peut savoir ? murmura-t-il. La croix est si précieuse.
- Voilà qui est mieux ; arrêtez-vous sur cette réflexion, fit le Juif, qui écumait de rage. Et n’oubliez pas que vous avez en poche une couronne et quart.
Neumark replaça soigneusement son violon dans sa boite et sortit sans même prendre congé.
Comme il s’enfonçait dans la nuit, il vint à heurter quelqu’un qui lui parut s’être arrêté sur le seuil pour écouter la musique.
- Pardon, monsieur, puis-je vous demander si c’est vous qui venez de jouer si admirablement là-dedans ?
- Oui, répondit Neumark hâtivement et sans même s’arrêter.
Mais l’étranger le saisit par son habit.
- Pardonnez-moi, je ne suis guère qu’un pauvre homme, mais le cantique que vous venez de chanter m’a été au fond de l’âme.
Pourriez-vous me dire peut-être comment je pourrais m’en procurer une copie ?
Je ne suis qu’un employé mais je donnerais volontiers un florin pour avoir ce cantique ; il me semble avoir été composé exprès pour moi.
- Mon cher ami, fit Neumark d’un ton cordial, je m’en vais de bon cœur satisfaire votre désir, et cela ne vous coûtera pas un florin. Puis-je vous demander qui vous êtes ?
- Pour vous servir, monsieur, je m’appelle Jean Gütig, et je suis au service de l’ambassadeur suédois, le baron de Rosenkranz.
Un matin, Gütig se présenta à la maison de Mme Johannsen.
Neumark l’accueillit amicalement.
- Vous pensez peut-être que je perds la tête, mais j’ai prié à ce propos toute la nuit, j’ai quelque espoir et je me permets de vous poser une question.
Il se trouve que l’ambassadeur avait un secrétaire qui lui écrivait toutes ses lettres. Il est parti hier subitement ; et le soir monsieur m’a dit : " Et bien, voilà M. le secrétaire qui est loin, et je ne sais vraiment pas où m’en procurer un qui soit aussi habile que lui. "
Alors je ne sais comment votre nom m’est venu à l’idée.
C’est que le secrétaire demeure chez l’ambassadeur, mange à sa table, et reçoit annuellement cent couronnes d’argent comptant.
Si bien que je lui répondis : Votre grâce, je saurais bien quelqu’un.
" Toi, s’écria-t-il en riant, tu aurais un secrétaire parmi tes amis ? "
" Non, Votre grâce, lui ai-je fait, quand même je le connais, je n’aurais pas la prétention de le compter au nombre de mes amis ou de mes habitués.
Enfin, je lui ai tout raconté.
- Tout ? s’écria Neumark, sans omettre que c’est sur le seuil du gager Juif que vous avez fait ma connaissance, au moment où j’engageais mon violon ?
- Oui, tout cela, répartit Gütig ; et si j’ai eu tort, j’en suis bien fâché, mais j’avais le cœur si plein. D’ailleurs, monsieur n’en a point paru choqué. Il m’a demandé de lui montrer le cantique, pour voir votre écriture, et, après l’avoir vue, il a dit :
" L’écriture et la poésie sont également parfaites, et si le jeune musicien pouvait venir tout de suite, je pourrais examiner la chose ; peut-être conviendrait-il. "
J’étais bien un peu inquiet ; vous auriez pu vous sentir froissé ; et je pouvais à peine attendre à ce matin, partagé que j’étais entre cette crainte et le désir de vous avoir choisi pour ce poste.
L’ambassadeur aime les visites matinales, et si vous n’êtes pas fâché, et si cela vous sourit, je vous engagerais à venir immédiatement.
- Que Dieu vous rende ce que vous avez fait là pour moi !
L’ambassadeur lui fit un accueil fort aimable.
- Vous êtes poète, à ce que j’ai vu. Est-ce que vous n’écrivez que des cantiques ?
- Je n’ai jamais entendu parler d’un homme riche et favorisé du sort qui ait écrit un cantique. C’est la croix qui fait jaillir ce genre de musique.
L’ambassadeur parut surpris, mais non pas offensé.
Il reprit :
- On me dit que vous avez étudié le droit ; croyez-vous pouvoir classer des paperasses qui réclament quelques connaissances juridiques et politiques ?
- Si votre Grâce veut bien me les confier, j’essayerai volontiers.
En quittant ce soir-là le palais de l’ambassade, Neumark avait le visage rayonnant.
Et tout en arpentant les rues d’un pas rapide, il répétait, le sourire aux lèvres :
- Oui, oui, qui se confie en l’Eternel…
Son chemin le conduisit à la boutique du Juif Nathan.
- Rendez-moi mon violon, fit-il d’un ton vainqueur. Voici une couronne et quart, avec un florin en surplus. Ne faites pas l’étonné ; mais prenez note de ceci :
Qui se confie au Tout-Puissant
Peut s’endormir paisiblement.
Sur quoi Neumark s’empara triomphalement de son violon et s’élança d’un pas joyeux vers son chez lui ; il y fut bientôt sans s’être arrêté une fois en chemin.
