La responsabilité des élites
Le 23 juin dernier, le pasteur Marc Boegner a prononcé, à l’académie des Sciences Morales et Politiques, un discours sur ce thème qui a fait grand bruit.
Nous en donnons ici un fragment particulièrement significatif.
Ma conviction est que, dans ce temps de fléchissement général des consciences, les élites ont un sens affaibli de leur responsabilité générale et de leur vocation particulière.
Ceci tient d’abord à un affaissement du sens de la responsabilité personnelle.
Le développement du " collectif ", la prédominance d’une civilisation de masse détermine une désagrégation de la vie individuelle.
La guerre, l’occupation, la Libération se soldent par la dissolution de certaines valeurs morales auxquelles s’attachait jadis le sens de la responsabilité.
Non que je méconnaisse le déploiement de courage et d’énergie, les héroïsmes connus ou secrets qu’ont manifesté, alors, des hommes et des femmes, des jeunes gens et des jeunes filles qui ont constitué une élite authentique, que rien ne peut dépouiller de sa signification permanente dans l’histoire de notre pays.
Il n’en demeure pas moins vrai que, pour des causes diverses dont l’analyse retiendrait trop longtemps votre attention, vous avons pu constater, ces dernières années, une fuite devant les responsabilités, des défaillances de caractère, des glissements de conscience qui compromettent gravement l’influence que doivent exercer les élites et leur action dans la nation.
C’est à propos de questions d’intérêt national qu’apparaissent trop souvent leurs manquements à leur vocation.
Il est de l’intérêt le plus certain de la nation que les élites donnent l’exemple de l’honnêteté fiscale.
La fraude n’est pas le fait des pauvres.
Elle est considérée avec indulgence, voire avec complaisance, dans les milieux où se recrutent les élites.
Nous n’aimons pas qu’on nous le dise.
Et nul parmi les élites, sauf de rares exceptions, n’élève la voix pour souligner le grave dommage moral que la fraude fiscale cause à la France, la réduisant en ce moment même, pour obtenir de l’argent frais, à donner une sorte de bénédiction rétroactive aux fraudeurs.
Il est non moins de l’intérêt évident de la nation que soient prises d’urgence les mesures les plus énergiques pour enrayer les progrès effrayants de l’alcoolisme.
La liberté rendue à la fabrication et à la vente de ce qu’on n’ose appeler par son nom d’avant-guerre restera comme une manifestation de lâcheté déguisée en aide efficace apportée au budget de l’Etat.
Les asiles d’aliénés se remplissent à nouveau d’alcooliques ; dans les établissements pénitentiaires comme dans les prétoires, on constate un accroissement des actes criminels par l’alcool.
L’alcool, où l’on prétend trouver de grands profits pour les finances publiques, coûte des sommes énormes à la nation.
Nous tenons, semble-t-il, à nous empoisonner à loisir.
Le plus grave est qu’avec la conscience parfaitement tranquille nous empoisonnons les peuples de l’Union française.
Allez voir ce qui se passe dans notre Afrique noire ou à Madagascar.
Les gouverneurs généraux, que j’entretenais récemment de la question, se déclarent tous désarmés parce que le Parlement ne voit pas une loi permettant le contingentement de l’importation.
Vous savez bien que cette loi ne sera pas votée, pas plus que le privilège des bouilleurs de cru ne sera supprimé, tant que l’opinion publique ne l’exigera pas.
Mais qui donc alertera cette opinion, sinon les élites françaises qui portent une si grande part de responsabilité dans la vie et dans le destin de la France ?
Or, les élites gardent le silence.
Elles témoignent d’une indifférence totale devant un mal dont les générations qui viendront après nous verront les conséquences incalculables…
- Comment garderais-je le silence moi-même en présence d’autres faits douloureux auxquels seule, je le crois, une initiative courageuse des élites pourrait mettre fin ?
Il y a dans les prisons françaises des condamnés à mort qui attendent, depuis bientôt trente ans, qu’il soit statué sur leur sort.
Je sais que leur enchainement a été récemment supprimé ou atténué.
Et peut-être, en fin de compte, trouveront-ils un bénéfice à cette longue attente ?
D’autres, depuis six ou sept ans, ne sont pas encore jugés.
Nous savons ces choses… et les rares voix qui s’élèvent se perdent dans le désert…
- Et voici un dernier exemple :
Nous sommes devant la menace d’un nouvel antisémitisme.
