Ils vinrent jusqu’au torrent d’Escol et coupèrent là une branche d’un cep avec une grappe de raisins, et ils étaient deux à la porter avec un levier. Nombres 13 : 24

Pour encourager les Israélites à supporter les fatigues et les privations du désert, par la perspective des biens dont ils jouiraient dans la terre promise, Moïse envoya devant lui par l’ordre de l’Eternel, un homme de chaque tribu, chargés d’épier le pays, puis de venir rapporter au peuple tout ce qu’ils auraient vu.

Ces hommes donc montèrent vers le midi de Canaan et vinrent jusqu’au torrent d’Escol, aux environs d’Hébron, dont les fertiles coteaux étaient couverts de vignes.

On était alors au temps des premiers raisins, qui commencent à mûrir en juillet ; en sorte que les espions purent juger de l’excellence des fruits du pays et de la bonté de Dieu qui le leur donnait.

Ces hommes, qui sortaient d’un aride désert, ne pouvaient assez admirer la grosseur et la saveur de ces grappes, suspendues à des ceps dont le tronc atteint parfois jusqu’à cinquante centimètres d’épaisseur.

C’était à n’en pas croire leurs yeux.

Afin de convaincre cependant le peuple de la réalité du fait, ils emportèrent avec eux, à leur retour au campement, une branche si chargée de fruits qu’il fallut que deux hommes la portassent sur un levier pour qu’elle arrivât intacte.

De tout temps, les hommes ont mis en doute la grandeur et l’étendue des bienfaits de Dieu ; les Israélites eux-mêmes, qui ne vivaient cependant depuis plusieurs années que des miracles de la bonté de Dieu, n’auraient pas cru au rapport des espions s’ils n’avaient eu sous les yeux une preuve palpable de la vérité de leur témoignage.

Et de nos jours encore la grappe d’Escol a fourni plus d’une fois matière aux plaisanteries des incrédules.

Les voyageurs en Palestine s’accordent tous cependant à reconnaître la grosseur et l’excellence des raisins qui croissent dans la vallée du Sorek et dans quelques autres vignobles des environs d’Hébron et de Bethlehem.

Le voyageur Nau raconte qu’il a vu dans le voisinage d’Hébron des grains de raisin de la grosseur du pouce.

Mariti affirme de même avoir observé, dans quelques parties de la Syrie, des raisins d’une grosseur si extraordinaire qu’une seule grappe eut été une charge suffisante pour un homme.

Neitzchutz assure que dans les montagnes d’Israël il a vu et goûté des grappes qui avaient une demi aune de longueur avec des grains de la grosseur de deux travers de doigt.

" Les grappes que l’on voit en Syrie, dit aussi le voyageur Schultz pèsent jusqu’à 12 et 20 livres, et les grains ont la grosseur de nos petites prunes. Pour ne pas endommager de telles grappes, si l’on veut les porter au loin, on les met avec le sarment sur une perche comme firent les espions. "

Ajoutons que des plants de Syrie, cultivés avec soin, ont pu donner, même en Angleterre, des produits remarquables, comme le prouve la grappe de dix-neuf livres que le duc de Portland fit offrir au marquis de Rockingham et qui avait mûri dans les serres de Welbech.

Elle fut portée à sa destination, à sept lieues de distance, sur les épaules de quatre hommes qui s’en chargeaient alternativement, deux par deux.

Ce fruit admirable présentait dans sa plus grande largeur un diamètre de dix-neuf pouces et demi.

Sa circonférence était de quatre pieds et demi et sa longueur de près de vingt-trois pouces.

" Ce n’est donc qu’un fait tout naturel, ajoute le savant Léon de Laborde, s’il fallut les épaules de deux hommes pour transporter la grappe d’Escol au campement des Israélites.

" Aujourd’hui encore, si j’envoyais du désert deux Arabes chercher à Bethlehem une grappe de raisins qu’ils eussent intérêt à rapporter intacte et dans sa plus grande conservation, ils ne feraient pas autrement.