Il s’assit alors et se mit à composer, à jouer et à chanter avec une suavité si céleste que Mme Johannsen n’y put tenir ; elle entra et l’assaillit de questions.
Tout en l’écoutant tranquillement, il continua à jouer et à chanter jusqu’à ce que la bonne dame sût à peine encore si elle était au ciel ou sur la terre.
- Ma bonne dame Johannsen, dit-il enfin, vous allez bien me faire le plaisir d’inviter tous les gens que vous pourrez trouver dans la maison ou dans la rue.
Faites-les tous entrer, et je leur chanterai un cantique que personne n’a jamais encore entendu : Je suis l’homme le plus heureux de Hambourg.
En peu de minutes, la pièce était remplie.
Neumark saisit son archet, et après un court prélude, il entonna d’une voix limpide :
Sur le roc voulons-nous construire,
Et non sur un sable mouvant ?
Pas à pas laissons-nous conduire
Humblement par le Dieu vivant.
Qui se confie au Tout-Puissant
Peut s’endormir paisiblement.
A quoi bon tant d’inquiétude ?
A quoi nous servent nos soucis ?
Que nous vaut la triste habitude
De gémir sur tous nos ennuis ?
A notre journalier fardeau
Nous ajoutons un poids nouveau.
Sachons en Dieu rester tranquilles.
Aimons sa sainte volonté ;
Acceptons-la, soumis, dociles,
Comptant sur sa gratuité.
N’est-il pas notre Créateur ?
Ne veut-il pas notre bonheur ?
Les belles heures de la vie,
Nous les devons à sa bonté.
S’il nous voit, sans hypocrisie,
Marcher avec fidélité,
Il sait surpasser tous nos vœux,
Combler de biens nos cœurs joyeux.
Sur ce mot, le chanteur se tut ; sa voix tremblait, des larmes inondaient ses joues.
Le petit auditoire restait immobile, sympathique et silencieux.
A la fin pourtant Mme Johannsen n’y tint plus :
- Bien cher monsieur, fit-elle en séchant ses larmes du bord de son tablier, car il n’y avait plus un œil sec dans la chambre, comment tout cela s’est-il fait ?
Ce matin encore vous étiez si déprimé, et maintenant votre cœur bondit d’allégresse.
Est-ce que Dieu est venu à votre secours ?
- Oui, il l’a fait, ce Dieu si bon, ce Père si tendre ! C’en est fait de ma détresse.
Pensez donc ; je suis secrétaire de l’ambassadeur suédois, ici, à Hambourg ; et j’ai cent couronnes par an, et, pour compléter mon bonheur, il m’a donné une avance de vingt-cinq couronnes, ce qui m’a permis de dégager mon violon.
Le Seigneur n’est-il pas un Dieu tout bon, le Dieu des miracles ?
Oui, oui, bonnes gens, n’en doutez jamais !
Qui se confie au Tout-Puissant
Peut s’endormir paisiblement.
- Mais ce beau cantique, cher monsieur, d’où vient-il donc, peut-on vous le demander ?
Je connais à fond tout notre recueil, ce cantique ne s’y trouve pas. Est-ce par hasard vous qui l’avez composé ?
- Moi ? eh bien, oui ; mais je ne suis que l’instrument, la harpe ; c’est Dieu qui a fait vibrer les cordes.
" Qui se confie au Tout-Puissant …. " Ces mots me pesaient sur le cœur comme un doux fardeau.
Je ne pouvais penser à autre chose, si bien qu’ils ont pris la forme d’un cantique, je ne saurais dire comment.
Je me suis mis à chanter de joie et à prier, mon âme a magnifié le Seigneur, et les paroles ont coulé une à une comme une fontaine jaillissante.
Suffit, écoutez encore un peu :
Ne te crois pas, dans ta détresse,
Abandonné du Dieu des cieux.
A d’autres tout sourit sans cesse ;
Garde-toi d’en être envieux :
Qui sait ce qui peut survenir,
Ce que réserve l’avenir ?
Pour Dieu lequel est plus facile,
Ou d’appauvrir ou d’enrichir ?
Sans son appui, le pauvre habile
A rien ne saurait parvenir.
Dieu seul peut tout, Dieu seul est grand,
Tous nous ne sommes que néant.
Plein de foi, chante, prie, adore,
Puis humblement va ton chemin,
Et le Dieu que ton cœur implore
Prendra soin de ton lendemain.
Qui se confie en l’Eternel
Connaîtra son cœur paternel.
Il était si ému en s’arrêtant de nouveau qu’il ne put que déposer son violon à sa place, tandis que le petit auditoire s’écoulait sans proférer une parole.
Deux ans plus tard, le baron de Rosenkranz procurait à son secrétaire le poste d’archiviste bibliothécaire à Weimar ; c’est là qu’il s’endormit paisiblement à l’âge de soixante ans.
Il a écrit d’innombrables vers : mais son héritage recueilli par l’Eglise est à proprement parler ce cantique qui jaillit de sa gratitude émue au moment où Dieu lui rendit son violon.