Lisez certaines publications ; nous y entendons les mêmes excitations à la haine qu’au temps de la France juive ou de l’affaire Dreyfus et des années qui ont précédé la dernière guerre.
Ce sera un grand malheur pour la France si une partie de la nation se laisse gagner par cette propagande.
Seule l’action énergique, courageuse des élites spirituelles, morales, intellectuelles, sociales peut le prévenir.
Sauront-elles la vouloir ?
Ne croyez pas que les Eglises ne soient pas présentes à ma pensée lorsque je condamne les passivités coupables ou les silences complices.
Leur responsabilité est d’autant plus lourde qu’elles portent en elles le dépôt sacré de la conception chrétienne de l’homme, de sa vocation divine, de la justice qui lui est due quelles que soient la couleur de sa peau, l’étiquette de son parti, sa croyance ou son incroyance…
Pasteur Marc BOEGNER – La réforme
Lettre de Martin LUTHER à Maitre Pierre, coiffeur
Ne dis pas : " Je prierai dans une heure ! "
Cher Maître Pierre, je vous donne ce que j’ai et je vous expliquerai aussi bien que possible comment je m’y prends moi-même pour prier.
Que Notre Seigneur Dieu vous donne à vous, et à tous de faire mieux.
Quand je sens que mon souci des affaires a refroidi mon zèle pour la prière, je prends mon petit psautier, m’enferme dans ma chambre ou me rends au culte quand c’en est le jour et l’heure, et commence par me réciter quelques paroles du Christ, de Paul ou du psautier.
Il est bon de commencer et de terminer la journée par la prière et d’être en garde contre la tentation fallacieuse de se dire : " Attends un peu, je prierai dans une heure, j’ai d’abord à faire ceci ou cela. "
Car ainsi on est entrainé dans les affaires, qui vous tiennent ensuite à tel point que de toute la journée on n’arrive plus à réserver un moment pour la prière.
Il est vrai que certaines œuvres valent autant et même plus que la prière : la raison en est que le croyant craint et honore Dieu dans tout ce qu’il fait.
Mais il faut aussi veiller à ce que nous ne nous déshabituions pas de la vraie prière et que nous ne nous imaginions pas à tort que certaines œuvres sont encore plus nécessaires que la prière, et qu’ainsi nous négligions la prière.
Quand tu auras réchauffé ton cœur par la récitation dont j’ai parlé, et que tu seras rentré en toi-même, agenouilles-toi et joins les mains, et tourne le regard vers le ciel et dis ou pense aussi brièvement que tu le peux (afin de ne pas avoir de distraction) :
Mais prie le Notre Père :
Père céleste, je suis un pauvre pécheur indigne d’élever mes regards vers toi ou de t’invoquer.
Mais comme tu nous as ordonné de prier et promis de nous exaucer, et qu’en plus tu nous as enseigné par ton Cher Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, en quels termes nous devons t’invoquer, je viens sur ton ordre, pour t’obéir, je te prie en communion avec tous les chrétiens de la terre.
Notre Père qui es aux cieux
Dis la prière mot à mot, tout entière.
Ensuite répète l’une des demandes, en disant ainsi :
Que Ton nom soit sanctifié
Cher Seigneur Dieu, convertis ceux qui ont besoin d’être convertis, afin qu’ils glorifient avec nous, et nous avec eux, ton nom, en professant purement la vérité et en menant une vie bonne et sainte. Amen.
Que Ton règne vienne
Hélas, Cher Seigneur, Dieu Père, tu vois que la sagesse de ce monde non seulement déshonore ton nom, mais qu’elle utilise le pouvoir, la puissance, la richesse, les honneurs que tu lui as donnés sur terre pour s’opposer à ce que tu règnes.
Ils sont grands, puissants, nombreux, gros, gras et repus.
Cher Seigneur, Dieu, Père, convertis-les et arrête-les. Amen.
Que Ta volonté se fasse sur la terre comme au ciel
Cher Seigneur, Dieu Père, tu sais que si le monde ne peut réduire à rien ton Nom et ne peut détruire ton Royaume, il médite jour et nuit des cabales, des intrigues, des manœuvres et des attaques, tient des conciliabules et est animé des plus mauvaises intentions à l’égard de ton Nom, de ta parole, de ton règne et de tes enfants, et ne songe qu’à les exterminer.
C’est pourquoi, Cher Seigneur, Dieu Père, convertis et résiste. Amen.
Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien
Cher Seigneur, Dieu Père, bénis-nous aussi en ce qui concerne notre vie ici-bas.
Donne-nous dans ta grâce la paix. Préserve-nous de la guerre.