Car il est impossible de supposer qu’on puisse porter à la main, dans un trajet de soixante-cinq lieues, une charge de dix à quinze livres et de deux à trois pieds de longueur. "

Nous pouvons nous représenter l’étonnement et l’admiration des Israélites à la vue d’un si beau fruit ; mais ce qu’on n’aurait jamais imaginé, et ce qu’on aurait de la peine à croire si l’Ecriture ne l’affirmait, ce furent les sentiments avec lesquels ils accueillirent ce merveilleux témoin de la bonté de Dieu.

Avant de connaître le récit biblique, vous auriez supposé qu’ils allaient bénir le Seigneur des dons de sa Providence, qu’ils se seraient humiliés au souvenir des inquiétudes et des plaintes auxquelles ils s’étaient souvent abandonnés dans le désert, et qu’ils allaient reprendre leur marche avec un nouveau courage, heureux de servir un Dieu dont la sollicitude paternelle était si manifeste envers eux.

Il en fut tout autrement : La grappe d’Escol excita leurs convoitises sans ouvrir leurs cœurs à la reconnaissance envers le céleste Bienfaiteur.

Que dis-je, ils poussèrent des cris de désespoir et de rage, disant : Pourquoi l’Eternel nous conduit-il vers ce pays-là, pour y tomber par l’épée ?

Ils ouvrent leurs âmes à la crainte, au moment même où Dieu leur donne une preuve palpable du soin qu’il prenait d’eux.

Ils ne se disent pas : Celui qui envoie le fruit donnera aussi les moyens d’en jouir ; ayons seulement confiance dans le Seigneur et laissons-nous conduire par lui.

Ils disent : " Le fruit est bon, mais comment l’atteindre, faibles comme nous sommes ; Dieu ne l’offre à notre vue que pour nous tenter. "

Et ils parlent ouvertement de secouer le joug du Seigneur pour retourner à leur ancienne vie charnelle, qui ne les appelait point à de si durs combats.

N’est-ce pas là un frappant exemple de la manière dont le cœur de l’homme peut abuser des grâces de Dieu ?

Suivant les dispositions qui l’animent, les plus excellents bienfaits de notre Père céleste deviennent une occasion de pécher contre Lui.

Hélas ! Est-il besoin de regarder aux Juifs pour nous en convaincre ?

Voilà les vendanges qui viennent de se terminer, et quelle preuve nouvelle elles nous ont apportée cette année de la bonté de Dieu envers nous !

Sans offrir à nos regards des fruits pareils à la grappe d’Escol, Il nous a néanmoins donné beaucoup plus que nous n’avions osé penser et espérer ; avons-nous répondu à ce bienfait par notre gratitude ?

A-t-il ouvert nos cœurs à la confiance ? Nous a-t-il disposés à plus de fidélité ?

Que ceux-là se le demandent qui ont employé tout le dimanche dans leurs vignes, leurs caves et leurs pressoirs.

Ils diront sûrement que le temps pressait, qu’il ne fallait pas laisser se perdre ou se détériorer une si belle récolte.

N’est-ce pas là, chers lecteurs, le langage d’un cœur incrédule qui craint de perdre quelque chose au service du Dieu à qui il doit tout, qui craint d’autant plus de s’appauvrir qu’il reçoit davantage, et qui voit dans chaque bénédiction nouvelle un motif de plus pour abandonner le culte du Seigneur et pour mépriser son saint jour.

Ah ! Que Dieu change nos cœurs et nous rende sensibles à ses bienfaits !

Alors, pleins de gratitude, nous ne craindrons plus de perdre quelque chose pour le Seigneur ; les sacrifices de la reconnaissance, qui accompagnent son service, seront un exercice de foi profitable à nos âmes.

Ils nous disposeront à recevoir des biens plus excellents et dont la grappe d’Escol n’est qu’une faible image.

Le bon usage des bienfaits terrestres que nous recevons du Seigneur nous amènera, par un effet de sa grâce, à la pleine connaissance de Jésus-Christ, à la possession des biens de la Canaan céleste.

Et nous pourrons dire avec David : " Eternel ! Tu as mis plus de joie en mon cœur qu’ils n’en ont, lorsque leur froment et leur meilleur vin ont été abondants. "

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