Donne à tous les rois, les princes et les seigneurs, le désir d’assurer à leur pays et à leurs sujets la tranquillité et la justice équitable.
Dirige tout spécialement le chef de notre territoire auquel tu as confié notre protection, afin que son règne soit bienfaisant, et qu’il n’ait pas à souffrir des mauvaises langues et de l’infidélité de ses serviteurs.
Donne à tous les sujets la grâce de servir avec fidélité et d’être obéissants.
Donne à tous les états, aux bourgeois et aux paysans, d’être pieux et de se témoigner réciproquement amour et confiance.
Donne-nous un temps favorable et fais mûrir les fruits de la terre.
Je te recommande aussi ma maison, ma femme, et mes enfants ; aide-moi à bien gouverner ma famille, à assurer au mieux le pain et une éducation chrétienne. Amen.
Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés
Hélas, Cher Seigneur, Dieu Père, ne nous juge pas, car devant Toi nul homme est juste.
Ne nous impute pas comme péché d’être si peu reconnaissants pour tous les bienfaits ineffables que tu accordes à notre corps et à notre âme, et de trébucher et pécher journellement plus souvent que nous ne le savons nous-mêmes.
Ne tiens pas compte de notre péché et de notre méchanceté, mais regarde uniquement à ta miséricorde infinie que tu nous as accordée en Christ, ton cher Fils.
Pardonne aussi à tous nos ennemis et à tous ceux qui nous ont fait de la peine ou qui sont injustes à notre égard, comme nous leur pardonnons de tout notre cœur.
Car ils se font le plus grand mal à eux-mêmes en excitant ta colère par leur attitude à notre égard.
Leur destruction ne nous servirait de rien. Nous préférerions de beaucoup qu’ils parviennent au salut avec nous. Amen.
Celui qui sent qu’il a de la peine à pardonner, qu’il demande la grâce de pouvoir pardonner.
Ne nous induit pas en tentation
Hélas, Cher Seigneur, Dieu Père, maintiens en nous le désir énergique de nous en tenir à ta parole et de rester à ton service, afin que nous ne nous abandonnions pas paresseusement à une fausse sécurité comme si nous possédions tout ce qu’il nous faut pour être sauvés, mais donne-nous par ton esprit la sagesse et la force pour résister courageusement au malin et pour remporter la victoire.
Délivre-nous du mal
Hélas, Cher Seigneur, Dieu Père, cette vie est si misérable, si pleine de détresse et de malheurs, de dangers et d’insécurités, de faussetés et de méchanceté (Ephésiens, chapitre 5, verset 16) que nous aurions bien le droit d’en être fatigués et de désirer la mort.
Mais toi, Cher Père, tu connais notre faiblesse, c’est pourquoi nous te prions de nous aider à traverser d’un cœur ferme toutes ces misères, et quand notre heure sera venue, donne-nous dans ta grâce de quitter cette vallée de misère avec l’assurance de notre salut.
Fais que nous regardions la mort en face sans crainte ni défaillance et que nous recommandions nos âmes entre tes mains avec une foi ferme. Amen.
Remarquons enfin qu’il faut toujours accentuer l’AMEN et ne pas douter que Dieu t’écoute dans sa grâce et qu’il répond " oui " à ta prière.
Souviens-toi aussi que tu n’es pas seul à être à genoux ou debout devant Dieu, mais que tous les chrétiens pieux sont auprès de toi et que tu te trouves au milieu de ceux qui adressent d’un seul cœur à Dieu une prière qu’il ne rejettera pas.
Ne cesse pas avant d’avoir dit ou pensé : Cette prière est exaucée, j’en ai la certitude la plus absolue.
Voilà ce que signifie : Amen.
La prière exige le cœur tout entier.
Sache que je ne te demande pas de dire tout cela dans ta prière.
Car tu retomberais dans un pieux bavardage.
J’ai simplement voulu t’indiquer à quoi il faut penser quand on prie le Notre Père.
Ces mêmes pensées, un cœur bien disposé peut les prier autrement, plus brièvement ou plus longuement.
Mais je m’en tiens d’une manière aussi précise que possible au sens de ces paroles.
Il m’arrive souvent de m’étendre tant sur une demande que je néglige les six autres.
Quand tant de bonnes pensés nous viennent, il faut négliger les autres demandes, et laisser le champ libre à ces pensées, les écouter en silence et à aucun prix ne les entraver : car c’est le Saint-Esprit lui-même qui parle dans ce cas (la vie religieuse est un don !)
J’ai parfois plus appris en faisant une prière que je n’aurais pu le faire par des lectures et méditations abondantes.
Un bon coiffeur doit porter toute son attention sur le rasoir…
S’il se mettait à bavarder et à penser à autre chose, il risquerait de vous couper la gorge.
Toute chose qui doit être bien faite exige l’homme tout entier.
A plus forte raison, la prière exige le cœur tout entier, si la prière doit être une bonne prière.
Martin LUTHER (Extrait du Protestant de l'ouest)
Alléluia !
Vous savez qu’Alléluia signifie : Louer Dieu ; ainsi en redisant ce mot avec l’accord de la bouche et du cœur, nous nous excitons mutuellement à louer Dieu.
Dieu est le seul que l’homme loue avec sécurité, lui en qui n’est rien qui puisse déplaire à l’homme.
Sans doute, pendant le temps de notre voyage, nous disons l’Alléluia pour adoucir les fatigues de la route ; pour nous l’Alléluia est le chant du voyageur.
Mais nous nous rendons par une route pénible vers le repos de la patrie où toute autre préoccupation cessante, nous n’aurons plus qu’à redire sans fin l’Alléluia.
…. " C’est en espérance que nous sommes sauvés. "
Et voici que cette espérance nous allaite, nous nourrit, nous fortifie et nous soulage pendant cette vie pénible ; c’est dans cette espérance que nous chantons l’Alléluia.
De quelle joie elle est la source !
Que ne sera donc pas la réalité ?
Vous voulez la savoir, écoutez ce qui suit : " Ils seront énivrés de l’abondance de votre maison. "
C’est là notre espoir.
Nous avons faim et soif, nous avons besoin d’être rassasiés, mais la faim sera avec nous pendant tout le voyage ; dans la patrie seulement nous serons rassasiés.
Quand le serons-nous ?
" Je serai rassasié lorsque se manifestera votre gloire. "
Aujourd’hui est voilée la gloire de Dieu, la gloire de notre Christ, et la nôtre avec la sienne est cachée ; mais " lorsqu’apparaitra le Christ, votre vie, vous aussi vous apparaitrez avec lui dans la gloire. "
Ce sera l’Alléluia dans la réalité, maintenant ce n’est qu’en espérance.
Cette espérance le chante maintenant, l’amour le chante aussi et le chantera alors ; mais c’est aujourd’hui un amour affamé, tandis que ce sera alors l’amour comblé.
En effet, mes frères, qu’est-ce que l’Alléluia ?
Je l’ai déjà dit, c’est la louange de Dieu.
Quand aujourd’hui vous entendez ce mot, vous y trouvez plaisir et la louange naît de votre plaisir.
Ah ! Si vous aimez tant une goutte d’eau, que sera-ce de la source même ?...
Et si nous louons ce que nous croyons, comment louerons-nous quand nous verrons !
(Sermon Pascal sur le bonheur de la vie future)
Saint AUGUSTIN
FLAMMES D’AMOUR
J’ai lu quelque part l’histoire de pauvres gens qui, dans un petit village, voulaient avoir une chapelle à eux.
Une vieille femme, qui tenait à y apporter sa part comme tout le monde mais qui n’avait pas un sou vaillant à offrir, se mit en peine de déterrer de ses propres mains la pierre de l’âtre de son humble maison.
Puis elle l’apporta à ceux qui bâtissaient l’Eglise, en demandant si l’on pensait que cela pourrait servir d’autel.
J’ai lu ailleurs l’histoire d’un certain buisson qui brûlait mais que les flammes ne consumaient pas, et la seule explication donnée par un homme de Dieu de cette merveilleuse vision était que Dieu lui-même habitait la flamme…
Et nous, aux armées, pendant la guerre, nous avions coutume de chanter une chanson qui commençait par ces mots :
" Maintenez vivante, haute et claire la flamme
" Des foyers qui veillent sur nos cœurs chez nous. "
Dans le " chez nous " de mes rêves, je vois la pierre de l’âtre qui est devenue un autel et les feux brûlants de l’amour qui demeurent éternellement clairs, parce que le Seigneur qui les a allumés est aussi celui qui les entretient et qu’en lui leur chaleur, leur éclat et leur rayonnement ne peuvent jamais diminuer.
L. D. WEATHERHEAD
Dors Seigneur Jésus-Christ
Heureux ceux dans le vaisseau desquels les vagues font irruption, car ils seront forcés de chercher l’idée de Dieu.
Vois donc comment le Christ cherche partout notre bien, comme il nous sert même quand il dort, comme il nous attend même quand il nous abandonne, comme il nous fait avancer même quand il nous envoie des tempêtes, car il ne veut pas notre perte, mais que nous retournions auprès de lui et que nous soyons sauvés avec le maximum de certitude.
Il veut susciter en nous le désir de crier, il veut nous entendre crier pour nous exaucer ; il veut nous exaucer pour nous aider à nous apprendre à nous méfier de nous-mêmes et à lui faire confiance.
Nul ne périra si le Christ s’endort pour lui.
Qui ne périt pas, ne crie pas ; qui ne crie pas ne sera pas exaucé ; qui n’est pas exaucé, ne recevra rien ; qui ne reçoit rien n’a rien ; qui n’a rien périra.
Ainsi se fait-il que celui qui ne périt pas périt pourtant réellement et nul ne pourra jamais se réveiller si le Christ ne s’endort pas pour lui.
Dors donc, Seigneur Jésus-Christ pour te réveiller, et laisse-nous périr pour nous sauver…
(Sermon du 1er février 1517, 4ème dimanche après l’Epiphanie, W à I, 128, 44 ss).
Martin LUTHER – Foi et vie
L’homme
" Tu veux voir l’homme ? Regarde Jésus-Christ. "
Tu veux voir l’homme ? Regarde Jésus-Christ.
Ah ! Certes, il a tout de notre misère d’homme qui n’a pas un lieu où reposer sa tête, puisque l’incarnation aboutit dans une étable et qu’il faudra les montants d’une croix pour soutenir la rédemption.
Il va même plus qu’aucun autre aux bas-fonds de l’humain, celui qui n’a ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et qui, abandonné des hommes et un moment de Dieu lui-même, mourra dans la solitude épouvantable où défaille sa chair.
Mais point son cœur.
Tout tombe dans le néant ou descend aux enfers, mais tout se redresse dans l’amour et ressuscite.
Sa mort récapitule toute sa vie, enseignement, guérisons, tendresse, et en éclaire l’intention première.
Il est venu pour sauver.
Et c’est de lui qu’est vrai le mot de Lacordaire : " Dès que nous aimons, nous voulons sauver l’âme aimée (et pas seulement l’âme, mais le monde), fût-ce au prix de notre vie, c’est-à-dire lui donner la vérité dans la foi, la vertu dans la grâce, la paix dans la rédemption. "
Il aime. Il aime imperturbablement, invinciblement, triomphalement.
Et je regarde à lui.
Et flambe en mon cœur la passion qui incendia les yeux des bergers agenouillés.
Je regarde, et mon être entier frémit de la ferveur qui faisait trembler l’offrande aux mains des mages adorants.
Je regarde, et, dans ce regard, m’oublient ténèbres et désespoir, me quittent péché et mort, et j’entre en contemplant dans cette sainteté qui éclate aux esprits, dans la splendeur de l’amour éternel, dans une gloire d’humanité transfigurée, telle la gloire du fils unique venu du Père.
O Fils de l’Homme, je te salue dans ta crèche, humble à terrasser les puissants, misérable à vaincre le péché, la mort et l’enfer, dépouillé jusqu’à mettre en évidence la souveraine grandeur.
Te voyant si entièrement homme, je crie que Dieu est là.
Et devant toi, je m’humilie, abdiquant avec mon orgueil ce qui me séparait de l’homme.
Nous voici frères, lui et moi.
Les haillons de notre humanité masquent plus ta stature de fils de Roi.
Je vois en toi l’homme renouvelé, régénéré, l’homme rétabli dans sa dignité parce qu’il porte au visage l’image restaurée du Dieu vivant.
Voici l’homme qui ne se dissipe plus dans l’éphémère, mais que Dieu réintègre dans l’éternel.
Voici l’homme qui n’est plus taillable et corvéable à merci, mais revêtu d’un droit inaliénable.
Que tu es beau, mon frère ! L’homme que je veux être, l’homme que j’ai rêvé de rencontrer, le voici.
L’homme réel, l’homme-type, l’homme enfin.
Et si l’homme jusqu’ici ne m’était point aimable, je lui découvre maintenant, à te voir, à te rencontrer dans la foi, à t’accueillir dans la joie, de merveilleuses grandeurs et un prix infini.
Car je me prends à l’aimer pour l’amour de toi.
Et je viens même à l’aimer de ton amour.
Henri ROSER
Simon de CyrèneI
Ce Simon était étranger à Jérusalem.
Il était originaire de Cyrène, capitale de la Lybie supérieure, sur la côte d’Afrique.
Marc, qui écrivit son évangile à Rome, le désigne comme le père d’Alexandre et de Rufus, qui devaient être bien connus des chrétiens de cette ville.
Il se peut que ce Rufus soit le même personnage auquel Paul adresse une salutation particulière dans son épître aux Romains.
" Saluez Rufus, élu dans le Seigneur, écrit-il, et sa mère qui est aussi la mienne. " (Romains, chapitre 16, verset 13).
L’apôtre les aurait connus quand ils étaient encore à Jérusalem, et cette famille aurait été s’établir plus tard à Rome, où Rufus occupait une position distinguée dans l’Eglise.
Simon de Cyrène revenait des champs, quand il rencontra Jésus et les deux brigands qu’on emmenait au Calvaire pour les crucifier de compagnie.
Cet homme connaissait-il le Seigneur ?
Est-ce parce qu’il s’est montré favorable à sa doctrine qu’il fut contraint, plutôt qu’un autre, de se charger du fardeau de la croix ?
Nous ne le savons pas, non plus que les réflexions qu’il dut faire en portant l’instrument de supplice destiné au Juste haï sans cause.
Voici quelques réflexions que cette scène, racontée par Matthieu et par Marc, inspire au prédicateur Talmage :
" Cette croix que Jésus porte d’un bout, Simon de l’autre, est un enseignement pour toutes les générations humaines.
Ne te dit-elle pas, ô âme troublée, que personne ici-bas n’a jamais été contraint de porter tout seul le fardeau de sa croix ?
Si tu souffre la persécution, Jésus l’a soufferte aussi ; il s’approche de toi et prend ta croix par l’autre bout.
Si tu es dans l’affliction ou dans l’angoisse, tu n’as pas un Souverain Sacrificateur qui ne puisse compatir à tes faiblesses ; au contraire, il a été tenté comme toi en toutes choses, si l’on en excepte le péché.
Cette vérité fait du bien à mon âme ; c’est ainsi que je porte ma croix d’un bout, Jésus de l’autre.
Cette scène m’inspire d’autres réflexions encore.
Quand je vois Jésus et Simon gravir ensemble le Calvaire sous la même croix, je me dis que nous devons nous aider les uns les autres, et de la même manière, à porter nos fardeaux.
C’est ce que Paul recommandait aux Galates : " Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. " (Galates, chapitre 6, verset 2).
Si vous rencontrez sur votre chemin un homme persécuté, ou malade, ou angoissé, allez droit à lui et lui dites : " Mon frère, je viens t’aider. Prends ta croix d’un bout, moi je la prendrai de l’autre. "
Alors Jésus viendra aussi ; il se placera entre vous, au milieu, et ainsi il n’y aura bientôt plus de croix du tout. "
Sais-tu qu'à l'avance ?...
Tu sais que la haine, la dureté de cœur, l’amour de l’argent, l’amour de l’alcool et de la débauche font souffrir les hommes et surtout des innocents, causant désordre et mort !
Mais sais-tu que le mal offense Dieu, qui est maitre du monde, dont les yeux sont trop purs, trop justes, trop saints pour voir et supporter l’iniquité ; que Dieu ne peut tolérer l’injustice et que tout mal commis par toi doit être réparé, expié ou châtié ?
Tu sais que la mort et le cercueil t’attendent un jour, bientôt…
Mais, sais-tu qu’après cette mort, il y a le regard de Celui qui sait tout, la présence de Celui a qui il faut rendre compte à l’heure du jugement ?
Et qu’alors la malédiction du mal peut retomber sur toi, pour jamais ?
Mais sais-tu qu’un Sauveur est venu sauver le monde en sauvant chaque être humain, que ce Sauveur Jésus-Christ a parlé pour toi, vécu pour toi, et que, dans l’Evangile, tu trouveras ses paroles et le récit de sa vie ?
Sais-tu qu’à l’avance Il t’a aimé de la part de Dieu, que, par sa vie, sa misère, ses souffrances, ses blessures, sa mort, Il a réparé à l’avance les erreurs, les échecs, les chutes de ta vie ?
Sais-tu qu’Il t’a aimé jusqu’à prendre ta place et expier et mourir pour toi ?
Que pour toi, avant de mourir, Il a murmuré : Père, pardonne-leur…
(La vie nouvelle, n°6 – décembre 1930)
Samuel CORNIER